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01.05.21 20:06

ZOUO - "Agony Remains"

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« Un joyeux bordel ! », voilà comment on pourrait qualifier cet album-hommage à Zouo. Et c’est plus un compliment qu’une tare dans ce cas précis. En effet, après ma précédente critique du nouvel album de S.H.I., dernier bébé de Cherry Nishida, il paraissait de rigueur de revenir aux sources en tendant une oreille attentive à cet opus « bonus » sortant en même temps chez Relapse. Et on vous avertit tout de suite : oui c’est plus crasseux, oui c’est plus brut, oui c’est plus bricolé. Cet album, taillé comme un patchwork, n’a pas la maturité, la maitrise ou même la simple qualité technique de son tout jeune confrère. Mais il serait également injuste de les comparer outre mesure : Zouo est non seulement un projet plein d’enthousiasme juvénile et d’expérimentation fébrile, mais aussi un groupe datant de plus de trente-cinq ans ! Prenons donc davantage cette créature chimérique pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une relique, une capsule temporelle vers une époque et un lieu auquel nous, Européens, n’étions pas forcément familiers.

Autre mise en garde d’importance : « seuls » les six premiers morceaux de la galette sont d’un enregistrement convenable et même « classique », et proposeront alors un confort d’écoute plus que correct. Le chant paraitra totalement différent à ceux qui connaissent le travail de Nishida sur S.H.I. : on se trouve ici vers quelque chose à la croisée des chemins entre les Ramones et les balbutiements du Black (pas réellement une coïncidence : c’était l’époque, d’autant plus au Japon !). On s’amusera d’ailleurs de la prononciation des refrains, ressemblant parfois à de drôles d’onomatopées, mais beuglés avec une telle énergie qu’on se prend directement au jeu ! On appréciera aussi la pluralité des idées vis-à-vis des sonorités, même si par moment on aurait apprécié certainement davantage l’un ou l’autre titre avec un rien d’effets en moins, justement pour que les instruments paraissent moins « étouffés » et que les morceaux respirent davantage. Mais ce côté plus foutraque et pétaradant a aussi du bon, et cette fusion ressemblant justement à du « black thrash » des débuts fait vraiment plaisir.  Après, le côté thrash ressemble plus à du punk rock tout de même (surtout sur « Frustration » ou « Bloody Master »), tandis que la dimension black s’arrête au chant caverneux et aux thèmes des morceaux (« Fuck the God » ou « Making Love With Devil »). Mais cela fait malgré tout une intéressante amalgamation, qui ne plaira pas à tous, très clairement, mais qui a le mérite d’être faite avec les meilleures intentions et avec un fun des plus plaisants.

Le reste de l’album amplifie les côtés « patchwork » et « joyeux bordel » que j’évoquais plus haut. Il s’agit en effet de neuf titres, divisés en trois lives différents. Cela donne donc des atmosphères différentes, des qualités de prises de son différentes, et bien sûr des titres différents également. Certains font partie des six chansons en tête d’album, d’autres sont uniques et représentent peut-être la seule occasion de réentendre ces morceaux balayés par les sables du temps. Tant pis si la qualité est plus que sommaire : tel un spéléologue retrouvant un bout d’os non identifié, on aurait du mal à trouver quoi en faire pris séparément. Mais en y associant le bon contexte et les bons éléments annexes, cela prend tout son sens.

Comment clôturer cette critique ? Sans doute en énonçant clairement à qui cet album est destiné : aux curieux. À ceux qui ont découvert Cherry Nishida avec S.H.I. et en veulent encore plus. Aux profanateurs de sépultures, prêts à déterrer des pépites d’un monde qui nous est presque entièrement inconnu. Sans doute que pour le commun des mortels, cet album très brut à la qualité sonore bancale ne sera pas une expérience inoubliable. Mais nul doute que pour le passionné, il représentera un vrai trésor.

Informations supplémentaires

  • Points: 4/5
  • Genre: Noise Punk
  • Pays: Japon
  • Maison de disque: Relapse Records
  • Date de sortie: 23.04.21
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Ale