Chris Grès

Chris Grès

Michael Monroe, légendaire chanteur depuis les flamboyants et légendaires Hanoï Rocks, ne cesse, depuis 2011, de sortir des albums de qualité. "One Man Gang" ne déroge pas à cette règle d’excellence. En 12 morceaux aussi courts qu’accrocheurs, le Finlandais et ses acolytes – ex Hanoï Rocks et New York Dolls pour certains –  signent un disque de rock parfait : si Wagner donne envie à Woody Allen d’envahir la Pologne, Monroe me donne envie d’envahir les rues de la ville pour une épique sortie du samedi soir, musique à fond, bouteille de whisky à la bouche.

Le premier morceau, l’éponyme "One Man Gang", s’ouvre sur un bref cri et lance la cavalerie à fond, tendance punky, jusqu’à un refrain à reprendre en chœur. Une baffe, d’entrée, pour se réveiller, pour être prêt pour une nuit d’excès… et un réveil à coup sûr difficile. Mélodies magnifiques (comme sur "Last Train to Tokyo"), évocations obligatoires et jouissives d’Hanoï Rocks ("Hollywood Paranoïa" ou l’indispensable harmonica de "Junk Planet"), soli de classe (le joyeux « The Pitfall of being an Outisder"), refrains imparables et, bien sûr, cette voix, cette voix, cette voix, cette arrogance qui disparaît parfois sous un voile nostalgique comme sur l’apaisé "In the Tall Grass". Les chansons s’enchaînent sans faiblesse sur une autoroute de plaisir avec, parfois, un petit détour, à l’image des cuivres mexicains de « Heaven is a free state". Quel voyage offert par Monroe et ses potes !

Sorti en 2008, 15 ans après « Focus », premier album du groupe gravé dans le marbre des chefs-d’œuvre intemporels, "Traced in air" était attendu, invoqué avec le fol espoir d’égaler le coup de maître, la crainte de voir Cynic quitter les cieux pour s’embourber dans la boue commune.

Ce deuxième essai, avec un line-up modifié à la marge, Paul Masvidal et Sean Reinert restant aux commandes, fut une réussite. Il se glissait dans le sillon magique de "Focus", sans le copier. Moins death, moins progressif, "Traced in air" restait le fruit d’une alchimie parfaite entre passages aériens et accélérations intenses, entre voix éthérée et rares mais judicieux grognements. Ainsi "The Space for this" célébrait à merveille l’union de la grâce des arpèges et de la puissance de riffs époustouflants. Les soli divinement sublimes et batterie diaboliquement subtile offrait aux compostions une beauté d’une rare pureté. Il se dégageait de ce disque subtil et puissant, riche et entêtant, des effluves envoûtants., des échos d’un futur ambigu. 

Et la version « remixed » 2019 alors ? Quelques lignes de basse en plus, une production qui semble accroître les contrastes de cette musique divine mais rien de bien révolutionnaire. Surtout, quel intérêt de bricoler sur une œuvre qui est déjà un classique, un incontournable ? Alors écoutons, réécoutons et écoutons encore le "Traced in air" d’époque… et les autres disques de Cynic, voire le "Re-Traced" de 2010, relecture électro-acoustique et intimiste du disque originel.

Vétéran de la scène death metal, Sorcery, fondé en 1986, a publié un premier album en 1991 avant de s’éclipser. Les Suédois sont réapparus en 2013 avec "Arrivall at Six" et ont enchaîné, en 2016, avec "Garden of bones". Ils poursuivent sur leur lancée cette année avec, si vous avez bien compté, leur quatrième effort, "Necessary Excess of Violence". Les bougres évoluent dans un death brutal, riche en riffs rapides et agressifs ("Year Of The Plague") et en blasts efficaces. Suède oblige, quelques passages mélodiques de bon aloi viennent rompre les vagues d’agression (le malsain "Of Blood And Ash"). Même si les vocaux, gutturaux à souhait, sont noyés, comme en sourdine, derrière les guitares et la batterie, ce disque dégage une atmosphère old school et sinistre (l’intro de "The Stellar Circle") qui nous plongent dans les années 90. Malgré d’indéniables qualités, "Necessary Excess of Violence" se montre toutefois prévisible, voire répétitif, en alignant des morceaux qui finissent par trop se ressembler. Vers le milieu de l’écoute, l’ennui s’installe...

"Bowels Of Earth", troisième album d’Entombed depuis qu’il s’est adjoint l’extension A.D. en 2014, se place dans le prolongement de ses deux prédécesseurs. Toutefois les Suédois, qui ont engagé leur guitariste live Guilherme Miranda, renouent avec leurs racines malsaines, retrouvant ces sons morbides, ces distorsions caractéristiques qu’ils avaient tendance à délaisser. Dans le sillage des vocaux de LG Petrov – ah, ces vers qui s’achèvent en grognements, comme sur "Through The Eyes of God" - l’atmosphère de ce disque est sombre et éprouvante  – "Bowels Of Earth", brève intro au piano avant une plongée dans les ténèbres. Habile, le quatuor sait toutefois varier les ambiances, passer d’un titre direct et violent, "Eliminate Them", à une chanson quasi sludge, "Bourbon Nightmare", sans, bien sûr, renier ses aspirations rock ni son amour de la lourdeur. La basse donne une consistance épaisse à l’ensemble du disque, qui permet par contraste aux nombreux soli de se frayer un passage au cœur de cette forêt aussi dense que sinistre. Vivement la tournée pour nous glisser sous ces arbres terrifiants.

Dès l’ouverture de "Alienated Despair", avec "Faculties Of Time", le ton est donné : voix éraillée, riffs au couteau, batterie qui blaste, le tout servi par une auto-production râpeuse à souhait. Implore joue vite, frappe fort et ne fait bien évidemment pas dans la dentelle. Toutefois les Allemands, aux paroles engagées dénonçant les dérives mortifères de nos sociétés occidentales, brisent la monotonie de la colère furieuse par quelques trouvailles intelligentes. Le tempo ralentit parfois – un tout petit peu, ne croyez pas tomber sur un titre doom – comme sur "All Consuming Filth" ou sur "Never Again" vicieux qui accueille un Tomas Lindberg (At The Gates) en forme. Certains titres s’étirent quelque peu, à l’image des près de quatre minutes du gras "Parallax". La frénésie belliqueuse du hardcore copule bestialement dans un lit crasseux avec un death primitif et old school. Leur rejeton, écumant de rage, nous crache au visage. Et, masochiste, on aime ça !

Projet studio fondé en 2000 par Quazarre (voix/guitare), Devilish Impressions est devenu un « vrai » groupe en 2006. Après quatre albums – le dernier "The I", en 2017 – les Polonais reviennent chez Non Seviam Record avec un EP, "Postmortem Whispering Crows". Les trois titres qui le composent, célèbrent le mariage décadent entre agressivité et ambiances malsaines ; ah ces effets sur les riffs... . De longues plages instrumentales aux mélodies envoûtantes, presque hypnotiques, sont ainsi déchirées par l’irruption de grognements râpeux et torturés qui s’effacent à leur tour derrière des vocaux psalmodiés, comme crachés par un prêtre maudit. "Interregnvm", riche morceau aux multiples reflets, tel un vitrail brisé traversé par la lumière sanglante d’un crépuscule d’automne, illustre à merveille la maestria d’un groupe capable de signer des compositions hantées.