Morbid Domi

Morbid Domi

Hé oui, il y a belle lurette que l’album est sorti. Mais quand Raph prend la peine de m’écrire pour demander d’écouter ce groupe, je ne puis qu’admirer son travail de soutien et ne pouvait que plonger sur son poulain. Bien que plus engagé sur la scène Black, et, à de rares exceptions près, moins passionné par le metal de Finlande, j’avoue que cet album de WRATHRONE m’a rappelé à l’ordre. Dès les premières notes d’ « As the Knife Cuts Deep », c’est un sentiment d’écrasement qui m’a frappé le plexus solaire. C’est gras à souhait sans être plat. Le chant de Mister Vehemas est bien prégnant et offre une belle puissance sur l'air musical. Petit bémol, si j’apprécie le jeu de batterie de Ruocho, je pense qu’on peut améliorer le léger retrait qui suinte sur « Heartless absolute ». Les guitares crachent une bonne mélodie bien groovy et aux racines punkoïdes très typées. Ça décape les neurones. Véritable coup de cœur sur le superbe « Infliction » qui parvient à porter une brutalité infaillible tout en s’ancrant dans la beauté mélodique. C’est à réveiller un mort. Le martial pointe son nez sur le très carré « We feast on fear » et là, je me dis que le groupe possède clairement sa propre griffe… Au diable les comparaisons. Wrathrone joue la diversité, en visant la qualité. Énergétiquement, les artistes apportent du peps.

6 années après la sortie de leur premier opus, les Lituaniens nous font l’honneur de poursuivre leur aventure musicale campée dans le registre du Death old school Thrashisé. Ma foi, par-delà l’engagement des artistes, se pointe d’emblée le sentiment d’avoir affaire à une œuvre de qualité. Dès les premières notes de « When blood runs cold », comment ne pas penser à Benediction ? C’est puissant, un riffing bien lourd avec un cadre rythmique de bon aloi. Le growl d’Andrius est tout bonnement excellent dans le style de Dave Ingram. Sur « Suicide for pleasure », Stormgrey nous plonge dans l’univers de Six Feet Under dans la richesse architecturale du groove. Au passage le jeu de basse de Liudas, bien que discret, apporte un bon élan sans se démarquer de la maîtrise des fûts. « Fuel named hate » se permet de se hisser dans le plus pur style d’Obituary. Le tempo plus lent de « Womb of darkness » nous montre la capacité perforante du groupe. Cet album est clairement taillé pour les concerts avec ou sans masque. Le titre éponyme fuse de vélocité dans un swing diabolique. L’A.D.N. virevolte dans votre corps. Stormgrey possède clairement de l'habileté à insuffler une belle fraîcheur là où quelques titans se sont essoufflés. Je souligne aussi l’harmonie du jeu des 2 guitaristes. Finalement, vous aimiez Bolt Thrower, vous chouchouterez ces Lituaniens qui, s’ils poursuivent en ce sens, risquent fortement de monter au panthéon. A suivre. 

Bon sang !!! Et dire que c’est un premier album. Nihïlant place la barre haut et contribue au sentiment que je nourris depuis près de 6 ans, que la scène Death Française possède un vivier d’ambassadeurs qualitatifs qui ont une griffe bien spécifique. C’est ce syncrétisme qui est plus que la simple somme des bons groupes qui foisonnent. Ces Parisiens n’échappent pas à la règle tant ce premier opus est une véritable pépite. Du premier titre « Le Desosseur de cadavres » jusqu’au fabuleux « A promontory of pain », sombre à souhait, on ne peut que succomber à la musique très riche de nos cousins. Ils ont l’art de sublimer le vieux Death en le modernisant d’influences groovées, techniques, mélodiques. J’ai le sentiment de découvrir un Agressor survitaminé qui flirte avec Carcass. Le son est tout bon et permet de savourer chaque instrument. Le chant d’Antoine, derrière un apparent timbre sérieux, dissimule à peine un bon grain de folie. Impossible de rester stoïque sur « Shared minds » qui vous fait groover les tripes. Pas d’écrasement brutal ici mais du raffinement neuronal allant titiller des bases progressives. A lui seul, ce groupe résume toute la quintessence de l’efficacité de la scène Hexagonale.

Les géniaux Bataves de Fluisteraars nous reviennent avec leur quatrième opus d’une déjà belle carrière et d’un public acquis à sa cause musicale défendue avec vigueur depuis 12 ans. Les connaisseurs se souviennent encore de l’album enchanteur qu’était « Bloem » sorti en 2020. Pour cette nouvelle cuvée, 3 titres en forment l’ossature. Le duo éthéré démontre aisément qu’il garde toute sa puissance ainsi que sa capacité à créer un black allant se camper aux frontières du Black atmosphérique et du Post Black. Le 1er titre, « Het overvleugelen der meute », est assez exceptionnel tant il vous accroche d’emblée par son atmosphère très prégnante où le chant de B. Mollema semble venir de très loin, d’un autre lui dans le style des maîtres du Grind de Macabre. Le son est excellent et l’auditeur est invité à un véritable voyage dans le large univers couvert par nos joyeux sires. S’enchaîne à merveille « Brand woedt in mijn graf » qui prend une dimension brumeuse, portée par des claviers à la mélodie totalement envoûtante. Le chant redevient matière, plus mordant, plus black. La basse titille vos tympans avec douceur et la batterie se laisse guider avec bon aloi. Qu’on se le dise, M. Koops apporte énormément avec brio. C’est une véritable cohésion qui amène une force de frappe, » doucerette » mais bien efficace. Puis vient le monstrueux troisième morceau « Verscheuring in de schemering » de plus de 20 minutes qui nous hisse dans un post-black de très haute volée avec des riffings qui drainent la moindre parcelle de votre attention. Mister B. se lance dans un chant très rythmé et habité, poussant les aigus dans la lignée du DSBM. Le morceau reste très abordable, loin de la brutalité habituelle du Black. C’est quasiment à une danse frénétique que vous invitent les artistes. Le final explose tout… les cuivres fondent tant la chaleur s’est dégagée de ce mouvement en spirale infinie… Passé l’écoute, vous serez en manque, vous vous dites, déjà…vous en voudrez encore. C’est là le signe d’un véritable chef d’œuvre qui vient couronner la très belle évolution de ce groupe. En un mot, Fluisteraars, ce sont des magiciens de la nature et qui sont dotés de l’art de vous envoûter sans retour possible.

Sur la planète Death metal, il y a eu un album qui en 2021 a tout écrasé sur son passage et il relève des œuvres du groupe Français, Creeping Fear avec son époustouflant «Hategod Triumph». Les passionnés de Death mélodique me parleront d’At The Gates avec son excellent « The Nightmare Of Being ». Et puis, il y a la surprise résultant de la découverte. Je voulais mettre à l’honneur le projet BlightMass, unifiant des Ricains et un Français. J’avais eu l’occasion de les chroniquer sur leur premier album «Severed from Your Soul» de 2019, leur attribuant une cote de 4/5. En cette année spéciale de l’an de disgrâce 2021, revoilà nos artistes pour vous présenter leur nouvel opus, véritable album, celui rassemblant non plus le matériel des travaux des temps jadis mais bien ceux du temps présent. C’est bien là qu’on pouvait les attendre et mesurer l’évolution si tant est qu’il y en ait une. Ben, voyez-vous, cet album est totalement prégnant tant les morceaux nous plongent dans un Death groove tantôt technique, tantôt old-school mais où la griffe du groupe apparaît très clairement. A lui seul, BlightMass véhicule l’art d’un Suffocation croisé avec Deicide. Tout est bon de l’introduction brève jusqu’à l’outro  « The Great Collapse ». Le jeu de basse de Jechael mène la danse littéralement, prenant une liberté rythmique par-delà le cadre déjà bien trempé de la batterie. C’est effectivement doté d’espaces groovy bien agencés comme on pouvait le trouver dans Faith No More. Le chant est aussi harmonisé avec l’ensemble comme nous le voyons sur le titre éponyme, sur le très sombre «SkinCrawl » aux relents de Krisiun. Parfois on monte dans le grave du registre de mon groupe culte, Morbid Angel. Les riffs de guitare de Nattewølf et Jackula sont hypnotisants. Les deux guitaristes se complètent à merveille et jouent avec brio de la passation du leadership… Chacun vous pique, recule, tandis que l’autre avance déjà pour poursuivre. La technicité est là et les artistes cherchent plutôt à soigner l’ensemble plutôt qu’à se lâcher égotiquement. Et c’est là toute la force du groupe, chaque individualité apporte une griffe évolutive, laissant la porte ouverte aux autres. Le tout est bien plus que leur simple somme. L’album passe bien, en affinant l’écoute, parfois des inspirations de Hardcore, de Rock se laisseront capter. Au final, vous vous dites qu’il y à là une entité qui peut lutter sur le même front que celui occupé par les énormes artistes de Pestilence.

Quelque part à Phoenix, en Arizona, Daniel Stollings poursuit ses travaux en solitaire et nous sort un très bon 3ème E.P. en 6 années de services sur la scène du Black atmosphérique. En maître de son art, il nous distille des titres bien aériens aux mélodies soignées et prégnantes. Le riffing de guitare est poli et semble démontrer une bonne capacité à créer des espaces facilement appréciables. Point de mélancolie pathogène ne suinte dudit riffing car Dani parvient à transcender sa propre matéria prima. Il entre dans le monde du Beau, du Pur, de l’Oxygénant. Le titre éponyme est une véritable pépite qui subjugue l’auditeur d’emblée tout en ayant l’aptitude d’atteindre le niveau vibratoire d’un hymne national. Sur « Unholy Conjuration », l’auditeur virevolte dans ce jeu dynamique qui me fait penser aux géniaux Amongst The Moonlight. Assurément, Daniel monte en puissance par cette expérience qui se forge dans ce qu’il délivre. Sa persévérance mérite amplement d’être récompensée à sa juste mesure. Installez-vous dans votre fauteuil préféré, écoutez en fermant les yeux et plongez dans les ténèbres sublimées magistralement. Le voile éthéré se lèvera alors sur l’horizon de l’Arizona.

Il y a des artistes qui parviennent à traverser les épreuves du temps en montrant d’excellentes facultés de résilience. Tel est le cas avec nos Français de Suicidal Madness qui, en toute intelligence constructive, ont décidé de sortir un EP pour fêter leurs 10 années d’existence, histoire d’imprégner les membres qui ont rejoint le trio de base de l’âme de cette sombre entité. Quelques titres phares des 2 premiers albums « Les larmes du passé » et « illusions funestes » ont été regroupés et joués sur base des structures pensées à l’époque en y intégrant le jeu d’un véritable batteur, Frakkr ainsi que les lignes de basse légèrement groovées de Nekros. L’expérience est plus qu’intéressante, car les titres écrits jadis sonnent désormais avec une solide différence. En effet, sur les superbes « Mort » et « Coma », l’essence originelle de Suicidal Madness est préservée, mais se trouve sublimée par un chant qui a transmuté ses souffrances passées ainsi que par une profondeur musicale apportée par une basse légèrement plus extravertie et le martèlement bien contrôlé de véritables fûts. Les morceaux défilent, vous happent littéralement, mais pour vous plonger dans un univers vibrant d’une énergie plus dynamique qu’incapacitante. L’auditeur s’en trouve encore plus ancré dans une belle prégnance dépassant le cadre du recueillement passif. Le tout montre une forte aptitude du groupe à occuper une digne place parmi les meilleurs ambassadeurs du sous-genre, ceux qui parviennent à détacher la souffrance humaine pour la transformer en une forme d’extase. Vivement le 4e album.

11.04.21 10:12

Suicidal Madness

Parmi les sous-genres du Black metal, il en est un qui fait moins l’objet de critiques tant il se développe au-delà de nos ressentis et qu’il parvient à se régénérer à travers les époques ; c’est le black atmosphérique dit « dépressif ». Pourtant, l’on pourrait se dire qu’il n’y a rien de neuf à ce que des artistes expriment un mal être sur les notes qu’ils sortent de leurs tripes. Là où l’intérêt se pose, c’est la manière avec laquelle ils le font. Le détour par les Français de Suicidal Madness est recommandé à tout lecteur ayant une accroche généraliste du metal car exprimer des souffrances, nous l’avons compris, c’est une chose, mais, en 10 ans d’existence, tels des alchimistes, nos voisins ont démontré de solides capacités à transmuter la sombre matière. Suicidal Madness, c’est désormais un quintet qui fête 10 années d’existence et surtout, qui procède à un relifting de réalisations passées à travers un excellent E.P., « Vestiges d’une ère ». Pour en parler avec Metal’Art, Psycho, une des chevilles ouvrières du groupe, n’hésite aucunement à livrer ses états d’âme.

Bonjour Psycho, tout d’abord, comment vas-tu en cette période assez compliquée pour le commun des mortels ? Assez bien merci, malgré les hauts et les bas que l'on rencontre tous depuis de longs mois maintenant, j'arrive plus ou moins à garder une certaine stabilité émotionnelle, ce qui m'empêche de trop sombrer. Mais le moral prend quand même un coup, il faut bien l'avouer, je survis surtout grâce à la musique, en restant extrêmement productif et aussi grâce à la famille, les amis... Je crois que sans tout ça j'aurais déjà clairement perdu pied.

Mine de rien, en tant que guitariste, les années s’écoulent et ton expérience se capitalise toujours plus. En tant que musicien, que ressens-tu dans ton évolution personnelle ? Savoir que l'on évolue est toujours très gratifiant. C'est ce qui nous pousse à continuer et à toujours vouloir aller de l'avant, afin de s'améliorer encore et encore. Je pense que c'est pareil pour chaque musicien, cette quête de l'amélioration perpétuelle. Mais au-delà de ce côté, il y a surtout le plaisir de créer, c'est même l'aspect le plus important pour moi, qui passe même avant l'évolution personnelle. Car comme je le disais dans la réponse précédente, composer m'aide énormément, la musique nourrit mon âme et m'apaise et avec le temps je me rends compte qu'elle fait de plus en plus partie intégrante de ma vie. Créer est devenu comme une drogue dont je ne peux plus du tout me passer.

Avec ce groupe qui t’est manifestement cher, Suicidal Madness, vous avez fait une sorte d’état des lieux de vos premières productions, avec de nouvelles forces à vos côtés, Nekros à la basse et Frakkr à la batterie. Que peux-tu constater au niveau de leur apport sur les titres que vous avez eu l’occasion de créer jadis ? Nekros étant à la base notre bassiste live, il a apporté ses propres lignes, c'est ce qui a ajouté une autre couleur et une autre profondeur aux morceaux. Habituellement, c'est Alrinack qui s'occupe de ce rôle sur les albums, mais pour le coup nous avons réenregistré les morceaux tels que nous les jouions sur scène. Jusqu'à maintenant, nous avions toujours eu recours à une batterie programmée sur nos albums et Frakkr est maintenant notre batteur depuis 2017. Pour l'anecdote, nous avions l'intention déjà pour notre troisième album, d'enregistrer avec lui malheureusement ça n'a pas pu se faire, et nous avons dû une fois encore recourir à la programmation. Cette fois-ci, les choses furent différentes et nous avons pu enfin enregistrer tous ensemble. Évidemment cela change du tout au tout, il a apporté sa propre patte et cela se ressent fortement comparé aux anciennes versions. La combinaison de leurs deux jeux respectifs accouplés aux nôtres a fait que ces anciens morceaux ont eu droit à un nouveau souffle, une seconde vie.

Qui a eu l’idée de sortir un EP d’anniversaire des 10 ans ? Par-delà les sempiternels clichés, en quoi est-ce important symboliquement de fêter votre entité musicale ? L'idée vient de moi à la base, les autres ont bien sûr tout de suite approuvé. 10 ans ce n'est pas rien dans une vie, et au bout de cette décennie nous avons écrit, si l'on peut dire ainsi, le premier chapitre de notre histoire. Une page se tourne et avec notre prochain album nous allons clairement franchir un nouveau cap en termes d'évolution. C'était donc important pour nous de marquer le coup en faisant une rétrospective de notre première période avant de passer à la suite.

Avez-vous eu des retours quant à cette petite galette « Vestiges d'une ère » ? Si oui, de quels types ? Qu’est-ce que les auditeurs trouvent dans votre univers ? Les retours sont pour le moment très positifs, les différentes chroniques que l'on reçoit sont vraiment très bonnes et cela fait extrêmement plaisir. Je pense que ceux qui apprécient notre musique se retrouvent dedans tout simplement. Après, ça reste très difficile de me mettre à leur place, chacun perçoit la musique à sa manière et tout le monde n'a pas la même sensibilité. Mais j'imagine qu'il y a quelque chose de cathartique pour eux tout comme pour nous.

En pensant à tes compères, pourquoi vous être orientés vers le style du black atmosphérique à énergie dépressive ? Aviez-vous chacun des références sacrées selon vos goûts ? En fait, ça s'est fait tout naturellement. Nous ne nous sommes jamais dit qu'il fallait le faire, cela s'est imposé tout seul, au fil des albums. Nous avons beaucoup de goûts assez variés et différents au sein du groupe et je pense qu'à un moment ou un autre nos influences doivent ressurgir et déteindre un peu sur notre musique. Mais on ne cherche jamais à sonner comme tel ou tel groupe, tel ou tel style...

Est-ce que ça te choque si je te dis que je ne trouve pas vraiment votre art pathogène, mais plutôt capable de transcender les brumes des souffrances diverses ? Non, je suis assez d'accord avec toi, dans le sens où ça aurait comme une sorte d'effet thérapeutique. C'est là où j'en reviens au côté cathartique de tout ça. Pour nous, ça nous permet d'évacuer nos souffrances internes, c'est en composant que l'on évacue. Mais on n'est absolument pas dans la complainte et l'apitoiement de soi, on essaie plutôt de, comme tu le dis, transcender cette souffrance, la dépasser et même la sublimer pour qu'au final elle devienne une certaine forme d'art à la manière de nos plus grands poètes maudits qui écrivirent de magnifiques poèmes emplis de spleen, nous c'est au travers de notre musique que l'on s'exprime.

Quel regard portez-vous sur votre carrière ? Y aurait-il des rêves que vous souhaitez accomplir ensemble ? Nous sommes plutôt fiers du chemin parcouru, malgré des débuts assez difficiles, nous avons su au fil des années trouver notre propre voie, évoluer également au gré des albums et avons même eu quelques belles occasions, comme partager la scène avec Nocturnal Depression, Wolves in the Throne Room, Wiegedood ou encore Gorgon. Si on me demande si en créant le groupe en 2010 je pensais que cela pouvait se produire un jour, je n'y aurais jamais cru. Et j'espère que les choses vont continuer en s'améliorant encore. On aimerait beaucoup pouvoir se produire plus sur scène, dès que cela redeviendra bien sûr possible pour tout le monde, jouer à l'étranger par exemple... On verra bien ce que l'avenir nous réservera...

 

Question difficile que je te pose, mais j’y tiens, selon toi, si tu devais dégager un titre de toute votre œuvre, représentant bien votre essence commune, quel est-il ? En effet, le choix est assez difficile à faire, chaque album, ainsi que chaque morceau à une histoire, un vécu propre. Mais je vais jouer le jeu et je vais choisir le morceau "Les larmes du passé", ce morceau qui figure à la base sur l'album du même nom sorti en 2015, et que l'on a réenregistré justement sur notre dernier EP "Vestiges d'une ère" est sûrement le morceau où l'on plane le plus lorsque nous le jouons, que ce soit entre nous en répète ou que ce soit sur scène, il se passe toujours quelque chose de particulier, une sorte de symbiose totale qui nous met limite en transe. Cela est sûrement dû à son côté lancinant et hypnotisant. Même si bien sûr beaucoup de nos morceaux ont ce côté léthargique. Mais celui-ci dégage quelque chose de vraiment unique. Il représente le mieux l'essence même du groupe.

Je te laisse le mot de la fin pour nos lecteurs. Qu’as-tu envie de leur dire ? Tout d'abord merci à toi pour ce moyen d'expression et pour l'intérêt que tu nous portes. Je tiens également à remercier tous ceux qui nous soutiennent, c'est ce qui nous permet de continuer. Un grand merci donc à tous !

01.04.21 19:50

ANDE - "Bos"

Nous retrouvons Jim, notre cher Limbourgeois, pour sa 4e œuvre en 6 années dédiées à son projet solo « Ande ». Le titre de l’opus est sans équivoque sur l’hommage rendu envers la « Nature » dans tout ce qu’elle possède de mystérieux et de fabuleux. Là où Ande se démarque, ce n’est pas par l’apport d’une prophétie, mais par l’atmosphère solide et puissante que l’artiste pose dans son travail. En effet, sur « Ransuilen », nous pouvons ressentir une lourdeur écrasante, à l’image de la capacité de cette même nature à se déchaîner inexorablement. Jim use avec parcimonie des accords mélodiques pour camper davantage dans cette aire plus noire propre au Black qui se respecte. Son chant implacable entre dans ses espaces musicaux sobres et, étrangement, parvient à échapper à toute forme de sentiment comme le ferait un observateur neutre posant un regard objectivant. Ce post black présente une forme de majesté et « Vogelvlucht » en est une illustration parfaite. « Het broek » parvient à nous emmener dans un black atmosphérique plus épique presque industriel par l’usage judicieux des saturations. « De bierteller » est superbe tant dans sa vitesse d’exécution avec ce riffing engagé que dans le cadre mélodique balisant un solide caractère. Ande tente même de pénétrer la matière obscure sur son excellent « Achter de bomen ». En conclusion, nos sens sont communs, mais leur rendu diffère selon nos âmes et cette observation offerte par Jim a le mérite de nous sortir de la contemplation béate pour revenir davantage dans le principe de réalité qui échappe à nos fixations affectives.

21.08.20 14:35

VARUS - "A New Dawn"

8 ans d’existence pour le quatuor bavarois qui nous revient avec un second album dans l’escarcelle. Cette œuvre est tout bonnement superbe et nécessite d’être découverte de toute urgence. En effet, les 8 titres de death folk symphonique soufflent d’une grande fraîcheur et présentent tous un solide travail dans la musicalité. Les ambiances épiques se bousculent et nos Teutons nous plongent dans l’histoire, opportunité nous permettant de sortir de nos tracas quotidiens. Les compositions sont énergiques et l’on peut qualifier les éléments symphoniques de « dynamiques ». L’auditeur chemine au grand galop tout au long du temps qui passe. Les 2 minutes de « Tränk dein Herz » vous bousculent dans les cordes. Sur le superbe titre éponyme, Thyrfing pourrait refaire une cure de retour aux sources. Les chœurs sont prégnants. Et qu’extraordinaire est cette vitesse de jeu. « Ascheregen » apparaît quant à lui, bien plus sombre tout en se permettant de titiller les meilleures pointures de black symphonique. C’est vous dire la puissance du Death de Varus. Sur «Ein Lebewohl », le groupe nous montre aussi son aptitude à explorer la profondeur. En toute humilité, nous pouvons mesurer un grand apport qualitatif à la scène Folk dans l’hommage apporté par Varus. Imaginez leur puissance en concert, nous ne serions pas loin d’un séisme de 9 sur 10 sur l’échelle de Richter ; soit la destruction totale.

Revoilà les arrogants satanistes d’Ofermod. Cette entité comprenant le très sulfureux Michayah Belfagor, au passé carcéral bien empli, porte une véritable congruence dans sa dévotion au malin. Plus surprenant, dans la grande famille des chroniqueurs de la musique extrême, il n’y a jamais eu véritablement de consensus lorsqu’il s’est agi d’évaluer la qualité musicale du groupe. On aime ou on n’aime pas. Pour ma part, j’assume pleinement le fait d’apprécier le travail du groupe depuis le magistral EP « Mystérion Tés Anomias ». Et à l’écoute de ce 4e opus de leur carrière longue de 24 ans, je ne suis pas prêt de bouger ma position. D’emblée, « Persisting to Die in Thee » se laisse apprécier par un riffing assez mélodique qui peut vous faire penser au titanesque Morbid Angel de la meilleure époque sans être dans ce style. C’est propre, le son est bon, ça suinte la possession. « Tiamtü » nous plonge dans un espace nettement plus langoureux teinté de vieux thrash.  Chivah maltraite ses fûts pour notre plus grand plaisir tandis que Moloch brille de tout son chant dans les ténèbres musicales. Sur « Unfolding Paradow in Final Redemption », on peut apprécier le jeu énergique de basse de Tehom qui pose une chape de plomb sur le joli riffing guitaristique de Belfagor. Je me rappelle alors de la griffe orthodoxe qui était nettement présente sur l’excellent album « Sol Nox ». Je retrouve moins cette ambiance, ayant l’impression de camper dans une aire plus old school mais rondement menée. Sur le très bon «The Becoming of Pentagrammaton », le jeu de guitare offre une mélodie accrocheuse qui suit un encadrement rythmique judicieusement placé. Sans doute y en aura-t-il pour ne pas trouver de transcendance dans un morceau ayant de faux airs d’une base du style… Mais force est de constater que la sensation est là. Le groupe envoûte et vous entraine dans son atmosphère obscure. Ofermod sait aussi ralentir la cadence tout en gardant une certaine puissance à l’instar d’« A Man-like God » qui nous immerge dans les années 80’s. « The Seventh Temple » revient dans un registre nettement plus black et teinté de peps maitrisés. Oserions-nous croire qu’une forme de maturité envahit notre quatuor ? C’est le sentiment qui se dégage tout au long de l’écoute. Il y a comme une sorte de consolidation de l’expérience artistique qui se retranscrit dans une harmonie générale. L’album se termine sur le très bon morceau qu’est « A Likeness to Yah », dynamique, mélodique, incisif. Il est certain que ce petit bijou présente un haut potentiel de chauffage de Pit. Au final, Ofermod a réalisé un bon travail et est parvenu à créer 2 superbes hits qui rendent à cette œuvre un caractère assez attractif au vu des autres compositions qui restent très correctes. J’ai donc hâte de lire l’avis de mes confrères autant que de découvrir sur les réseaux sociaux si vous avez eu cette même sensation de force tranquille… je n’oserais dire de « sagesse ».

Non seulement l’Écosse est un pays magnifique, mais en plus, dans le monde du black atmosphérique, elle constitue un véritable terreau fertile de groupes ou projets dotés de solides compétences en matière de réalisation musicale. Tout digne amateur de ce courant apprécie certainement Saor, Bròn, Fuath ou encore Falloch. La terre des Scots n’a pas fini de nous livrer ses secrets et un autre projet mérite toute votre attention, c’est celui de Tom Perrett, véritable cheville ouvrière de son entité « Ruadh », comprenez par-là « Rouge », symbolique du sang, mais aussi griffe naturelle celte chez certains chevelus. C’est déjà le second album depuis une récente création de 2 années.

Franchement, cet opus mérite d’être écouté tant l’artiste parvient à nous placer dans une légèreté certaine, nous promenant dans des atmosphères aux superbes mélodies. 4 morceaux sortent véritablement du lot tant leur taille nous amène à les considérer comme de véritables joyaux. Tel est le cas d’« Embers », ouvrant l’opus au pas de course tout en portant une sorte de florilège de sonorités prégnantes. Le chant martial haché garde une marque légèrement Black qui est dominée par la lumière qui se dégage des mélodies plutôt épiques. Toujours dans ce même morceau, à la 4e minute, un tout autre univers lève son fin voile de pureté… et c’est une merveilleuse entrée dans le folk qui nous étreint, non sans une petite pointe de mélancolie pour s’envoler en apothéose dans la 6e minute.

Seconde pépite, « Winter Light » qui explose dans un registre plus orienté dans l’excentricité, mais contrôlée. La dimension Folk est plus vivifiée et votre envol se fera dans avec plus de célérité, mais toujours dans un havre portant assurément des dimensions magiques. Nous sommes plus ici dans une énergie d’ancrage.

Que dire aussi de ces 2 magistrales parties I et II du véritable chef-d’œuvre qu’est « Only Distant Echoes Reign » qui incite au recueillement sous la posture d’une grande humilité. La voix féminine et son chant mi-éthéré renforce davantage le travail d’orfèvrerie musicale.

Le titre éponyme m’a produit une étrange sensation, celle de glisser sur des terres plus mystiques avec des espaces typés « Anathema » et vers la 5e minute, une glissade plus shoegazienne dans l’univers d’Alcest ou des Discrets. Notons qu’il ne s’agit point dans mon esprit d’un reproche quelconque vu que le voyage est assez agréable.

Sur « Fields Of Heather », les riffs de guitare offrent un cadre assez souple, laissant la batterie tracer les balises et les garde-fous de ce superbe morceau qui capte véritablement votre âme. Le chant en voix claire vous immerge dans la méditation.

Au final se second opus montre un solide talent et me conforte dans vision très positive de l’école Black Ecossaise.

Écouter Ruadh, c’est voyager dans un parfait équilibre entre les 5 éléments.

Quelque part en Belgique : « Dis Papa, c’est quoi la différence entre le Death Black et le Black Death ? » - « Hein ! Tu en as d’autres des questions de la sorte ? » - « Non, mais concrètement ? » – « Écoute en gros lorsque la base musicale repose davantage sur le Death et que ce qui est véhiculé provient de l’essence du Black, on dit que c’est du Death Black et lorsque c’est l’inverse, on dit que c’est du Black Death… » — un long silence — « Tu as compris ? » – « Pas vraiment !!! » - il est l’heure d’aller coucher fils – du Death Black c’est Belphegor et du Black Death c’est Belphegor… Bonne nuit !!! »

Plus sérieusement, le groupe sur lequel je devais me pencher alors qu’est apparu le terrible Covid-19 n’aura pas attendu que je libère du temps pour sortir son album. Je ne connaissais pas ce quatuor australien et me suis donc empressé d’aller faire les recherches d’usage pour tenter de prendre meilleure mesure de leur parcours en 7 ans de carrière. Ces briscards en sont déjà à leur 4e opus d’une carrière dédiée au death black. Diantre, je retrouve Jared, ex-bassiste et ex-chanteur d’un groupe de black death symphonique que j’affectionne « Advent Sorrow ». Chez Earth Rot, au diable la basse, il sévit dans le chant. Allez, on teste le produit… 

En toute honnêteté, il ne faut pas 5 écoutes pour découvrir la puissance destructrice de ces artistes. C’est une véritable claque. Les titres défilent : « Dread Rebirth », « New Horns », « Towards a Godless Shrine » qui fait penser à de l’Entombed croisant du Gorefest, du Grave avec une touche très core. Le groove n’est pas laissé au placard et l’on peut apprécier la superbe complicité entre le bassiste et le batteur. La rythmique déménage tandis que les riffs perforants de Tom et Colin viennent vous botter les fesses avec une sacrée dose d’énergie. Sur « Unparalleled Gateways To Higher Obliteration », on peut savourer une approche plus mordante tant dans le chant que dans l’architecture acérée du morceau. Là, ça fait plus mal que les excellents Vital Remains. Des fibres plus black, je les trouve dans l’essence du très engagé « Ancestral Vengeance » qui garantit un décapage en bonne et due forme. « The Cape Of Storms », confirme la prédominance des notes Death Old School qui sont assez bien maîtrisées techniquement. Le son est propre aussi. Autre belle expérience de déluge sonore sur « Serpent’s Ocean ». Il est très difficile de rester stoïque sur cette ode virulente. « Mind Killer » vous donne la clé sur les intentions réelles de ces musicos, simplement vous éclater les neurones. Earth Rot est excellent dans ce registre plus brutal. La galette se ferme sur un surprenant très bluesy « Out In The Cold » qui suinte les fragrances australiennes à plein nez. Non, nous ne perdons pas notre esprit dans cette immersion de leur univers très typé et le pire, c’est que ces bougres sont doués et qu’ils peuvent accrocher un large auditoire musical par leur capacité syncrétique à brasser les sous-genres.

« Gamin, descends, un exemple pour te faire comprendre la différence entre le death black et le black death…viens écouter Earth Rot, tu vois, ça, c’est du bon Death Black »… « Ha oui, comme Belphegor ? » « Rooh, t’as rien compris gamin, retourne te coucher ».

Mais quel plaisir de retrouver ce groupe New-Yorkais doté de sa propre griffe, de son propre style et mieux encore, de découvrir l’alchimie musicale résultant de l’intégration de 3 nouveaux musiciens aux côtés du guitariste-chanteur, Mike HILL. Sans nous appesantir sur les nombreux changements de line-up opérés durant les 13 années d’existence du groupe, il m’apparaît évident que cela relève du karma de cette entité artistique.  C’est un peu comme si chaque aventure musicale avait pour mission d’évoluer et de porter une essence musicale toujours plus prégnante. Ce 4e EP remporte largement les lauriers de la transcendance tant le travail réalisé est totalement captivant. En toute humilité, les 6 titres de cette petite galette sont tous totalement attractifs et somptueux. « Monarchy of Shadows » démarre sur une introduction oppressante que le jeu de clavier de Terence Hannum parvient à emplir de beauté pour ensuite glisser dans un black mélodico- hardcoreux qui vous secoue d’emblée les méninges pour ensuite glisser dans une ambiance dark qui vous enserre les tripes. Votre conscience tressaute face au matraquage des fûts de Justin. La vélocité destructrice se déploie davantage sur le très agressif « Once Falls the Guillotine ». Par-delà cette brutalité, un parfait crossover est fait sur le refrain et on a l’occasion d’apprécier le bon groove du bassiste, Drew. Le morceau redémarre sur des aires plus thrash qui ne peuvent que faire osciller votre tête. À peine le temps de respirer et nous grimpons d’un étage dans la vitesse avec le superbe « Necro Alchemy » qui s’écarte cette fois de la sphère dark pour camper dans un black acerbe, à la mélodie parcimonieuse, mais bien présente dans la conduite du bal. Je revois là les géniaux belges de Cryptogenic qui sont pourtant bien plus ancrés dans le death apocalyptique à la souche hardcore. L’aventure se poursuit avec le fabuleux « Man Behind the Sun » nous plongeant dans un black grave et mélodique appuyé par une bonne rythmique pétulante à souhait. Le chant est mordant et monte dans l’incantation spirituelle sollicitant de bien sombres énergies. 

Sur « Path of Totality (Midnight Sun) », nous restons dans la haute cadence et évoluons cette fois dans une dimension encore plus incisive en raison du chant qui monte dans une sphère bien plus brutale. De bons breaks viennent glisser une puissance faramineuse. Le chant se complète par le timbre de Mike Goncalves. Enfin, « The Dark Rift » démarre dans une ambiance digne de Morbid Angel et se trouve exportée dans une aire très éthérée grâce à l’excellent travail de strings de Ben Karas. En tendant bien les oreilles on peut savourer en toile de fond, une véritable symphonie.

En conclusion, je pense tout simplement que Tombs vient de produire non seulement le chef-d’œuvre de sa carrière, mais un véritable chef-d’œuvre musical tant le point parfait d’équilibre a été trouvé dans ce nouvel espace de création. Je pense aussi que l’apport des 3 derniers musiciens embarqués dans le caveau y est aussi, en grande partie, pour beaucoup. L’inconvénient c’est que de faire aussi bien, nécessitera une solide dose de créativité tant il sera bien difficile de faire mieux que ce niveau bien haut perché.

09.03.20 19:22

DIESPNEA - "Pneuma"

Diable que le travail de ce duo transalpin est déstabilisant. Les deux musiciens Wolke et Anxitudo se laissent aller en totale liberté sans définir les rôles ni les balises. C’est donc en quelque sorte un premier album d’une très jeune carrière qui s’axe sur une totale improvisation. À l’écoute des 5 morceaux, une première impression se dégage. Diespnea parvient à croiser un black atmosphérique éthéré avec un black épique tel que pratiqué dans les années 90’s. Nous retrouvons « Immortale », leur tout premier single de 2019. Là où le duo bouscule tous les standards, c’est que tant dans le chant que dans leur musique, nous sommes balancés entre le mélodique structuré et la totale dissonance. Des arrangements difficilement supportables viennent déranger l’esprit tant nous ressentons des parties abrasives. « Nostos Algos » démarre dans une aire bien plus calme, mais les riffs aigus viendront rapidement vous réveiller. Le chant est superbe tant il suinte le nauséeux.

Hélas, nous versons souvent dans une sorte de bouillie sonore, une véritable « materia prima » impurifiable.

Si la dimension spirituelle se trouve dans le chant, nous découvrons un univers torturé campé dans une approche totalement syncrétique entre le bien et le mal. Diespnea nous offre du cash, comme si leur lecture du monde reprenait une forme de complétude, créant une dialectique dure, mais bien réelle.   C’est à un tel point qu’ « Intermezzo » est véritablement salvateur pour notre âme qui ne peut qu’être impactée par les constructions chaotiques nous sortant de notre zone de confort. Au niveau des références, on repense aux premiers albums de Blut Aus Nord. Si je rappelle que la gnose grecque voyait dans cette notion de pneuma une référence au souffle Divin ayant amené l’âme et l’esprit… Force est de constater que l’âme de Diespnea semble avoir été amenée par une entité bien plus obscure que lumineuse.  « Naufragio » m’apparaît comme étant un morceau nettement plus accessible et de toute beauté. Il nous replonge dans de lointaines origines et c’est un peu comme si nos artistes prenaient un cruel plaisir à nous noyer sous leur chape musicale construite sur les flux et reflux de marées poisseuses. « Gorgoneion » se montre bien plus atmosphérique et moins expérimental dans son architecture. Cette ode à la gorgone est menée dignement et l’on peut quasiment découvrir un tout autre prisme quant au regard porté sur cette créature mythique qui semble honorée plus que redoutée. En conclusion, cet album ne sera pas accessible à tous les esprits, à toutes les oreilles. Je vois cependant un énorme potentiel. Imaginons une production encore plus soignée, des atmosphères glissant plus vers des espaces de Beauté et nous grimperions encore d’une division. À suivre, car le duo ne vous laissera pas indemne.

Derrière Absolutus, nous retrouvons l’ardent travail de notre compatriote, Abstrusus. En 17 ans de sévices, le palmarès musical reste assez respectable si nous évoquons les 2 albums et 4 EP produits. « Numenon » sorti en novembre 2019 était donc le 4e labeur sous le format EP. La presse spécialisée n’a pas manqué d’établir des références avec Deathspell Omega et semble avoir été emballée davantage lors de la découverte du second opus de 2015, « Pugnare in iis Quae Obtinere Non Possis ». La création de ponts typés Dark Ambient dans le style Ulver, renforce l’intérêt que l’on peut porter à ce projet. Ce « Numenon » sort des sentiers battus sur le fond. Si jadis, certains évoquaient une forme d’orthodoxie dans les atmosphères saturées du musicien, j’entrevois désormais un crossover avec le post black plus spirituello-méditatif. Sur  « Prism of Mental Structure», nous sommes très clairement bercés par l’essence métaphysique originelle de toute chose. La perception par les sens est dépassée et nous sommes invités à rétropédaler pour revenir aux sources véritables de la matière. Le spectre du monde des idées de Platon vous effleure l’âme. La composition laisse ressortir une solide énergie vitale qui vient bousculer toute forme d’immobilisme. Sur sa lourde atmosphère teintée d’ambiant, « Continuum » parvient à vous mettre en plein éveil pour poursuivre le travail réflexif auquel nous sommes amenés inéluctablement. « The Authority of Reason » dégage une ambiance qui happe et perfore les neurones. Votre propre mental est interpellé. Nous faisons là l’expérience de la notion d’intelligible via la prise de conscience des limites de la raison, aussi imposante soit-elle. Nos sens sont mis à mal, la conscience vacille. Kant nous disait que nous ne pouvons atteindre la connaissance par l’usage de nos sens. J’ai le sentiment qu’Abstrusus ne prend pas parti dans ce débat et laisse l’auditeur se questionner en expérimentant lui-même, en toute liberté. « Presupposed Core of Cohesion » porte une sorte d’étendard Punkoïde recouvrant les aspects Noisy. L’efficacité visée en filigrane garde bien sa place. Toutefois, nous montons d’un cran et une nouvelle piste nous est donnée pour trancher le débat… La vision spinoziste remet en quelque sorte, l’église au milieu du village. La pensée immatérielle se distingue bien de la réalité matérielle, mais garde un lien avec les objets de cette même réalité. Il y a de la contenance dans la pensée. Qui doute encore du pouvoir de l’esprit sur la matière ? Certainement pas Abstrusus, qui a eu ici l’art d’inscrire cette réflexion métaphysique dans un univers musical en profonde cohérence avec son propre sujet. Il y a bien raffinement dans cette œuvre qui ne se laissera pas approcher sans travail de l’auditeur. Ce sera à lui d’aller chercher les pistes du créateur, selon sa propre vérité, sa propre sensibilité. Le noumène est-il bien définissable ? Il est à l’image de ce black inspiré. À vous de jouer.

Découvrir un nouvel opus de Thy Catafalque, c’est d’emblée s’attendre à être surpris. Notre prodigieux et sympathique génie hongrois, Tamás Kátai, âme pensante et cheville ouvrière de l’entité musicale qui nous occupe, reste toujours imprévisible. Ce serait un peu sortir de mon devoir de neutralité éthique que d’avouer que j’adorais les premiers albums de cet artiste hors-normes, porteurs, à l’époque, d’un black metal avant-gardiste totalement captivant. Puis en 2015, sur son 6e album, « Sgùrr », Tamás allait nous mettre face au mur. La presse spécialisée allait vivre un schisme considérable, les uns criant à l’hérésie face à l’orientation musicale de l’époque et les autres, toujours aptes à évaluer le fond « Catafalquien ». Qu’on le veuille ou non, en 2018, le 8e album «Geometria » allait nous apparaître comme étant un véritable chef-d’œuvre. Pour ma part, soucieux de combattre le repli identitaire musical du large monde du Black metal, j’ai fait mon deuil de ce qu’était Thy Catafalque jadis. Il fut, il est et sera. Le génie, ce n’est pas dans les titres de l’artiste que je le perçois, mais bien dans sa personnalité, aussi fantasque soit-elle. J’établis par ailleurs un corrélat entre l’évolution du travail de Tamás avec celui de Mirai Kawashima (Sigh). Oui, le changement fait peur… à certains plus que d’autres. N’avons-nous pas plus à gagner que de vivre la découverte d’un album à l’instant présent ? Au diable le passé, le futur reste un point fixe comme le disait si bien Rainer Maria Rilke. Et ce présent, que dit-il ? À l’écoute de «Naiv», je retrouve bien la personnalité de Messire Kátai. Il nous immerge toujours bien dans son propre univers avant-gardiste, teinté de progressif ancré dans un syncrétisme musical assez diversifié. On aime le lourd, qu’à cela ne tienne, «Vető » lâche un riffing Heavy Thrash à la Slayer, teinté de folk de type « Artrosis » pour ensuite nous promener dans des sonorités electro World. Dans le même registre, comment ne pas succomber au charme de l’excellent « A valóság kazamatái » ? Ce morceau joue sur la dualité émotionnelle, tantôt mordant sous des auspices industriels, tantôt apaisant via ses ambiances « Transe ».  Si j’évoquais un lien indicible avec Sigh, à l’écoute du très surprenant  « Kék madár (Négy kép) », nous découvrons une atmosphère Folk épique versant ensuite dans un cadre totalement relaxant, évoquant une musique de générique de feuilleton. Il est aussi question de fusion et en ce sens, « Számtalan színek » illustrerait à merveille une chorégraphie de danse contemporaine. Une amorce très swing-Jazzy vous percute sur « Tsitsushka » à la pétulance très mesurée.

Une dimension introspective nous est aussi donnée avec le superbe morceau qu’est « Embersólyom », véritable tremplin vers la vacuité. Au final, ce qu’on peut retenir de Thy Catafalque, c’est sa propension à vous remettre totalement en question, par-delà les clivages qui existent dans le monde musical. Tamás Kátai transcende toute frontière possible en remettant au centre l’essence même que ce que peut porter la musique. Son apport est avant tout une fonction réunificatrice. Ce 9e album possède en lui toute cette force. Le découvrir vous fera évoluer d’une manière ou d’une autre.

Ce qui est magnifique dans le monde du Black, c’est qu’il ne faut pas forcément nous trouver face à un groupe composé d’au moins 5 membres pour découvrir un résultat phénoménal. Tel est le cas avec le duo mystérieux constituant l’entité « Expostulation ». Ils viennent tous deux d’Europe ; l’un est batteur et l’autre chante et gratte. La démo qui me préoccupe ici n’est pas neuve puisqu’une première édition eut lieu en 2016 sous forme de cassettes tirées en 33 exemplaires sous le label « Abstruse Eerie Radiance ». Vous l’aurez compris, nous avons affaire ici à des puristes respectant l’esprit du Black orthodoxe. Mais voilà, lorsqu’un duo de cette qualité offre un univers intéressant, ce serait un crime de lèse-majesté que de nous priver d’une telle découverte. Et c’est donc via Rempart Immortel que la réédition allait être organisée toujours sous le même format, cette fois en 100 exemplaires. Au risque de brusquer cet art subtil voulant conserver l’esprit d’origine du monde de l’art noir, je voulais attirer votre attention sur le travail des musiciens. Cette démo, vous l’aurez compris, nous plonge dans la mythologie grecque avec son focus sur deux créatures marines légendaires du détroit de Messine. Charybde, fille de Gaia et Poséidon, allait voler dans les abysses en raison d’un appétit trop prononcé. C’est qu’il ne fut pas très inspiré de manger le bétail d’un fils de Zeus. Quant à Scylla, superbe nymphe transformée en monstre hideux suite à un sort issu de la jalousie de la magicienne Circé. Derrière ce récit du fond des âges se trouve un sens assez peu reluisant, vous en conviendrez… « Aller de mal en pis ». Ce qui est génial dans l’atmosphère du duo, c’est leur propension à nous plonger dans les abysses, dans la forte déliquescence. Nous tanguons sur l’océan pour ensuite entreprendre une plongée, non sans une certaine angoisse que le riffing de guitare vous restitue à merveille. La batterie donne le rythme des jambes pour vous forcer à palmer avec vigueur. Cette eau ne permet aucune visibilité… elle est presque poisseuse et vous ralentit.  « Movement I - Between Kharybdis and Scylla » comporte un black assez atmosphérique tout à fait captivant et doté d’une faculté à vous faire suffoquer… ça monte crescendo… tout à coup, brutalement, vous aurez la sensation que des tentacules surgis de nulle part, vous enserrent le tronc. Nous sommes happés inexorablement. Sur « Movement II - Strait of Messina », la messe est dite, cette seconde rencontre vous sera fatale. Le son râpeux transcende si bien cette bien lourde atmosphère… vous luttez, mais en vain. Expostulation offre une démo convaincante. Le potentiel est énorme et il y a fort à parier que leur musique plaira tant aux Trves qu’aux amateurs de Blut Aus Nord, de Kosmos, ainsi qu’à ceux de The Great Old Ones. Même si je préfère le son propre, force est de constater que le côté raw se prête bien mieux à l’essence de ce duo mystérieux.

Il est parfois intéressant de quitter sa zone de confort, en l’occurrence pour votre serviteur, celle du monde du Black metal, pour se pencher dans d’autres univers. J’avoue que c’est le nom du groupe qui a éveillé ma curiosité. Au diable mes attentes de riffs acérés, de chant torturé et des autres joyeusetés que nous pouvons trouver dans le monde de l’art noir. Ainsi ce jeune quatuor de 3 ans d’âge a opté pour se faire baptiser « L’élément sombre ». Cela prêterait à sourire surtout que les artistes évoluent dans le genre assez lumineux qu’est le power métal symphonique. Dès l’écoute de leur production, « Not Your Monster » me plonge dans le magistral univers onirique de Nightwish et en particulier dans son fabuleux « Imaginaerum ». Toutefois, il y a bien une sérieuse particularité venant du chant d’Anette Olzon. Le timbre envoûtant de son chant lyrique est bien prégnant et là, rien d’anormal… mais la dame nous offre, à elle seule, un second voyage… car elle nous transporte dans le monde de la Pop et là, c’est une autre image qui s’impose à l’esprit… le spectre d’une Madonna plane… Intégrer de la pop dans une base métallique diluée, serait-ce là l’élément sombre ? Non, du tout, cela a déjà été fait dans la grande histoire du métal et ma foi, sur l’ensemble des titres qui se suivent de manière naturelle, cela passe bien… et pire encore, cela transcende la matière première des musiciens. Le superbe « Songs The Night Sings », le plus sobre « Silence Between The Words », le plus épique « Pills On My Pillow » passeraient à merveille sur des radios FM courantes. Mais ne serait-ce pas là la petite partie d’ombre ? L’art des Finlandais à aller chercher Monsieur et Madame tout le monde pour les inviter à découvrir l’univers métal, quitte à adoucir les angles. Le groupe peut aussi offrir un moment de recueillement et le très agréable morceau qu’est « To Whatever End » parviendra aisément à apaiser les plus grands stressés de cette vie bien loin d’être fleuve tranquille. Je vois déjà les plus exigeants qui se diront, encore un groupe qui se joue le processus de starisation en injectant de la pop… non, c’est bien plus subtil ici…  « The Pallbearer Walks Alone » montre que le métal n’est pas abandonné, loin s’en faut… les artistes portent dans leur propre nature cette propension à fusionner les 2 courants majeurs et de manière tout à fait naturelle. Si doute il y a, il sera vite dissipé sur le très beau morceau « If I Had a Heart ». Enfin, cerise sur le gâteau, le très profond « I Have To Go » à l’âme teintée de Jazzy. Globalement, un bon travail permettant d’assurer le rayonnement d’un genre musical dynamisant vers une plus grande audience. Pourquoi pas ? D’autant plus que ce n’est pas mal du tout.

Deuxième album pour la jeune entité nous venant du Colorado. Mais quel étrange paradoxe que d’opter pour un titre évoquant le caractère saprophyte reposant sur la capacité d’ingérer de la matière organique dite « morte » surtout lorsque les artistes ont opté pour une plante bien vivace !!! C’est justement là toute la finesse de ces métalleux qui, mine de rien, remettent solidement en question la finitude qui fait si peur à l’être humain. Plus qu’un débat métaphysique, c’est, je pense, dans la mystique magique issue de la nuit des temps, que plonge Helleborus pour baliser son univers. La pochette nous plonge entre l’art de la divination chaldéenne à travers des symboles évoquant la vinification normale et celle de la création du poison ou d’un tout autre filtre... L’idée de transformation de l’âme n’est pas lointaine dans cette gnose déiste. Au niveau de leur univers musical, justement, les Américains parviennent à créer une musique puissante, sérieuse surfant sur le fil de deux frontières jouxtant le monde mélodique et celle du monde plus symphonique. Sur les 9 titres de ce bien bel opus, pas de fioritures pompeuses telles que nous pouvons trouver parmi les plus grands groupes mondiaux du sous-genre. Plongez dans ce superbe morceau qu’est « Juniper Shrine » et vous ressentirez d’emblée que le groupe n’est pas là pour jouer dans le second degré. La mort, ça les connait et cela suinte dans une dimension assez martiale. Les orchestrations plus typées du monde du symphonique se trouvent portées en bon dosage sur les morceaux assez épiques que sont « Decaying Observer » et « Blakulla's meadow ». Le chant assez déclamatoire de Wyatt Houseman l’installe dans un espace d’observation et assure une sorte d’objectivation sur le travail musical. C’est un peu comme s’il était en dehors de l’œuvre, en position méta, mais tout en irradiant les mélodies, amenant son énergie à impacter le rayonnement de l’ensemble musical. Sur le titre éponyme, nous voyons que le groupe parvient à créer une véritable force, mais pas comme l’on trouve dans les entités plus brutales… cette puissance vient de manière totalement fluidique, partant d’une attitude posée et montant dans les degrés de manière parfaitement naturelle. Il fait plaisir de découvrir des artistes qui portent un travail de qualité, tout en gardant la rigueur qui s’impose à l’exploration de cet univers bien sacré de la divination. Dans ce monde-là, pas d’intégration dans la légèreté. L’œuvre d’Helleborus parle d’elle-même et traversera, si vous êtes avertis, les pores de votre peau, les neurones de votre cerveau. Autre tremplin vers l’illumination.