Si la setlist de ce concert n'est pas la plus originale, on ne prétendra pas non plus en être surpris. Tant parce que cela fait bien longtemps que BÖC n'a plus sorti de nouveaux titres que parce qu’ils sont toujours aussi diablement efficaces plusieurs décennies après leur sortie. On appréciera ainsi cette version ultra-longue de "Godzilla" de plus de douze minutes ! Mais aussi d’autres aussi bons que puissants : « Buck's Boogie », « Burnin' For You » ou encore « Harvester Of Eyes » font partie de ces titres que l'on n'a de cesse de redécouvrir. Que dire aussi de "Black Blade", morceau tout aussi geek que Godzilla mais bénéficiant d'une aura bien moindre alors qu'il a tout du "crowd pleaser" ? Les morceaux du groupe ont toujours brillé davantage par leurs instrus que par leurs vocals souvent plus minimalistes, mais ces dernières rajoutent toujours un cachet particulier c'est clairement le cas sur cette chanson. La joie de n'avoir pratiquement QUE de la musique, donc avec très peu d'intervention du groupe entre chaque morceau, est vraiment plaisant. Tant pis pour ceux qui voulaient entendre quelques anecdotes... Le groupe donne tout ce qu'il a sans fioritures, et c'est bien pour ça qu'on est là ! Si on pourra reprocher au groupe de ne sortir que des productions sans réelles surprises ces dernières années, on se réconfortera en disant que presque aucun titre n'a pris de coup de vieux. C'est toujours aussi jouissif d'entendre Cities On Flame With Rock And Roll ou Me262. Même si on trouvera toujours LE titre qui manque... Pour nous, ce sera "Astronomy" cette fois-ci.
Et une énième ressortie pour ce désormais bien culte "classic" ! En ce sens, difficile de feindre la surprise : la tracklist est le même concentré de gourmandise que l'on attend d'un groupe mythique comme BÖC. On a « Don't Fear The Reaper » (évidemment), « Godzilla » (peut-être dans la meilleure version jamais sortie), « Burning for You » (qu'on a du mal à écouter sans penser à un certain groupe suédois...), et quelques morceaux tout aussi excellents peut-être un brin moins connu : « Harvester Of Eyes », « Astronomy » ou « M.E. 262 ». Non finalement, outre le manque de nouveautés, ce qui est préjudiciable à l'album c'est peut-être d'avoir gardé en l'état les deux curieux "TV mix" en queue de peloton. S'ils permettent de pleinement apprécier l'instrumental des deux titres, on se rend bien compte de l'importance capitale des vocals dans la genèse des titres Godzilla et Don't Fear The Reaper. Ce n'est tout simplement pas pareil sans. Que dire de plus ? Il s'agit des meilleurs titres d'un des meilleurs groupes de hard rock, vieux de plus de cinquante ans. Les fans absolus n'y verront aucun intérêt. Les non-initiés y trouveront l'essentiel d'un groupe n'ayant plus rien à prouver. GO-GO-GODZILLA !
Issu de la rencontre entre Zak Stevens (ex Savatage) et Aldo Lonobile (Secret Sphere), ce nouveau projet repose sur les qualités de ses deux membres fondateurs. On est dans le heavy metal pur et dur avec en ouverture « Fallen» directement dans cette lignée. « Rise » propose une approche plus puissante et énergique alors que « Under The Spell » et « The Serpent» amènent leurs riffs accrocheurs et leur groove. Une approche plus sombre est offerte avec « Twilight » et que serait un album de heavy sans ballade, ici acoustique et mélancolique sous le titre « Brought To The Edge ». Techniquement irréprochable avec des solos d’Aldo impressionnants et la voix puissante de Zak, cet album, bien que très bon, ne prend aucun risque et ne surprendra pas. Une valeur sûre pour ceux qui n’aiment pas sortir de leur zone de confort.
Il y a des groupes qui sortent de nulle part et se font remarquer grâce à leur capacité d’exceller dès leur première sortie. Cela avait été le cas pour An Evening With Knives. Leur premier EP (2015) ainsi que leur premier album « Serrated » (2018) les avaient fait sortir rapidement de leur ville natale d’Eindhoven pour aller se produire avec des formations, excusez du peu, telles que Corrosion of Conformity, Steak N°8 ou encore Truckfighters. Évoluant dans un style pourtant pas accessible au plus grand nombre, les Hollandais nous pondent un nouvel opus intitulé « Sense of gravity » qui risque de faire mal. On retrouve le savant mélange de post rock et de stoner doom bien groovy et mélodique. On pense à des formations telles que Mastodon, Black Sabbath et bien sûr Corrosion of conformity à l’écoute de cet album. Des morceaux tels que « Sacrifice », « Meditate », « Turn the page » et « On your own » sont autant de morceaux explosifs qui le confirment. À cela A.E.W.N. incorpore des éléments tirés de la période psyché 70’s comme sur « Escape » ou encore une atmosphère sombre et envoutante, « Endless light » étant le meilleur exemple. « Sense of gravity », c’est un mur de son dont la dynamique est dictée par une rythmique ultra efficace, et dans lequel les guitares amènent une atmosphère mélancolique et un groove puissant. An Evening With Knives marque un grand coup avec ce nouvel opus en proposant un album parfaitement maitrisé. Que vous aimiez ou pas le style, je ne peux que conseiller d’aller jeter une écoute sur « Sense of gravity ».
Mais quel plaisir de retrouver ce groupe New-Yorkais doté de sa propre griffe, de son propre style et mieux encore, de découvrir l’alchimie musicale résultant de l’intégration de 3 nouveaux musiciens aux côtés du guitariste-chanteur, Mike HILL. Sans nous appesantir sur les nombreux changements de line-up opérés durant les 13 années d’existence du groupe, il m’apparaît évident que cela relève du karma de cette entité artistique. C’est un peu comme si chaque aventure musicale avait pour mission d’évoluer et de porter une essence musicale toujours plus prégnante. Ce 4e EP remporte largement les lauriers de la transcendance tant le travail réalisé est totalement captivant. En toute humilité, les 6 titres de cette petite galette sont tous totalement attractifs et somptueux. « Monarchy of Shadows » démarre sur une introduction oppressante que le jeu de clavier de Terence Hannum parvient à emplir de beauté pour ensuite glisser dans un black mélodico- hardcoreux qui vous secoue d’emblée les méninges pour ensuite glisser dans une ambiance dark qui vous enserre les tripes. Votre conscience tressaute face au matraquage des fûts de Justin. La vélocité destructrice se déploie davantage sur le très agressif « Once Falls the Guillotine ». Par-delà cette brutalité, un parfait crossover est fait sur le refrain et on a l’occasion d’apprécier le bon groove du bassiste, Drew. Le morceau redémarre sur des aires plus thrash qui ne peuvent que faire osciller votre tête. À peine le temps de respirer et nous grimpons d’un étage dans la vitesse avec le superbe « Necro Alchemy » qui s’écarte cette fois de la sphère dark pour camper dans un black acerbe, à la mélodie parcimonieuse, mais bien présente dans la conduite du bal. Je revois là les géniaux belges de Cryptogenic qui sont pourtant bien plus ancrés dans le death apocalyptique à la souche hardcore. L’aventure se poursuit avec le fabuleux « Man Behind the Sun » nous plongeant dans un black grave et mélodique appuyé par une bonne rythmique pétulante à souhait. Le chant est mordant et monte dans l’incantation spirituelle sollicitant de bien sombres énergies.
Sur « Path of Totality (Midnight Sun) », nous restons dans la haute cadence et évoluons cette fois dans une dimension encore plus incisive en raison du chant qui monte dans une sphère bien plus brutale. De bons breaks viennent glisser une puissance faramineuse. Le chant se complète par le timbre de Mike Goncalves. Enfin, « The Dark Rift » démarre dans une ambiance digne de Morbid Angel et se trouve exportée dans une aire très éthérée grâce à l’excellent travail de strings de Ben Karas. En tendant bien les oreilles on peut savourer en toile de fond, une véritable symphonie.
En conclusion, je pense tout simplement que Tombs vient de produire non seulement le chef-d’œuvre de sa carrière, mais un véritable chef-d’œuvre musical tant le point parfait d’équilibre a été trouvé dans ce nouvel espace de création. Je pense aussi que l’apport des 3 derniers musiciens embarqués dans le caveau y est aussi, en grande partie, pour beaucoup. L’inconvénient c’est que de faire aussi bien, nécessitera une solide dose de créativité tant il sera bien difficile de faire mieux que ce niveau bien haut perché.
Diable que le travail de ce duo transalpin est déstabilisant. Les deux musiciens Wolke et Anxitudo se laissent aller en totale liberté sans définir les rôles ni les balises. C’est donc en quelque sorte un premier album d’une très jeune carrière qui s’axe sur une totale improvisation. À l’écoute des 5 morceaux, une première impression se dégage. Diespnea parvient à croiser un black atmosphérique éthéré avec un black épique tel que pratiqué dans les années 90’s. Nous retrouvons « Immortale », leur tout premier single de 2019. Là où le duo bouscule tous les standards, c’est que tant dans le chant que dans leur musique, nous sommes balancés entre le mélodique structuré et la totale dissonance. Des arrangements difficilement supportables viennent déranger l’esprit tant nous ressentons des parties abrasives. « Nostos Algos » démarre dans une aire bien plus calme, mais les riffs aigus viendront rapidement vous réveiller. Le chant est superbe tant il suinte le nauséeux.
Hélas, nous versons souvent dans une sorte de bouillie sonore, une véritable « materia prima » impurifiable.
Si la dimension spirituelle se trouve dans le chant, nous découvrons un univers torturé campé dans une approche totalement syncrétique entre le bien et le mal. Diespnea nous offre du cash, comme si leur lecture du monde reprenait une forme de complétude, créant une dialectique dure, mais bien réelle. C’est à un tel point qu’ « Intermezzo » est véritablement salvateur pour notre âme qui ne peut qu’être impactée par les constructions chaotiques nous sortant de notre zone de confort. Au niveau des références, on repense aux premiers albums de Blut Aus Nord. Si je rappelle que la gnose grecque voyait dans cette notion de pneuma une référence au souffle Divin ayant amené l’âme et l’esprit… Force est de constater que l’âme de Diespnea semble avoir été amenée par une entité bien plus obscure que lumineuse. « Naufragio » m’apparaît comme étant un morceau nettement plus accessible et de toute beauté. Il nous replonge dans de lointaines origines et c’est un peu comme si nos artistes prenaient un cruel plaisir à nous noyer sous leur chape musicale construite sur les flux et reflux de marées poisseuses. « Gorgoneion » se montre bien plus atmosphérique et moins expérimental dans son architecture. Cette ode à la gorgone est menée dignement et l’on peut quasiment découvrir un tout autre prisme quant au regard porté sur cette créature mythique qui semble honorée plus que redoutée. En conclusion, cet album ne sera pas accessible à tous les esprits, à toutes les oreilles. Je vois cependant un énorme potentiel. Imaginons une production encore plus soignée, des atmosphères glissant plus vers des espaces de Beauté et nous grimperions encore d’une division. À suivre, car le duo ne vous laissera pas indemne.
Un album sans fioriture pour Fallen Arise. Les chansons sont légères par rapport à d’autres groupes qui ajoutent des effets sur toute la durée des titres. Dans le cas de « Enigma », il n’y a quasiment aucun ajout à part pour les intros. Ça donne un côté aéré à l’ensemble du disque. Ca n’empêche pas les morceaux d’accrocher et de donner envie d’écouter le morceau suivant, surtout que chacun a son âme propre, ce qui permet de ne pas s’ennuyer. On a par exemple « Enigma » qui commence doucement pour finir avec plus de force ou « Forsaken » qui est plus dans l’émotion sans être mièvre. De plus, chaque instrument et le chant, principalement en clair avec par moment un peu de growl, sont bien mis en avant. En ajoutant à cela des titres bien construits et travaillés, on obtient un CD qui vaut la peine d’être découvert et qui tient la route du début à la fin.
Un coup de cœur : « Without Disguise ».
« 2084 », rien que le titre donne le ton : le groupe explore le futur. Il y mêle le désespoir et son contraire, la force et la violence,… Les morceaux sont faits pour amener une ambiance, un ressenti. Ça fonctionne assez bien sur la plupart des chansons qui livrent une sensation d’oppression vu les guitares et la batterie omniprésentes. Le chant aussi contribue à cet effet. Une petite pause débarque en avant-dernier, juste le plus long titre de l’album : plus de dix minutes. Enfin, les petites nuances disséminées surprennent et nous plongent dans leur monde. On l’entend particulièrement sur « Divide et Imperia » qui offre des riffs de guitare bien différents de ce qui étaient proposés précédemment. Un album qui mérite d’être découvert et dont toutes les subtilités risquent de prendre du temps avant de se faire clairement entendre. Les coups de cœur : « Divide et Imperia » et « Terror of Lies ».
13e album studio pour ce trio qui en a encore sous le coude pour nous étonner. Enregistré au Willie Nelson’s Austin, Texas Studio, l’album est brut, direct et parfois marrant. Il nous prend directement avec « Ain’t Gonna Stop » énergique et au riff accrocheur. Beaucoup d’influences sur cet album que l’on retrouve sur « Bring It Back » ou « Last Time Again » qui font penser respectivement au Ramones et à Motörhead. « You Ain’t The Boss », quant à lui, fait resurgir AC/DC pendant la période « Dirty Deeds ». Les morceaux « Gettin’Into Each Other’s Pants » et « That’s A Thing » nous rappellent que Supersuckers n’est jamais à prendre trop au sérieux ! À citer encore deux reprises : « Dead, Jail Or Rock n’Roll » de Michael Monroe et « A Certain Girl » de Allen Toussaint à la sauce « Suckers ». Ce sont au total 12 titres qui nous montrent l’entendu du talent de ce groupe. Un excellent album qu’il me tarde de voir en live lors de leur tournée qui débute en Mars.
Quatre ans après le succès de “Moonbathers” qui ne m’a pas laissée indifférente et qui m’a bouleversé autant musicalement que personnellement, Delain revient avec un nouvel album “Apocalypse & Chill” rempli de conviction qui va nous transporter dans son univers dystopique. Le charme de Delain avec ses sonorités accrocheuses et énergiques se retrouve comme à son habitude et va nous conquérir. Une facette atmosphérique est mise en valeur avec des chœurs et des passages orchestraux marqués. Nous trouvons des morceaux d’une facilité d’écoute prenante s’entremêlant aux rythmiques catchy des claviers et à la lourdeur des guitares. Cependant, on remarque une sorte de distinction entre le côté “chill”et le côté "Apocalypse". L’un est aisément accrocheur avec des refrains entêtants comme sur “Chemical Redemption”, “We Had Everything” et ‘Let’s Dance”et ne procure aucune saveur particulière… On a également dans ce lot “Live Is To Die” avec ses sonorités de claviers très modernes et “One Second To Love” avec Timo au chant qui apporte pour la première fois sa contribution vocale. L’autre, le côté “Apocalypse”, met en avant cette nouvelle facette de Delain plus orchestrale et grandiose se retrouvant déjà en puissance dans les singles "Burning Bridges” et "Masters of Destiny” et fait monter les compositions vers un niveau supérieur. D’autres titres tels que "Legions of the Lost” laisse ressortir cette dimension épique avec ses chœurs ou encore le duo ravageur “Vengeance” où s’assemblent les voix de Charlotte et Yannis Papadopoulos (Beast In Black). La subtilité et fragilité de la ballade “Ghost House Heart” s’y ajoute avec ses sonorités de violons mises en avant également sur “The Greatest Escape”. Je me suis retrouvée séduite par “Creatures” avec des riffs très lourds (à la limite djent) qui s’assemblent avec la douceur de la voix de Charlotte. Elle contribue comme toujours à apporter un charme aux compositions en dévoilant avec aisance toute sa puissance et sensibilité vocale. L’opus se conclut en virtuosité sur le morceau instrumental “Combustion” rempli de vigueur et technicité. Dans l’intégralité mon avis est assez mitigé, malgré une lourdeur de guitares affirmée, le côté prenant et énergique qui fait l’essence de Delain reste trop simpliste, il manque une touche de tact pour faire décoller l’ensemble. A contrario, la partie atmosphérique et orchestrale offre une nouvelle dimension assez intéressante et captivante. Au final “Apocalypse & Chill” est un album en demi-teinte...
Premier album pour cette formation hollandaise qui a dû surmonter de nombreux problèmes, dont la disparition tragique de son chanteur en 2019. Ils puisent leur inspiration dans des groupes tels que Insomnium, Omnium Gatherum avec un son qui mélange puissance, mélodie et une touche de doom. L’album est produit et mixé par le groupe et de très bonne qualité. L’intro instrumentale « Reminescence » n’est pas sans rappeler leurs influences et ouvre de manière aérienne sur des morceaux plus structurés et mélodiques où technicité et harmonie se mêlent. « Forsaken » et « Eye Of The Storm » montrent la puissance de la formation alors que « Fracture Existence » ou « The Bitter Inheritance » exploitent les différentes facettes du style et laissent s’exprimer les guitares tantôt énergiques tantôt mélancoliques. L’album offre un break grâce à « Reassurance », morceau acoustique de toute beauté. L’album se referme sur « Remembrance », titre épique de plus de 8 minutes qui nous expose un panel complet de la virtuosité et de la sensibilité de cette formation. Sans être révolutionnaire, c’est un très bon premier opus qui sent bon les influences finlandaises.
La dénomination « super-groupe » est très souvent utilisée de nos jours lorsque plusieurs pointures d’un même milieu se rejoignent pour former une entité. Le succès n’est pas forcément toujours au rendez-vous, puisqu’au-delà des qualités techniques des musiciens, il faut également qu’une alchimie prenne pour un résultat détonnant. Pour Sons of Apollo, côté alchimie, pas de doute, ça prend bien, pour preuves leur premier album "Psychotic Symphony" (2017) ou encore le sublime "Live With The Plovdiv Psychotic Symphony" (2019). Quand on est sur une bonne lancée, autant en profiter, ce que font Portnoy, Sherinian, Ron "Bumblefoot" Thal, Sheehan & Soto avec la sortie de leur deuxième album, sobrement intitulé "MMXX". Au programme, un Metal Prog haut de gamme avec des influences Hard Rock, une maitrise de tous les instants, un groove sans pareil ("Resurrection Day") et évidemment une technique irréprochable. Si le côté Dream Theater ne passe pas inaperçu, il serait très réducteur de voir la nouvelle œuvre de Sons of Apollo uniquement par ce prisme, l’aspect Hard Rock étant ultra présent ("King of Delusion"), avec des titres très rentre-dedans, et évidemment une sacrée dose de virtuosité qui leur donne une classe monumentale avec des solos de guitare et claviers ("Goodbye Divinity") totalement dingues. Sans forcément être très éloigné de son premier opus, Sons of Apollo la joue un peu plus directe sur "MMXX" tout en étant exubérant quand le moment s’en fait sentir, bref, du travail de pros mais quand on voit le line-up, on se dit que c’est logique.
Derrière Absolutus, nous retrouvons l’ardent travail de notre compatriote, Abstrusus. En 17 ans de sévices, le palmarès musical reste assez respectable si nous évoquons les 2 albums et 4 EP produits. « Numenon » sorti en novembre 2019 était donc le 4e labeur sous le format EP. La presse spécialisée n’a pas manqué d’établir des références avec Deathspell Omega et semble avoir été emballée davantage lors de la découverte du second opus de 2015, « Pugnare in iis Quae Obtinere Non Possis ». La création de ponts typés Dark Ambient dans le style Ulver, renforce l’intérêt que l’on peut porter à ce projet. Ce « Numenon » sort des sentiers battus sur le fond. Si jadis, certains évoquaient une forme d’orthodoxie dans les atmosphères saturées du musicien, j’entrevois désormais un crossover avec le post black plus spirituello-méditatif. Sur « Prism of Mental Structure», nous sommes très clairement bercés par l’essence métaphysique originelle de toute chose. La perception par les sens est dépassée et nous sommes invités à rétropédaler pour revenir aux sources véritables de la matière. Le spectre du monde des idées de Platon vous effleure l’âme. La composition laisse ressortir une solide énergie vitale qui vient bousculer toute forme d’immobilisme. Sur sa lourde atmosphère teintée d’ambiant, « Continuum » parvient à vous mettre en plein éveil pour poursuivre le travail réflexif auquel nous sommes amenés inéluctablement. « The Authority of Reason » dégage une ambiance qui happe et perfore les neurones. Votre propre mental est interpellé. Nous faisons là l’expérience de la notion d’intelligible via la prise de conscience des limites de la raison, aussi imposante soit-elle. Nos sens sont mis à mal, la conscience vacille. Kant nous disait que nous ne pouvons atteindre la connaissance par l’usage de nos sens. J’ai le sentiment qu’Abstrusus ne prend pas parti dans ce débat et laisse l’auditeur se questionner en expérimentant lui-même, en toute liberté. « Presupposed Core of Cohesion » porte une sorte d’étendard Punkoïde recouvrant les aspects Noisy. L’efficacité visée en filigrane garde bien sa place. Toutefois, nous montons d’un cran et une nouvelle piste nous est donnée pour trancher le débat… La vision spinoziste remet en quelque sorte, l’église au milieu du village. La pensée immatérielle se distingue bien de la réalité matérielle, mais garde un lien avec les objets de cette même réalité. Il y a de la contenance dans la pensée. Qui doute encore du pouvoir de l’esprit sur la matière ? Certainement pas Abstrusus, qui a eu ici l’art d’inscrire cette réflexion métaphysique dans un univers musical en profonde cohérence avec son propre sujet. Il y a bien raffinement dans cette œuvre qui ne se laissera pas approcher sans travail de l’auditeur. Ce sera à lui d’aller chercher les pistes du créateur, selon sa propre vérité, sa propre sensibilité. Le noumène est-il bien définissable ? Il est à l’image de ce black inspiré. À vous de jouer.
Découvrir un nouvel opus de Thy Catafalque, c’est d’emblée s’attendre à être surpris. Notre prodigieux et sympathique génie hongrois, Tamás Kátai, âme pensante et cheville ouvrière de l’entité musicale qui nous occupe, reste toujours imprévisible. Ce serait un peu sortir de mon devoir de neutralité éthique que d’avouer que j’adorais les premiers albums de cet artiste hors-normes, porteurs, à l’époque, d’un black metal avant-gardiste totalement captivant. Puis en 2015, sur son 6e album, « Sgùrr », Tamás allait nous mettre face au mur. La presse spécialisée allait vivre un schisme considérable, les uns criant à l’hérésie face à l’orientation musicale de l’époque et les autres, toujours aptes à évaluer le fond « Catafalquien ». Qu’on le veuille ou non, en 2018, le 8e album «Geometria » allait nous apparaître comme étant un véritable chef-d’œuvre. Pour ma part, soucieux de combattre le repli identitaire musical du large monde du Black metal, j’ai fait mon deuil de ce qu’était Thy Catafalque jadis. Il fut, il est et sera. Le génie, ce n’est pas dans les titres de l’artiste que je le perçois, mais bien dans sa personnalité, aussi fantasque soit-elle. J’établis par ailleurs un corrélat entre l’évolution du travail de Tamás avec celui de Mirai Kawashima (Sigh). Oui, le changement fait peur… à certains plus que d’autres. N’avons-nous pas plus à gagner que de vivre la découverte d’un album à l’instant présent ? Au diable le passé, le futur reste un point fixe comme le disait si bien Rainer Maria Rilke. Et ce présent, que dit-il ? À l’écoute de «Naiv», je retrouve bien la personnalité de Messire Kátai. Il nous immerge toujours bien dans son propre univers avant-gardiste, teinté de progressif ancré dans un syncrétisme musical assez diversifié. On aime le lourd, qu’à cela ne tienne, «Vető » lâche un riffing Heavy Thrash à la Slayer, teinté de folk de type « Artrosis » pour ensuite nous promener dans des sonorités electro World. Dans le même registre, comment ne pas succomber au charme de l’excellent « A valóság kazamatái » ? Ce morceau joue sur la dualité émotionnelle, tantôt mordant sous des auspices industriels, tantôt apaisant via ses ambiances « Transe ». Si j’évoquais un lien indicible avec Sigh, à l’écoute du très surprenant « Kék madár (Négy kép) », nous découvrons une atmosphère Folk épique versant ensuite dans un cadre totalement relaxant, évoquant une musique de générique de feuilleton. Il est aussi question de fusion et en ce sens, « Számtalan színek » illustrerait à merveille une chorégraphie de danse contemporaine. Une amorce très swing-Jazzy vous percute sur « Tsitsushka » à la pétulance très mesurée.
Une dimension introspective nous est aussi donnée avec le superbe morceau qu’est « Embersólyom », véritable tremplin vers la vacuité. Au final, ce qu’on peut retenir de Thy Catafalque, c’est sa propension à vous remettre totalement en question, par-delà les clivages qui existent dans le monde musical. Tamás Kátai transcende toute frontière possible en remettant au centre l’essence même que ce que peut porter la musique. Son apport est avant tout une fonction réunificatrice. Ce 9e album possède en lui toute cette force. Le découvrir vous fera évoluer d’une manière ou d’une autre.