The Obsessed est l’un des pionniers du doom, l’une des formations légendaires du genre. Formé par l’immense, de talent comme de taille, Scott « Wino » Weinrich, il a, au fil d’une carrière décousue, inspiré de nombreux groupes, devenant une sorte de figure tutélaire du stoner. Fondé en 1976, il a disparu dès 1985 quand son leader, guitariste brillant, est devenu le chanteur de Saint Vitus. Il est ensuite réapparu régulièrement, signant quatre albums, dont le dernier, « Sacred » en 2017.
Wino, qui a traversé des périodes sombres — prison, résultat du braquage d’un magasin d’alcool en 1995, interpellation en 2014 par la police norvégienne pour détention de substances illicites, vente décevante de « The Church Within » qui conduit à la séparation avec Columbia… — incarne un mode de vie rock’n’roll. Et cela transparaît dans sa musique et dans sa voix, celle d’un homme qui en a beaucoup vu ; trop ?
Ainsi « Incarnate Ultimate Edition », réédition d’une compilation de démos et raretés sorties en 2000, regroupe des chansons souvent hantées, riches des tourments qui rongent leur géniteur. Petites-fils du blues — les sublimes reprises de « On The Hunt » de Lynyrd Skynyrd et de « Inside Looking Out » des Animals puis de Grand Funk Railroad — fils du heavy rock plus ou moins underground des 70’s, ces morceaux brillent de fulgurances électriques dignes de Black Sabbath (« Concrete Cancer » et « Peckerwood Stomp » aux soli frissonnants) posées sur une section rythmique tout en rondeurs plombées — « Mourning », pure leçon de doom/stoner. Le son brut rend justice à ces compositions désabusées, lourdes et lancinantes (« Skybone », « Spirit Caravan »), qui tantôt grésillent de tout le poids du monde, tantôt brûlent de colère (« Iron And Stone »).
Généreux et dense, « Incarnate Ultimate Edition » compte 21 titres — dont un « Endless Circles » live — qui sont un voyage dans l’âme torturée d’un Wino ayant connu mille tempêtes pour en sortir riche de ses blessures.