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24.09.22 12:19

Uncomfortable Knowledge

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Le quintet français Uncomfortable Knowledge nous dévoilait il y a un an son premier album « Black Queen » un condensé de Sludge et Post Hardocre qui ne laisse pas insensible. Au travers de cette interview, Adrien Tirel (guitariste) nous présente ce projet dans les moindres détails avec passion et motivation pour la suite de l’aventure.

Pour commencer, est-ce que tu peux me présenter le groupe Uncomfortable Knowledge ? Comment l’aventure a commencé ? Je suis Adrien, je suis guitariste rythmique et je suis celui qui compose les instrumentaux des morceaux dans le groupe. Je travaille un peu à la manière d’un beatmaker dans le Hip-Hop, j’écris les instrumentaux puis je les propose et chacun fait ses parties sur cette base-là. Ensuite, nous arrivons à faire évoluer les titres en version finale que nous pouvons entendre sur l’album « Black Queen ». J’ai commencé à travailler sur ces titres-là courant 2019, au début j’étais tout seul sur le projet. Depuis vingt ans j’ai toujours eu le rôle de chanteur dans mes groupes, là, je n’avais pas envie d’écrire des textes et de chanter donc je me suis mis à la guitare électrique. J’ai travaillé cet instrument durant quelques années et j’ai créé les titres que j’ai proposés autour de moi à des personnes qui me sont chères. Le bassiste c’est mon petit frère, le chanteur c’est un ami que je connais depuis quinze ans, le guitariste je le connais depuis qu’il a seize ans. Puis, le batteur c’est le dernier qui est rentré dans l’équipe et il s’intègre rapidement et merveilleusement bien. Nous sommes un projet familial et notre objectif c’est de travailler sur un système d'autoproduction, un peu comme à la Fugaz. J’étais fan de cette époque, les gars faisaient tout d’eux-mêmes du début à la fin. Il y avait un vrai souci du détail, de l’esthétique, de rationalité technique et financière … Tu te demandes comment tu peux construire l’entreprise autour du groupe. Il y a toujours le côté managérial et production qui est passionnant dans l’aventure. Effectivement, il n’a pas que le côté artistique à prendre en compte et pour faire exister tout cela, il faut être créatif. Voilà, les éléments pour te donner le socle de tout cet ensemble. Aussi une de nos particularités, nous avons intégré dans l’équipe, ce sont nos sixième et septième membres, Clément et Christopher qui sont nos vidéastes. Ils réalisent nos clips, nous travaillons ensemble sur la création, les scripts … Nous faisons tout ensemble jusqu'au décor puis ils font la prise d’angle et le montage.

C’est intéressant cette formation atypique, nous allons y revenir par la suite. Comme tu m’expliques, le groupe fonctionne en autoproduction, avez-vous déjà tous eux des groupes avant Uncomfortable Knowledge ? Moi, en ce qui me concerne, pour te donner un ordre d’idée, j’ai quarante-sept ans et je travaille depuis mes dix-sept ans dans des groupes. J’ai environ trente ans de musique derrière moi et j’ai fait pleins de projets dont un entre 1994 et 2006 qui a un peu fonctionné qui s’appelait Œdipe. J’étais le chanteur du groupe. Nous avons fait deux albums et de nombreux concerts en France et en Europe, c’était une belle aventure. Mon frère c’est aussi sa passion, il est bassiste, il doit avoir cinq à six groupes et d'années d’expériences derrière lui. Guillaume, le chanteur, il avait un groupe qui s’appelait Right To The Void, dans le style Death influencé à la Black Dahlia Murder, c’est très technique, très rapide et très fourni. C’est un hurleur de Death mais là dans l’idée dans l’album « Black Queen » on est tous à côté de nos pompes (rires), moi qui n’étais pas guitariste, je le suis maintenant. Le chanteur, il n’est pas du tout dans le même registre de ce qu’il a fait avant, quand tu écoutes Uncomfortable Knowledge et Right To The Void c’est deux mondes différents. Il se réinvente donc totalement :  techniquement, artistiquement au niveau de son interprétation et l’écriture des textes. Puis le bassiste, son registre ce n’est pas du tout le Metal, il est très Groovy, il joue tout aux doigts quasiment. Ce n’est donc pas du tout l’archétype des groupes de Metal même si objectivement, je ne crois pas qu’on soit un groupe dans ce genre. Personnellement, je ne pense pas qu’on soit un groupe de Metal car il n’y pas de plan à la double, il n’y a pas growls ça reste soft dans le registre de musique extrême. Je pense que nous faisons partie des gentils (rires).

Oui, mais je pense qu’il y a quand même une technicité qui se ressent dans votre jeu : Tout à fait, nous cherchons à amener l’intensité émotionnelle, ce que nous avons envie c’est de vibrer et de le faire ressentir. C’est ce qui nous plaît, nous en fichons s’il y a des pogos ou non. L’idée c’est que les gens tripent au niveau émotionnel. Moi, j'estime avoir fait mon travail quand les gens me disent qu’ils ont tripés. C’est ce que nous cherchons dans nos compositions et nos créations. Nous voulons raconter une histoire émotionnelle et ne pas être brutal, puissant ou power même s’il y a des moments très lourds dans notre musique. Je pense que nous sommes totalement sur quelque chose d'intense.

Tout à fait, il y a sûrement des influences post metal et rock qui se ressentent … Effectivement, je suis un grand fan de Neurosis, j’ai tous leurs albums, j’adore aussi Cult Of Luna et j’écoute beaucoup The Ocean Collective. Tous ces groupes font partie de mes influences et références. Je connais très bien Hypno5e ce sont des très bons copains, je les ai programmés plusieurs fois, j’ai écouté tous leurs albums et j’adore leurs designs. On retrouve aussi un côté cinématique dans ce groupe, on n’est plus dans la chanson, on est presque dans l’expression des images et cela les suscite. Dans la construction de mes morceaux, j’essaie de garder une simplicité de structure. L’idée c’est que les compositions ont l’air simple, que l’auditeur rentre vite dedans et après, il y a toujours une phase de déconstruction où il y a des méandres. Il y a un côté un peu brumeux et boueux qui s'installe. C’est ce que j’appelle Sludge car on nous catégorise dans le Hardcore Sludge. Il y a dans cet esprit des riffs très Hardcore et puis il y a des méandres un peu boueux mais sans tomber dans le côté sombre du Sludge. Nous pouvons nous qualifier de Sludge positif. Nous retrouvons aussi un peu de Doom dans les compositions, j’adore ce style, ce n’est pas surchargé. Nous avons des copains à Nîmes et Montpellier que nous connaissons très bien dans le genre c’est le groupe Verdun. Nous allons faire des plateaux de tournée plus tard avec eux et j’adore aussi leur musique, c’est lent, c’est lourd puis il y a du suspense sans que cela soit surchargé.

Ces influences que tu me cites, cela me parle totalement et surtout, tu m’évoques Hypno5e avec leur côté cinématographique. Est-ce qu'à terme, tu aimerais vraiment lier la musique de Uncomfortable Knowledge avec des vidéos et de jouer avec ce côté artistique ? Tout à fait, si nous arrivons à faire exactement ce que nous voulons sur ce premier album, nous allons faire au total cinq clips. Il y en a un qui va bientôt sortir, c’est un clip live puis nous sommes sur la création d’un cinquième que nous allons sortir à l'automne prochain. Nous allons le tourner en juillet sur le titre qui s’intitule « Mirror ». Nous avons eu l’idée d’un personnage qui va parler à son reflet dans l’eau. Cela reflète un dialogue avec soi-même, c’est une espèce de discours intérieur quand tu te parles franchement sans te mentir. Nous sommes en train de travailler sur comment nous allons mettre le projet en image. Depuis le début le groupe à exister en image avant d’exister sur scène, nous avons sorti trois clips avant de faire notre premier concert. 

Dans la vie, je suis chargé d’accompagnement artistique au Paloma et je travaille surtout ce qui est création et accompagnement des jeunes artistes. À ce titre-là, j’ai beaucoup accompagné des jeunes générations car effectivement, je suis de la vieille école, j’ai quarante-sept ans, je suis dans le milieu depuis un petit moment et j’ai toujours travaillé à l’ancienne. J’ai attaqué en 2012 cette aventure et j’ai énormément travaillé avec des groupes de Rap, de Reggaeton ou encore de Hip-Hop, j’ai donc abordé des artistes qui sont totalement à l’inverse de mes prérequis. Car, ils existent avant tout sur internet à travers des vidéos, ils vont faire dix mille vues puis ils vont faire des concerts. Mais de par mon expérience, c’est plutôt, tu répètes, tu crées ton répertoire, tu fais des concerts pendant deux ans et ensuite, tu espères sortir ton premier album. Ainsi, nous pouvons dire avec Uncomfortable Knowledge, nous avons fait du Hip-Hop dans la stratégie managériale et surtout numérique. Nous avons en premier lancé nos réseaux sociaux avec notamment Instagram et YouTube. Puis, nous avons sorti trois clips sans distribution, juste pour partager de l’image ceci nous a permis de créer une base afin de préparer le terrain pour la sortie de l’album. Pour celui-ci, nous avons signé un contrat de distribution avec un label numérique qui se nomme : Le Pool Agency et ceci nous permet d’être présent sur toutes les plates-formes. Nous sommes sur quelque chose pour lequel nous payons pour être distribués en numérique c’est-à-dire une relation de label. De ce fait, il ne travaille pas du tout sur nos projets de distribution physique et le pressage, pour cette partie, nous sommes autoproduits. Pour l’instant nos disques sont uniquement disponibles sur nos concerts, vous ne pouvez pas les trouver en magasins. Tu vois globalement, la démarche que nous avons prise est très Hip-Hop (rires).

Oui, surtout que le Metal ça reste encore Old School, nous avons des difficultés à rentrer dans les nouvelles mœurs. Nous pouvons affirmer que c’est un challenge de s’essayer à cette stratégie ? Oui tout à fait, c’était l’idée de ne pas perdre de temps et de ne pas se sentir obligé d’utiliser les mêmes canaux. Puis, nous avons vu juste car après il y a la COVID qui est arrivée, de ce fait, nous avons revu notre stratégie de travail afin de le faire à distance en faisant des appels vidéo. L’album fut travaillé de cette façon chacun produisait ses lignes de chez lui, ensuite, nous nous l'envoyons et nous centralisons le tout. Nous travaillons avec un grand studio en Italie qui se nomme The Grid Production. Johnny s’est occupé de mixer l’album et il a compris l’esprit que nous recherchons avec quelque chose de très organique et de chaud. Nous avons donc enregistré les prises de tout le groupe et nous les avons envoyées afin d’effectuer le mixage dans ce studio. Puis c’est Chris Donaldson, il est canadien et il fait partie du groupe Cryptopsy qui nous a fait le mastering qui est totalement analogique. Le rendu donne des sonorités qui sont très épaisses et très chaudes, néanmoins, l’album n’est pas agressif, celui-ci est davantage puissant et intense. Je suis assez fier du résultat obtenu même si on est conscient qu’il y a quelques défauts et d’ailleurs nous travaillons déjà sur le second album. 

Justement, comment se déroule le processus de composition entre vous ? Comme je te l’avais expliqué, quand je compose un titre je fais uniquement la guitare et la batterie, ça permet d’avoir la structure et la chanson au complet. Puis, j’envoie ceci à toute l’équipe, mon frère s’occupe des basses, sa méthode permet d’apporter de la fraîcheur et de la surprise. Ensuite, je retravaille la partie de la batterie en fonction de la basse. Globalement, le résultat rebondit très bien avec la guitare mais parfois moins avec les batteries donc je les retravaille pour les faire correspondre avec la basse. Ceci apporte par moment des deux aspects groovy atypiques sur certains des morceaux, nous pouvons retrouver ça sur notre morceau « Colors ». Ceci permet d’amener un aspect aux morceaux que nous ne trouvons pas dans ce style en règle générale. Puis le chanteur vient avec ses textes et nous travaillons tous les deux. Il pose ainsi ses idées puis petit à petit, nous trouvons l’aisance du morceau et nous partons sur cette base-là. Après cette étape, nous allons en répétition et nous jouons les morceaux.  Par la suite, généralement, les lignes que j’ai créées en studio vont évoluer, ceci va devenir plus fluide et simple alors, je peaufine des détails. De ce fait, nous ré-enregistrons tout, nous sommes encore dans une phase de pré-maquette et nous nous retrouvons avec un morceau fini en phase deux. À partir de cette étape, nous travaillons à fond et ensuite nous allons passer en phase trois, nous réenregistrons en définitive pour faire mixer et masteriser.

Le groupe s’est donc formé l’an dernier, vous avez déjà sorti un album et le second est en préparation … Vous êtes donc un groupe studio ou vous auriez préféré faire plus de concerts si c’était possible ? Nous sommes clairement un groupe de live mais de l’autre côté nous sommes aussi un groupe de studio, je pense qu’il n’a pas de préférence. Pour le live, nous revivons pleinement la camaraderie mais aussi le rapport avec le public qui est très fort. Si tu as l’occasion de nous voir en live, tu verras que nous sommes sérieux sans se prendre au sérieux. Néanmoins, nos concerts sont très travaillés et nous organisons beaucoup de résidences. J’invite des amis pour nous coacher car je tiens beaucoup à avoir un regard extérieur sur ce que nous produisons. Nous avons une équipe technique qui est avec nous qui est très compétente. Puis, nous avons un ingénieur du son qui est monstrueux et qui produit un son comme nous le cherchons afin que ça ne soit pas trop agressif. Certes, il y a toujours à améliorer mais franchement pour un jeune groupe nous arrivons déjà à quelque chose de convaincant et de solide. Ensuite, c’est une longue quête, comme tu l’as dis-nous sommes un groupe récent et notre premier album, nous l’avons sorti le 25 septembre 2021, nous avons travaillé un an dessus. Puis par le hasard de la vie fait que j’ai eu des soucis de santé assez importants ces derniers mois donc j’étais arrêté et j’étais chez moi. Néanmoins, vu que je suis une personne hyperactive, je n’ai pas supporté de rester dans cette situation donc je me suis soigné mais en même temps, j'ai créé, j’ai managé, j’ai écrit, j’ai réalisé …  J’ai utilisé mon temps de manière productive, puis, je pense de manière nerveuse et physiologiquement, j’avais beaucoup de choses à évacuer, de ce fait le second album est né. Nous allons retrouver des morceaux peut-être plus sombres mais aussi un côté plus sobre et plus post même si nous avons toujours les gros riffs hardcore toujours avec de la simplicité. Je pense globalement qu'il y a une profondeur supplémentaire, que c’est plus posé et plus mélodieux. Nous avons déjà cinq morceaux sur lesquels le chanteur a fait ses voix et six autres où il faut poser les bases. Puis, le reste c’est de la surprise, j’attends que les autres membres me surprennent afin de revisiter les morceaux pour passer en phase deux. Je pense que nous allons vers une sortie d’album pour autonome 2023. Effectivement, j’aimerais trouver une équipe et un label qui va nous permettre de le sortir avec plus de résonance que le premier. Même si je dois dire que je suis très agréablement surpris de l’album de ce premier album : “Black Queen”. Il y a Marion Notte que je remercie car elle nous aide beaucoup sur de multiples aspects, nous avons fait avec elle les relations presses et je trouve que nous avons réussi à intéresser pas mal de journalistes qui nous ont fait de bons retours. Je prends toujours le temps de discuter avec les personnes qui viennent nous interviewer car je considère que c’est une chance de susciter leur intérêt. Mais aussi d’avoir cette opportunité d’expliquer ce que nous faisons, pour quel objectif et comment nous le mettons en place. 

Nous pouvons aussi évoquer la pochette de ce premier album « Colors » dans laquelle nous avons beaucoup de détails. Est-ce que tu peux m’en dire plus sur le sujet ? Encore une fois, c’est issu d’une rencontre, le créateur de cette pochette se nomme Reuben Bhattacharya et il vit en Inde. Nous l’avons rencontré au travers de Hypno5e que nous avons évoqué au début de cette interview. Reuben a réalisé les visuels de ce groupe pour un projet de live streaming produit à Paloma durant le confinement. J’ai adoré ses réalisations, je trouve cela mystique à souhait. Avec le chanteur, nous avons regardé son travail et nous avons trouvé ça intéressant, puis nous nous sommes rendus compte que Reuben avait travaillé pour Slipknot, Iron Maiden et pleins d’autres projets … Il fait en autre des séries de t-shirts en fait, il ne fait pas que les pochettes pour ces grands groupes mais des projets intermédiaires pour eux. Et aussi chacune de ses réalisations sont adaptées et c’est totalement différent en fonction des groupes. Reuben n’impose pas sa pâte à tout le monde, il est capable de s’adapter à l’univers du groupe et c’est cela que nous avons adoré. Nous l’avons contacté puis envoyé l’album en preview car il n’était pas encore sorti avec les textes anglais et il a adoré. Il était très touché notamment par le texte de « Black Queen » celui-ci fut écrit par le chanteur et c’est une lettre dédiée à sa mère qui est décédée d’un cancer quand il était jeune. En effet, il a très mal vécu cette situation car il n'a plus avoir de dialogue comme elle est partie trop tôt. Puis, tu verras dans le second album, il y a encore du lien parce qu'un morceau évoque la réponse imaginée par sa mère à sa lettre.

Nous retrouvons dans nos paroles les thématiques de la famille qui nous construit et nous détruit mais aussi cet aspect générationnel. Si tu lis nos textes, tu retrouveras aussi la question de l’amitié et de la fidélité … Nous sommes un peu candides sur ces thèmes- là (rire). Mais c’est toujours traité de manière détournée par le chanteur avec de la poésie, notamment dans « Colors », ici, cela parle d’amitié avec les couleurs qui marient ensemble ou non. Quand nous sommes amis, les couleurs se marient, cela donne un tableau magnifique. Puis les couleurs ont changé, cela donne quelque chose de pas très joli et cela ne fonctionne plus …

Tout cela pour t’évoquer que Reuben fut touché par l’écriture du chanteur avant tout et l’écriture des compositions dans un second temps, je pense. Puis, il nous a exprimé ce qu’il voulait apporter dans la conception de la pochette car à la base « Black Queen », nous la voyons comme la carte de Tarot. Il nous a demandé pourquoi ce concept et il a apporté ses idées. Reuben voyait plutôt un côté classicisme et romantique à la française, puis il y a eu une série d'échanges par écrit avec le chanteur pour expliquer le contenu des textes et la symbolique qu’il souhaite exprimer. Si tu regardes la pochette en détail, tu remarqueras l’oiseau dans la main avec une mâchoire en os, puis tu as la mort mais aussi la vie en même temps. C’est la beauté car il y a le destin de l’enfant qui est dans la main de la mère amenée par l’oiseau. Il y a toute une symbolique autour des thématiques que nous retrouvons dans nos textes qui sont retranscrits par l’imagination de Reuben qui a fait un travail magnifique. C’est une peinture originale qui a réalisé dont le modèle c’est sa femme, nous sommes encore sur cette thématique familiale.

Quand il nous l'a envoyé, nous n'aurions pas imaginé ça et nous sommes tombés amoureux de l’illustration. Puis quand nous avons dévoilé la preview de la pochette sur Facebook, nous avons eu tellement de retour, il me semble en termes de commentaire et de j’aime, nous avons quadruplé voir quintuplé comparé à d’habitude notre fréquentation sur notre page. Nous nous sommes donc dits que Reuben avait vraiment tapé juste. La pochette c’est quelque chose d'essentiel pour nous, nous sommes déjà sur le projet du second album avec lui. Actuellement, nous rédigeons la note d’intention sur le contenu de l’album et ce que nous évoquons pour lui donner la matière afin qu’il imagine la suite. Toutefois, nous avons comme postulat la base esthétique et graphique et nous le laissons trouver ses marques car nous avons une totale confiance en lui. Tout comme Johnny et Chris Donaldson, puisqu'ils ont compris l’essence de notre travail et ils n'ont pas besoin qu’on leur explique. Il y a ainsi un travail esthétique qui s’est fait avec eux, quand nous créons de notre côté, nous les incluons totalement dans le processus créatif de manière indirecte et c’est évident que ça résonne.

Je vois, il vous aide à construire l’image artistique d’album en album. Justement pour la prochaine question, je souhaitais évoquer les thématiques des paroles que tu as déjà mises en avant avec notamment le côté familial. Est-ce qu’il y a d’autres sujets que tu évoques ? Alors ce n’est pas moi qui les évoque, c’est Guillaume, notre chanteur qui écrit ses textes et ses thématiques. Néanmoins, pour les morceaux Guzzlers » et « Only War » c’est deux textes que j’avais écrits en français puis Guillaume les a traduits et retravaillé afin de démarrer le projet. Je lui ai passé les textes afin qu'ils se les aprioris et qu’ils deviennent les siens. Effectivement, le résultat traduit, réécrit et retravaillé en anglais ils n’ont plus rien avec mon écriture initiale. 

Je peux te parler de « Guzzlers » qui évoque l’avidité humaine qui mange toutes les ressources, puis quand tu regardes le clip, la thématique est mise en évidence. La traduction du morceau signifie le glouton. C’est celui qui a toujours faim, qui va prendre les ressources, il s’en fiche du reste et il pense qu’à lui, donc le Guzzlers c’est l’humanité. Avec « Only War » c’est évoquer quand la guerre psychologique intérieure fait rage entre deux mondes car tu sais quand tu fais les choses mal mais que tu ne peux pas t’empêcher et tu t’en rends compte. Concernant les autres morceaux, ce sont effectivement les thématiques que nous avons abordées précédemment. Guillaume ne pouvait pas être présent pour l’interview, néanmoins c’est une personne qui parle très bien de ses textes et j’essaie de faire honneur à son écriture et poésie même si ce n’est pas du tout moi qui les écris. J’essaie de relater, il aurait sûrement pu te donner des éléments davantage percutants. C’est une personne droite, gentille et très honnête, puis les relations familiales et amicales sont des aspects essentiels dans sa vie. Les thématiques des amitiés trahies et la relation parentale lui sont très proches et cela fait partie complètement de l’univers du groupe. Dans les derniers albums que j’ai composés avec mes précédents groupes, étonnamment les thématiques c’était les mêmes, ceci se relie à des moments de la vie quand je suis devenue père ou encore le deuil car j’ai perdu un de mes parents … Nous nous comprenons très bien avec Guillaume sur ces ressentis et dans l’écriture parce que nous avons fait face à des événements et des expériences de la vie qui se rejoignent. Puis, généralement, mes productions vont coller avec ses textes, comme la pâte de fond est la même, nous avons à peu près les mêmes brèches dans la porcelaine (rires).  

Si nous pouvons résumer, c’est des valeurs fortes que vous partagez et que vous réunissez dans ce projet ? Si tu le veux, nous n’avons pas créé ce projet pour percer, moi, j'ai quarante-sept ans comme je te l’ai évoqué et si je devais percer, ça fait longtemps que cela aurait dû arriver (rire). Pour moi, le carrosse est redevenu une citrouille depuis très longtemps. Le défi pour nous c’est avant tout de créer un objet artistique et d’avoir une richesse humaine qui l’entoure, se sentir bien et vivre une aventure. Après, celle-ci prendra la dimension qu’elle prendra, comme on le dit toujours, nous ne sommes jamais à l'abri d’un succès. Tu vois demain, si je peux arrêter de travailler et de faire des tournées, des concerts et vivre du groupe pour le reste de ma vie, bien sûr, nous avons tous le même rêve au fond de nous car nous sommes des musiciens et depuis tellement d’années, nous avons forcément ce virus-là. Mais ce n’est pas ça le plus important, c’est surtout que nous soyons bien et de vivre cette aventure dans une espèce de tendresse, de confiance, de bienveillance et de partager des moments autres. Effectivement, ceci génère plein de moment où nous ne parlons pas que de la musique, par exemple, nous allons faire des grillades mais aussi quand nous tournons les clips, nous allons prendre trois jours durant lesquels nous allons fêter … Il n’y a pas vraiment d’enjeux à l’exception des deadlines que nous nous sommes fixées. Néanmoins, nous avons envie d’avoir de la qualité et nous travaillons beaucoup pour cela et cela nous prend du temps en investissement, en énergie mais aussi, il faut tenir l’effort dans la distance, rester concentré et faire une bonne promotion… Il faut aussi être proche de notre public. Nous avons en peu de temps un public qui nous suit, qui nous répond, qui nous interroge sur la suite et ils viennent aux concerts. Nous avons six concerts au compteur (NDLR : cette interview fut réalisée en Février depuis que le groupe a effectué de nouveaux concerts mais aussi des festivals comme le Cabaret Vert) et nous avons déjà fait deux sold-out sur des jauges de 300 à 400 personnes. Nous sommes assez surpris, car nous sortons un peu de nulle part, par la fréquentation et de l’accueil aussi des programmateurs parce que nous arrivons à jouer dans des SMAC. Nos clips aussi sont bien reçus et je pense que l’univers du groupe est bien perçu et que nous arrivons à convaincre, je suis le premier surpris et pourvu que ça dure. 

C’est génial que ça se porte bien ! Surtout pour les concerts car je constate les jauges surtout pour les petits groupes même quand ils produisent de la qualité cela a du mal à se remplir donc c’est prometteur de faire des sold-out. Nous sommes les premiers surpris mais c’est une réalité et nous le prenons. Je pense que l’effort que nous mettons dans nos créations artistiques, l’approche émotionnelle, l’imagerie de nos clips et notre musique touchent les gens. Je pense qu’ils se retrouvent parce que nous ne sommes pas dans une structure formelle, nous sommes dans la profondeur et non dans la forme. Je dirais que nous sommes un groupe de fond que de forme, en tout cas c’est l’intention. Nous ne jouons pas de notre attitude. Notre façon d’être et celle que nous faisons percevoir au public c’est ce que nous sommes vraiment. 

Nous avons évoqué de nombreux projets entre les clips à venir, les concerts et la production du second album. Y a-t-il d’autres projets que tu n’as pas encore évoqués ? Dans un premier temps, nous allons continuer à faire vivre le premier album qui est sorti le 25 septembre 2021, ceci reste assez récent. Là, nous sommes encore en train de faire une interview pour en parler et j'espère qu’il aura d’autres retombées par la suite.  Puis, nous allons sortir un dernier clip pour cet opus en septembre. Nous allons continuer le travail et l’objectif maintenant c’est de défendre “Black Queen” sur scène, je commence à boucler des dates pour cet automne. Ceci va permettre de jouer entre septembre et décembre comme ça nous allons tourner une bonne année avec cet opus ce qui est plutôt positif pour un démarrage. Si nous arrivons à faire une quinzaine de concerts sur ce premier album, je trouve ceci plutôt cohérent et convaincant pour un groupe totalement autoproduit qui n’a ni label et ni tourneur et qui fait tout lui-même avec ses petits bras (rires).  Puis, nous avons mis à jour notre dossier de presse et quand nous avons fait le récapitulatif de toutes les chroniques, les interviews et les relais de news je trouve ça très positif. Nous allons pouvoir se regorger de satisfaction (rire) et en parallèle nous allons s'occuper du second album et son processus créatif. Ceci nous demande beaucoup de travail, de concentration et de disponibilité. Il ne faut pas qu’on se noie car nous travaillons tous à côté, nous avons nos familles, nos enfants et il ne faut qu’on perde le fil de nos vies individuelles. Il ne faut pas que le groupe cela devienne quelque chose qui va nous perdre, il faut que ça nous rende fort et l’équilibre est là.  Nous ne sommes pas dans une course à la réussite (rire), nous sommes dans une démarche de construction sereine mais solide.  Nous avançons petit à petit et je vois bien ce projet se développer sur le moyen voire sur le long terme. Je me dis pour le moment que le second album est encore tôt, nous l’envisageons plutôt à partir de 2023 puis peut-être en 2004 voire 2005 pour le troisième. Effectivement, nous allons passer l’hiver à produire le prochain album. Nous allons arriver dans la phase deux avec la composition et le maquettage mais aussi préparer, répéter et travailler les nouvelles compositions. Ceci va nous permettre de passer en phase 3 à l'automne 2023 entre les concerts que nous allons consacrer entre l’été et jusqu’en juillet, je pense.  Nous verrons bien de quoi est fait l’avenir (rire) mais en tout cas, j'ai déjà pleins d’idées pour la suite. Je commence déjà doucement à gratter des compositions pour le troisième album tandis que celles du second album sont déjà quasiment composées.

C’est génial d’être autant inspiré, puis j'imagine d’avoir cette constante pour sortir des albums sans un laps de temps important permet d’assurer la visibilité du groupe  ? Oui, cela joue, et nous allons garder à l'esprit de sortir des singles avec un clip avant de sortir un album. Nous prévoyons de sortir le prochain dans les alentours du printemps 2023 afin de booker des dates par la suite dans l’idée. Je construis donc des relations de travail avec des bookers indépendants. Effectivement, comme nous travaillons tous à côté, je ne vois pas faire appel à un tourneur et lui expliquer que nous ne pouvons tourner que pendant les week-ends et les vacances scolaires car nous avons chacun nos contraintes. De mon côté je booke aussi en m’occupant de toute la production, des tournées, les contrats, enfin toutes les choses administratives (rires). Je travaille aussi avec deux personnes dans différents coins de la France qui ne sont pas professionnels dans le métier même mais qui sont passionnés et ils ont la niaque et cette envie de travailler. Je leur fournis différents outils comme notre kit de démarchage, notre dossier de presse, nos vidéos … Ceci permet d’avoir une image professionnelle auprès des programmateurs, qu’ils aiment ou non notre musique. La démarche est présente jusque dans les supports de communication, tout est réfléchi un minimum en amont.

 Je pense que nous avons fait le tour des sujets, car c’était très riches. Je te laisse donc le mot de la fin pour conclure cette interview : La musique et les groupes c’est avant tout quelque chose qui doit servir à nous construire et pas à réussir. Moi, le groupe cela m’a tout appris. Je n’ai pas fait d’étude et je n’ai pas de diplôme en particulier. J’ai arrêté les études en seconde avec perte et fracas puis j’ai monté un groupe de Punk. Je ne regrette pas car cela m’a appris la relation sociale, à voir une vie sociale, de la promotion, de la comptabilité, à chercher des relations, à construire des projets, à composer des morceaux, à monter des groupes ... Les groupes m’ont tout apporté dans la vie. Je trouve que la chance d’un groupe c'est d'abord ça. Le succès, c’est génial si cela arrive mais ce n’est pas l’essentiel dans une quête c’est la construction.

03.07.22 15:49

Ça a l’air grave - Jason

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Souvent incompris, parfois même moqués voire injustement critiqués, ils assurent pourtant un travail de l’ombre essentiel. Eux, ce sont les bassistes, les gardiens des fréquences graves. Ils sont la hantise des roadies et de leurs lombaires tant leurs amplis « frigos » pèsent leur poids et sont peu maniables, mais sont aussi et surtout des musiciens généreux au service de leur groupe ou de l’artiste qu’ils accompagnent. Rarement en recherche de gloire, ils ou elles se trouvent souvent en arrière-plan pour incarner, avec la batterie, la paire d’épaules sur laquelle le reste du groupe pourra aisément s’appuyer. Une race à part au service du groove.

Dans la foulée de l’interview qu’il nous avait accordée pour le MA15 (téléchargeable gratuitement via ce site, faut-il vous le rappeler ?), le chanteur et bassiste de Misery Index, Jason Netherton, a bien voulu répondre à quelques questions concernant son instrument de prédilection. Entretien à l’image d’un bon jeu d’instrument à grosses cordes : simple et efficace.

Comment en es-tu arrivé à jouer de la basse ? C’était à la fin des années 80. Jeune, j’ai grandi dans le Maryland et beaucoup de metalheads s’essayaient aux instruments. C’était souvent la guitare et la batterie mais pour ma part, j’ai voulu essayer la basse et je pense que c’était peut-être à cause de Steve Harris d’Iron Maiden. Ce mec rendait la basse cool. Il était tellement en avant que ce soit sur scène ou dans le mix que ça donnait l’impression que c’était une sorte d’arme secrète du groupe. Je me suis finalement rendu compte que cet instrument collait davantage à ma personnalité. Donc j’ai commencé à prendre des cours et j’ai joué dans un groupe de metal local.

Pour toi c’est quoi un bon bassiste et/ou une bonne ligne de basse ? C’est un peu un exercice d’équilibriste. Si je prends mon cas, ce que je fais est relativement « rigide ». Il n’y a pas beaucoup d’espace pour ce qu’on pourrait appeler de l’expérimentation si tu veux. C’est juste notre style. On joue une sorte de hardcore infusé au death metal californien. Pour moi le mieux est avant tout de voir comment tu peux servir le morceau pour qu’il sonne du mieux possible. Tu dois faire attention à la puissance mais tu dois aussi surtout être attentif et à l’écoute du jeu de tous les autres instruments tout en sachant que la basse joue principalement avec la batterie. Tu dois absolument coller à l’espace qui t’est dédié. Le principal n’est pas de te montrer mais d’être au service de la chanson et d’insérer dans cet espace ce qui est nécessaire. C’est tout ce que je peux te dire (rires).

Par rapport à la batterie justement, comment décrirais-tu la relation musicale qu’Adam et toi avez dans Misery Index ? Disons que dans ce qu’on fait on a des genres de « templates ». La plupart du temps on suit la guitare mais dans certains passages il y a justement plus d’espace pour que les choses s’ouvrent un peu. Adam et moi pouvons créer certaines fondations rythmiques qu’on peut tenir ensemble. Adam a toujours été un batteur qui occupait le terrain mais ces dernières années, il s’est un peu retenu et ça me laisse un peu plus de place. En tout cas, on bosse bien ensemble.

Depuis 2021 tu as un deal avec la marque Warwick. Tu peux nous parler du modèle Streamer que tu utilises ? J’ai une Streamer classique et un modèle custom allemand. J’utilisais des ESP auparavant. Mais lors de la dernière tournée que nous avons faite avant le COVID avec Napalm Death, Shane (Embury) m’a fait accrocher à Warwick (le bassiste de Napalm Death est endorsé par la marque depuis de nombreuses années – ndr). J’ai commencé à m’y intéresser et j’ai beaucoup aimé ce que la marque proposait. Shane m’a introduit auprès d’eux et ça s’est fait comme ça.  

20.06.22 16:15

Massive Charge

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Incorrigibles comme nous sommes, mais néanmoins soucieux d’un éventuel effet promo à retardement, c’est seulement maintenant que nous vous proposons cet entretien avec Matthieu, fondateur, batteur et dernier membre originel de Massive Charge, à l’occasion du 3e album du groupe « For Those We Hate » sorti le 19 novembre dernier. Mais comme ils ont mis 10 ans à sortir ce nouvel opus et qu’en plus, ils sont bien éduqués, ils ne nous en voudront certainement pas de publier ce papier avec quelques mois de retard… enfin, on l’espère.

« Charge This World » est sorti en 2011 et votre nouvel album, « For Those We Hate » est seulement sorti fin 2021. Que s’est-il passé durant cette période de 10 ans ? Il s’est passé beaucoup de choses en fait. Déjà après « Charge This World », on a pas mal joué. En parallèle, Vinc (ex-guitariste) continuait à composer des trucs de son côté. Mais en 2015 il est parti. Il avait monté un projet thrash, commençait à apprécier davantage jouer ce style que du grindcore et avait aussi surtout le syndrome de la page blanche, il n’arrivait plus à composer. Donc on s’est séparés d’un commun accord. On voulait intégrer un peu de chair fraîche et c’est Jérôme Point, l’actuel guitariste de Loudblast, qui l’a remplacé. Mais Jérôme jouait à cette époque-là dans No Return, qui tournait pas mal, et donc ça avançait assez lentement. Ça a duré plusieurs années et quand il a intégré Loudblast, là on ne le voyait plus. Il se consacrait pleinement à ça et n’avait plus vraiment de place dans son planning pour Massive Charge. Donc il est parti et Vinc est revenu parce que ça lui manquait. Il est revenu une petite année, a composé quelques trucs et on avait aussi gardé des anciens stocks parce que Jérôme est parti avec tout ce qu’il avait écrit. On est donc repartis de zéro. Ensuite, même chose qu’en 2015, Vinc a dit qu’il n’y arrivait plus. Et il est reparti. On a auditionné quelques guitaristes par la suite, mais ça ne collait pas. J’en ai eu un peu marre de ne pas jouer parce que même si auparavant j’ai joué avec Kaliyuga, quand on a décidé de remettre Massive Charge sur les rails, j’ai quitté Kaliyuga, mais donc comme ça n’a finalement pas repris avec MC, je me suis retrouvé sans groupe. J’ai posté quelques annonces comme quoi j’étais un batteur qui cherchait un groupe de grind ou de death. J’ai été sollicité plusieurs fois dont une fois par Gino, donc l’actuel gratteux de MC. Dans un premier temps il m’a proposé un projet qui ne me tentait pas du tout. Et en parlant avec lui, il me dit qu’il n’a pas que ça et il me fait écouter un projet grind qu’il a sur le côté. Et il s’est avéré que ça sonnait exactement comme MC. Je lui ai donc proposé de mon côté en lui disant que plutôt que de partir sur un nouveau truc, moi j’avais quelque chose qui existait et que je voulais remettre sur pied. Il ne connaissait pas, mais quand je lui ai fait écouter, il m’a dit « banco ». On l’a auditionné et validé tout de suite et dès qu’il est entré dans le groupe, il a commencé à composer des tonnes de trucs. De ce fait-là, avec les anciens morceaux de Vinc et ce que Gino avait fait de son côté, on a rapidement eu de quoi faire un album. Il faut dire aussi qu’on lui avait envoyé des riffs en vrac que Vinc avait écrit et lui avait brodé autour pour achever les morceaux. En quelques mois l’album était donc composé. Concernant Ptiot à la basse, on a dû se séparer de lui pour des raisons internes et on a assez vite recruté Emy qui était la chanteuse de Kaliyuga parce qu’elle jouait aussi de cet instrument à côté et en plus il nous fallait quelqu’un capable de faire des backings, et elle a accepté.

Si je comprends bien, vous avez pas mal galéré, mais vous vous en êtes bien sortis quand même ? Oui parce qu’on a quasiment dû repartir de zéro, donc au final, on s’en sort.

Avant d’attaquer le sujet de votre nouvel album, j’aurais voulu revenir un peu avec toi sur les retours que vous aviez pu avoir à l’époque sur « Charge This World ». Tu peux nous en parler ? Ils ont été excellents. Ça nous a emmenés un peu partout. On a fait des tas de dates grâce à cet album notamment à l’Obscene Extreme (le festival grindcore le plus important en Europe – ndr), mais aussi un peu partout en Europe. On a aussi eu des chroniques un peu partout aussi notamment grâce à Charlélie Arnaud qui parlait de nous dans Rock Hard ou toi dans (feu) Hard Rock Magazine.

Je trouve intéressant qu’on ait abordé le changement de line-up plus haut, notamment au niveau de la guitare, parce qu’on retrouve dans ce nouvel album « For Those We Hate » l’identité et la singularité des compos qu’on pouvait déceler sur « Charge This World ». Et je me demandais comment vous étiez parvenu à conserver cela en changeant de compositeur. Quelle est la méthode ? Ben en fait c’est comme je te disais, quand il m’a fait écouter la première fois ce qu’il faisait dans son projet grind, ça sonnait à fond Massive Charge. Donc dès le départ je me suis dit qu’il avait la patte pour composer des trucs qui pouvaient nous correspondre. Maintenant c’est clair que comme je suis dans le groupe depuis le début, je connais les codes des compositions de MC donc je lui indiquais quels types de riffs devaient être joués et avec quels tempos. Je suis plus solfège que guitare et donc je lui donnais les types d’accords à jouer. Je lui ai précisé qu’il fallait justement garder cette identité, car on y tenait, mais après, je lui disais qu’il avait carte blanche pour y mettre sa patte. Il a très vite compris dès le départ et maintenant quand il nous envoie quelque chose qu’il a composé, généralement dès le départ c’est déjà validé à 80%. Il suffit juste de retoucher quelques petits trucs dans la structure, mais dans l’ensemble il a assimilé la manière de faire et se l’est même appropriée. Ça devient automatique.

Quand tu parles que vous vous envoyez des morceaux, ça veut dire que vous travaillez beaucoup à distance ou vous êtes assez proches géographiquement les uns des autres pour pouvoir vous voir régulièrement ? On est relativement proches. Disons que la plus grande distance qu’il peut y avoir entre 2 des membres, ça doit être une centaine de kilomètres donc ce n’est pas la fin du monde. Ce qui fait qu’on peut répéter. On est un peu éparpillés dans le Grand Est de la France, mais on n’est pas très loin non plus. Et on répète dans un endroit central par rapport à tout le monde. Mais pour ce qui est de la compo, Gino écrit des trucs dans sa tête (rires), il reproduit ça à la guitare et enregistre de son côté. Une fois qu’il a de quoi faire un morceau entier avec des riffs qui s’enchaînent bien, il nous l’envoie. On donne chacun notre avis. Généralement comme je le disais, on ne change pas grand-chose à part peut-être un peu la structure ou certains riffs. Et quand tout le monde a validé, on bosse chacun de notre côté et ensuite on se retrouve en répétition pour voir ce que ça donne en live. On essaie de se voir environ 2 fois par mois.

« For Those We Hate » comporte pas moins de 17 morceaux. Entre le moment où vous avez écrit les morceaux et celui où vous êtes entrés en studio, le travail a été rapide ou vous avez plutôt fait ça de manière posée ? C’est allé assez vite en fait…

… Gino est arrivé en 2020 ? Oui c’est ça, et Emy est arrivée 2 ou 3 mois après. Donc c’est allé assez vite parce qu’en mai 2020, j’étais en studio pour la batterie. Il y a eu le gros confinement du début de la pandémie et dès qu’on a pu ressortir un peu, je suis vite allé enregistrer mes parties. Ensuite on a été reconfinés.

On parlait avant des codes de compositions de Massive Charge. À ce propos, comment tu décrirais ce que vous voulez transmettre musicalement ? Au niveau du style, si c’est de ça dont tu parles, ce serait un savant mélange de Napalm Death et de Misery Index pour certains riffs avec aussi tous les papas du grind, Terrorizer, Brutal Truth… On essaie juste de ne pas tomber dans la copie ou la redite parce que ce ne serait pas marrant et n’aurait surtout aucun intérêt. Finalement, ce qu’on essaie de faire c’est du Napalm Death en un peu plus brutal.

Et au niveau des textes, c’est toujours le chanteur qui s’en charge ? Oui c’est lui qui écrit quasiment tout. Ici j’ai écrit des paroles pour un morceau, mais pour le reste c’est Jérémy qui s’occupe de tout. Maintenant pour être franc, on n’attache pas énormément d’importance aux textes parce qu’au final on enfonce presque des portes ouvertes. On parle des dérives de la société, de ce qui va mal, des abus de pouvoir … mais ça ce sont des trucs dont parlent presque tous les groupes de grindcore. D’autres groupes ont un côté engagé que nous on n’a pas parce qu’on ne veut pas faire de politique avec notre musique. En même temps, ce sont des textes qui collent bien avec la musique qui va derrière et puis ce sont des trucs que pense Jérémy. Mais en gros, on n’essaie pas de faire quelque chose d’ultra chiadé, il faut que ce soit direct.

Le titre de l’album « For Those We Hate » est adressé à quelqu’un en particulier ? Non pas spécialement. Je ne sais plus vraiment comment est venu ce titre, mais c’est une trouvaille de Jérémy. Il faut juste savoir que ce qu’on fait pour chaque album, c’est de lui donner un nom qui n’est pas le titre d’un des morceaux. Le titre est plutôt cool et correspond finalement bien aux paroles de Jérémy puisqu’il parle de tous ceux qui font de la merde et donc ceux qu’il n’aime pas. Mais ça s’arrête là.

Vous êtes sur M.U.S.I.C. Records. En quoi consiste le deal avec ce label ? Jusqu’à présent on était uniquement autoproduits. Maintenant on ne l’est plus qu’à moitié puisque le deal est de leur donner un produit fini, mixé, masterisé et avec l’artwork, et eux s’occupent du pressage et de la distribution (comme pour la plupart des groupes undergrounds actuellement – ndr).

Pour l’enregistrement de ce nouvel album, vous êtes allés dans le même studio que pour le précédent ? On a fait un copier-coller de « Charge This World ». C’est-à-dire que la batterie a été enregistrée au Fucking Hostile Studio dans le coin de Nancy, la guitare et la basse ont été enregistrées directement chez les musiciens. Ils ont fait ça tranquillement chez eux. Ensuite tout a été envoyé à Vinc, notre premier guitariste, pour le mixage, car on a gardé de bons contacts avec lui. Et c’est aussi lui qui s’est chargé de l’enregistrement des voix. Et quand le tout était mixé et dans la boîte, on a envoyé ça au Walnut Groove Studio (tenu par Axel, ex-Carnival In Coal, ex-Wormfood… - ndr) pour le mastering, comme pour les précédents albums aussi. Une fois que tout était fait, on a envoyé au label et c’était parti. Comme on est un peu reparti de zéro, on a dû payer l’enregistrement, le mixage et le mastering. Du coup ça devenait un peu compliqué de devoir remettre de notre poche pour payer le pressage en plus. C’est donc pour ça qu’on a commencé à chercher un label. J’ai dû envoyer des demandes à une cinquantaine de labels estampillés grind ou metal et finalement M.U.S.I.C. Records est le seul à avoir répondu positivement.

C’est la première fois que j’entends parler de ce label. Tu le connaissais toi ? Pas du tout. On est tombé sur eux parce qu’ils ont signé Depraved, et le batteur de ce groupe est le frère de notre chanteur.

Vous avez quand même pas mal rebondi en 10 ans. Je suppose que l’envie d’abandonner s’est fait ressentir plus d’une fois. Complètement. Tu sais, quand tu auditionnes des gens qui ne savent pas reproduire les riffs tels que Vinc les jouait, tu te dis qu’il était trop fort et que tu ne trouveras pas quelqu’un de son niveau. Gino est parvenu à ce que ça sonne. Mais Vinc avait une main droite hallucinante, il maîtrisait les allers-retours comme personne.

Tu disais avoir mis des annonces pendant cette période de 10 ans pour trouver un groupe dans lequel jouer. Tu as eu d’autres expériences musicales ? Les annonces que j’ai publiées l’ont été seulement quelques mois avant qu’on ne décide de reformer Massive Charge. C’était sur la fin, quand je croyais que MC serait mort que je me suis dit que j’allais essayer de me trouver un autre groupe. Maintenant c’est vrai qu’entre-temps j’ai joué dans Human Scum. On appelait ça du grind-prog (rires). C’était le projet de Mahdi, un pote tunisien, qui avait déjà eu des groupes un peu connus comme Vomit The Hate. Et là il voulait monter ce projet-là de grind avec des touches de death-prog. Le mélange était super sympa. À la basse, il y avait un autre Tunisien qui s’appelait Nidal. Ça n’avait pas trop mal pris, mais il y a eu des prises de tête entre les 2 et Mahdi a fini par se barrer en Allemagne. Et Nidal dans son coin a créé un autre truc qui s’appelait Kaliyuga avec Emy et il a voulu que j’en sois le batteur. Mais par la suite, pour des raisons personnelles je suis parti. Finalement après tout le monde est parti de Kaliyuga.

Et Kaliyuga officiait dans quel style ? Je dirais un mélange de grind, de powerviolence, de black et de crust. Et Emy était au chant uniquement. Franchement c’est un groupe qui démoule pas mal.

Vous avez sorti quelque chose ? On a sorti « Once Upon A Time » en 2016. On peut l’écouter sur Youtube.

Actuellement, dans Massive Charge, vous avez d’autres projets parallèles ? Moi, non. Jérémy, notre chanteur, est batteur dans Growls. C’est un groupe de Rennes dans lequel il y a le tout premier chanteur de Massive Charge à la basse. À la guitare, il y a Alex, qui ne joue que dans ce groupe-là et au chant c’est Zorro qui chantait dans Untamed. Emy, de ce que je sais, actuellement elle ne joue pas dans un autre groupe, mais bon, elle en a eu 50000. Et Gino a toujours des tas de trucs à droite à gauche, mais surtout des projets solo. Il a notamment un projet black qui s’appelle Epine. Mais je ne saurais pas en dire plus parce que lui aussi a déjà eu énormément de trucs. En tout cas, il est très actif.

Pour revenir un peu sur l’album, quels sont les premiers retours que vous avez pu en avoir ? Ils sont excellents, ça rappelle d’ailleurs un peu la période à laquelle « Charge This World » est sorti. C’est un peu le même engouement et ça fait super plaisir. Je voudrais qu’on ait toujours plus de visibilité, mais là on commence quand même à en avoir pas mal y compris au Québec. Il y a un média québécois qui s’appelle Metal Minded qui nous épaule vachement. C’est un podcast. Ils font des reviews, des interviews et organisent aussi des évènements. Il y a encore des trucs à venir avec eux. On a eu pas mal d’interviews et de chroniques avec à chaque fois de bonnes notes donc ça fait plaisir. Ça commence aussi à rebouger niveau live parce qu’on a des dates prévues et d’autres qui n’attendent qu’à être confirmées.

À ce propos, quelles sont les dates ou les éventuelles tournées prévues ? On fait notre release party prévue le 16 avril avec Inhumate, Gummo et Deathwhore. Le 21 mai, on joue avec Blockheads, LMDA et Exorbitant Prices Must Diminish qui est un groupe suisse avec le batteur de Nostromo. Ensuite on a quelques dates ou éventuellement une voir plusieurs tournées, mais ce ne sont encore que des discussions.

Vous faites tout vous-mêmes ou vous bénéficiez des services d’un booker éventuellement ? Tout est fait maison.

Le label n’intervient pas pour vous trouver des plans ? Non, mais par contre en fin d’année, le label va sortir un split 5 groupes dont nous. Donc on a enregistré 2 nouveaux titres. Par contre, comme je ne suis pas sûr des autres groupes, je ne préfère pas donner de mauvais nom.

Vous faites partie de cette scène française qui regorge de talents ces dernières années. Comment toi tu vois cette scène grindcore ? Il y a de bons groupes en France quand même avec par exemple ceux qu’on a cités déjà comme Inhumate, Blockheads, Gummo ou LMDA, qui sont à moitié français. Eastwood est dans ce cas-là aussi. Après il y a les Chiens, Whoresnation et compagnie. J’ai l’impression qu’il y a une très bonne qualité de groupes générale en France. Par contre, je trouve que le public ne bouge pas encore assez. Des mecs se décarcassent pour organiser parfois des dates de fous et il n’y a quasi personne au final. En septembre dernier, pour fêter le déconfinement, des gars s’étaient bougés pour organiser un petit festival en extérieur à la campagne sur 2 jours. Il y a avait du grind, du death, des groupes locaux et ils étaient limités au nombre d’entrées parce que pour des raisons d’assurance, il ne pouvait pas y avoir plus de 60 personnes sur le site, tout en sachant que les membres de groupes et l’orga comptaient aussi, ce qui laissait une quarantaine de places à vendre. Mais ils n’ont même pas rempli ça. Nous on a passé un super bon moment, mais à côté de ça, c’était triste de voir que des gens se bougent pour organiser, mais que le public ne se bouge pas pour venir alors que ce sont sans doute les mêmes personnes qui avaient gueulé pendant 2 ans en disant qu’ils voulaient revenir voir des concerts. Il faut voir la suite, mais moi ça me fait un peu flipper.

C’est assez peu proportionnel au final la différence entre le nombre de groupes de qualité qui existe en France et le public qu’ils parviennent à attirer en live. Oui, mais j’ai aussi l’impression que c’est parce que, ces 2 dernières années, les gens ont pris l’habitude de consommer la musique en digital à la maison et ils ne se bougent plus. S’ils trouvent un bon groupe, ils vont l’écouter dans la bagnole ou chez eux au casque, ils vont se prendre des superbes vinyles qu’ils écouteront tranquillement, mais tu ne vois pas ou plus ces gens-là aux concerts.

C’est peut-être le revers de la médaille effectivement. Et toi, les 2 dernières années, tu les as vécues comment d’ailleurs ? Outre le fait que tu aies été occupé avec le fait de remonter Massive Charge et d’enregistrer ce dernier album, est-ce que musicalement, tu es quelqu’un qui travaille beaucoup l’instrument et qui a senti une différence ? Non, je ne travaille que quand on répète. Mais c’est vrai que j’ai fait quelque chose qui m’a beaucoup servi tout de même. Un soir où je n’avais rien à faire, j’ai réservé notre local et pendant 4 heures, j’ai bossé la technique du « heel toe » à la double pédale. C’est la technique qui te permet de taper 2 fois sur une pédale en alternant le talon et la pointe du pied. Ça permet d’atteindre des tempos très rapides. D’ailleurs sur l’album il y a des parties à 260 bpm et grâce à cette technique, j’ai pu les faire sans trop me fatiguer. C’est chiant à bosser, mais quand tu l’as, ça va tout seul et tu as même l’impression de tricher tellement ça te parait facile. C’est pour ça que sur « For Those We Hate », il y a pas mal de parties de doubles parce que je sais les reproduire maintenant, chose qui était plus compliquée sur « Charge This World ».

Quelle(s) évolution(s) pourrais-tu tirer entre les 2 derniers albums que ce soit du point de vue des line-ups ou des enregistrements ? Comme j’ai dit, les enregistrements de « Charge This World » et de « For Those We Hate » ont été quasiment des copiés-collés donc à ce niveau-là il n’y a pas eu vraiment de changement. J’ai déjà vu une évolution me concernant en tout cas parce que sur ce dernier album, il y a énormément de D-Beat, chose qu’il n’y avait pas du tout sur le précédent, et ça c’est quelque chose que j’ai développé dans Kaliyuga. Il y a aussi le fait que les compos sont plus rapides. Sur « CTW » on était à du 240 (bpm), alors qu’ici on varie entre 240 et 260 en sachant que généralement c’est du 250. On a essayé de faire un truc un peu plus bourrin. Des évolutions il y en a forcément puisqu’il s’est quand même passé 10 ans, et quand tu pratiques ton instrument, il y a des choses que tu laisses, d’autres que tu gardes… Il y a d’office une évolution naturelle due au fait qu’on ait continué à jouer entretemps. Je ne vais pas relever de points positifs ou négatifs entre les 2 albums. Je dirais juste que sur le dernier, il y a plus de techniques, ce qui peut peut-être faire perdre un peu du charme parce que ça donne un côté un peu plus clinique alors que le précédent était plus « roots » et notre premier « Silence » l’était lui complètement. Donc on a perdu un peu de ce côté-là, mais au profit d’une plus grande technicité et d’un côté plus mature que j’ai quand même tendance à préférer.

Et quand tu regardes par rapport aux débuts de Massive Charge, est-ce que l’amour du grindcore est toujours intact ou il a évolué d’une manière ou d’une autre avec l’âge ? Je dirais que l’amour de la musique en général a évolué pas mal. Tu découvres des tonnes de groupes, tes goûts changent, tu t’ouvres, tu te mets à écouter des trucs que tu n’aurais pas écouté avant. C’est un peu comme quand tu es gamin et que tu n’aimes pas les haricots verts. À 20 ans tu te dis que tu vas y regoûter et au final tu te rends compte que ce n’est pas si dégueu. En plus, le fait d’écouter d’autres choses te fait aussi évoluer dans ta manière de composer et rend ton jeu plus riche.

Quels sont justement les autres styles ou groupes qui te parlent particulièrement ? Je me suis vachement ouvert à un style qui me parle beaucoup c’est le death metal progressif un peu mélodique, des trucs genre The Faceless. Quelque chose de bien bourrin, mais avec des passages en chants clairs avec de la mélodie et des parties bien composées. C’est quelque chose que je n’aurais peut-être pas écouté avant. C’est pareil pour le black metal. Quand j’étais jeune je mettais carrément un veto sur le style, je ne voulais même pas en entendre parler. Alors que maintenant il y a pas mal de groupes que j’aime comme Borknagar, Enslaved ou encore Dimmu Borgir. En tout cas je me surprends à écouter des trucs que j’aurais eu honte de dire que j’écoutais auparavant.

On s’enrichit en ouverture d’esprit en vieillissant finalement. C’est ça. Et ce sans renier ta colonne vertébrale.

Ça m’a fait plaisir en tout cas de décortiquer un peu ce dernier album et l’histoire du groupe avec toi, mais peut-être qu’il y a des choses dont on n’a pas parlé et que tu voudrais mettre en avant. Si c’est le cas, je t’en prie. Je voudrais juste retaper sur le clou en disant que les 2 loulous qu’on a trouvés, Emy et Gino, sont vraiment au top et collent parfaitement dans le line-up aujourd’hui. On a vraiment trouvé 2 bons éléments pour relancer un truc cool.

29.01.22 18:10

Rage Of Light

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Après leur premier album Imploder en 2019, Rage Of Light est de retour avec Redemption. Assurément plus mature et dense dans les sonorités, il marque aussi l’arrivée de Martyna au chant. Jonathan Pellet, nous partage davantage de détails sur cet album et l’univers du groupe.

Pour commencer, est-ce que tu peux rapidement présenter Rage Of Light ? Comment le projet est né ? On définit notre style comme étant un mélange de trance metal / death metal mélodique. Mais je crois que c’est un peu difficile de coller une étiquette sur notre musique. Il y a beaucoup d’éléments électro en général, notamment des sonorités dubstep sur certains morceaux. Les voix sont également très contrastées vu que notre chanteuse alterne voix claire et voix death.

Votre nouvel album « Redemption » est sorti depuis plus d'un mois, quels sont les premiers retours que vous avez reçus ? Les retours sont vraiment incroyables. On a également reçu de nombreuses chroniques très positives de différents médias. On a été très touchés de voir tout le soutien suite à la sortie de cet album forcément un peu spécial, avec le changement de chanteuse et le fait que nous n’avions rien sorti de nouveau depuis le précédent opus.

2021 fut une année mouvementée pour Rage Of Light avec le départ de Mélissa. Tu peux m'en dire plus sur l'intégration de Martyna dans le groupe ? Elle vous a rejoint assez rapidement ? Pour les auditions, nous avions donné deux morceaux à enregistrer : un ancien (I Can, I Will) et un nouveau (Breaking Infinity). Lorsque nous avons reçu les versions de Martyna, nous avons immédiatement eu un coup de foudre musical. Son talent et sa créativité nous ont vraiment impressionnés. Lorsque nous avons pu faire sa connaissance, en visioconférence vu qu’elle habite aux Pays-Bas, nous nous sommes super bien entendus. À partir de là, tout est allé très vite. C’était comme si on se connaissait déjà ; nous avions de nombreux points communs notamment au niveau de nos expériences de vie.

Comment s'est déroulé le processus d'écriture de ce nouvel album ? Il fut déjà composé avant l'arrivée de Martyna ou elle a pu aussi apporter sa contribution ? Les premiers morceaux ont été écrits en 2020. Au moment des auditions, un peu plus de la moitié de l’album avait déjà été composé. Martyna a clairement pu écrire ses lignes de voix et ses paroles pour la grande majorité des titres. C’était très important pour nous qu’elle puisse composer et amener sa créativité dans le groupe. Pour trois morceaux, des idées existaient déjà et elle a décidé de les garder, vu qu’ils correspondaient bien.

Vous avez à nouveau contribué avec Vladimir Cochet pour le mixage de cet album. Comment s'est déroulée cette collaboration ? Nous aimons beaucoup travailler avec Vladimir. Cela fait plusieurs années que nous travaillons avec lui pour Rage Of Light mais aussi avec d’autres projets. C’est quelqu’un de très à l’écoute, qui nous pousse à donner le meilleur de nous-mêmes. Il a toujours de très bons conseils et il possède une très grande expérience au niveau de l’enregistrement, du mixage et du mastering. Nous avons également pu compter sur ses autres talents de photographe et de réalisateur pour un clip.

Comment décris-tu Redemption pour donner envie à nos lecteurs de l'écouter ? Nous pouvons affirmer qu'il sonne plus mature et abouti ? Je partage cet avis. Je dirais qu’il forme un ensemble plus cohérent que notre précédent opus, « Imploder », car nous avions inclus dans ce dernier plusieurs titres qui avaient été écrits, voire sortis, plus tôt. « Redemption » est presque un album concept, même s’il n’a pas été initialement pensé comme tel. Et paradoxalement, cet album rassemble plusieurs titres très différents les uns des autres et explore des horizons plus larges que le précédent. À écouter si vous aimez les contrastes dans le metal, la fusion avec des sonorités électro, des sonorités planantes, tout en gardant le côté puissant et épique !

Comment vous est venue l'envie de développer ce style de Trance Metal ? Ado, j’ai pas mal écouté de trance et d’électro sous l’influence de mon grand frère. Lorsque je me suis intéressé au metal et notamment au metal mélodique, je me suis très vite dit que mélanger ces deux styles pouvait donner quelque chose de très intéressant. Les sons que l’on peut trouver dans ces deux genres peuvent être très complémentaires.

Pouvons-nous dire avec la technicité et la densité des morceaux j'ai l'impression qu'on retrouve aussi des influences progressives dans votre son ? Tout à fait. Cela fait partie de notre volonté d’explorer différentes choses, au niveau de la structure des morceaux, des changements de tempo, etc. Il peut bien sûr y avoir un côté très direct sur certains titres, mais d’autres sont clairement plus complexes.

J'imagine que vous avez des inspirations diverses et variées, quelles sont-elles ? De mon côté, en plus de la scène trance / EDM européenne du début des années 2000, mes premières sources d’inspiration ont longtemps été des groupes de metal symphonique, de power metal ou de death metal mélodique. Mais je suis quelqu’un qui aime écouter beaucoup de styles différents et j’aime trouver de l’inspiration dans de la musique qui n’a a priori rien à voir avec le metal.

Votre premier album Imploder est sorti sur Napalm Records. Pour Redemption, vous avez choisi de le sortir en tant qu'indépendant. Comment tu m'expliques ce choix ? Napalm Records n’avait malheureusement pas les disponibilités pour sortir notre album avant de nombreux mois. Durant ce laps de temps, nous n’aurions pas non plus eu la possibilité de sortir des singles indépendants. Cela nous posait problème d’être inactifs pendant tout ce temps, d’autant plus avec le nouvel élan suscité par l’arrivée de Martyna.

Dans ses débuts Rage Of Light a sorti des reprises de musiques à la base pop. Tu penses que c'est quelque chose que tu aimerais refaire ? Oui, je pense d'ailleurs à un projet qui me permettrait d’en faire plus régulièrement. Le problème, avec Rage Of Light, c’est que je n’ai pas envie que l’on finisse par être catalogué comme un groupe de reprises… Mais c’est quelque chose que j’aime effectivement beaucoup faire.

Revenons à votre nouvel album Redemption, le tout premier single que vous avez sorti pour celui-ci est « Lead The Riot » . De quoi parle ce morceau ? « Lead The Riot » parle du côté sombre des réseaux sociaux, des discours haineux, du racisme, du cyberharcèlement, et de comment nous pouvons y faire face, nous révolter face à ces problèmes.

Vous avez sorti trois clips avec une production travaillée et soignée notamment pour « Breaking Infinity », tu peux m'en dire plus sur le sujet ? Premièrement merci, vu que nous avons réalisé et produit ces clips nous-mêmes !  À titre personnel, j’aime beaucoup la vidéo. Je m’y intéresse depuis plusieurs années maintenant et je trouve vraiment très enthousiasmant la possibilité de concevoir de A à Z un clip vidéo, en mettant en images nos propres musiques. Cela part souvent de discussions que l’on a entre nous, parfois de délires un peu absurdes, et cela évolue en quelque chose de plus ou moins réalisable. « Breaking Infinity », c’est clairement le clip le plus ambitieux qu’on a réalisé ; nous avons dû tourner dans quatre lieux différents et avons dû notamment construire une douche pour la scène finale où l’actrice se fait ensevelir par du sable !

J'aime beaucoup les détails de la pochette de l'album, peux-tu m'en dire plus sur le sujet ? Qui l’a conçue et ce qu'elle représente ? Nous avons présenté les thèmes et le concept de l’album à Gustavo Sazes, un artiste très talentueux qui avait déjà réalisé la pochette de notre premier album, en lui laissant la liberté de créer ce que cela lui inspirait. L’oiseau que l’on voit semble soit être emprisonné dans ce paysage cristallisé, figé dans le temps, soit être en train de se libérer, voire de renaître tel un phénix. Cela résonne particulièrement bien avec les thèmes de l’album : la rédemption (bien sûr), la résilience, vaincre ses démons intérieurs, suivre ses rêves malgré les choses ou les personnes qui nous tirent vers le bas, trouver qui l’on est vraiment …

Quels sont vos projets à venir ? Est-ce que vous envisagez de faire des concerts prochainement ? Nous allons sortir encore quelques vidéos en lien avec « Redemption », tout en travaillant sur notre set live dans l’optique de faire, si possible, des concerts cette année. Nous allons également nous remettre à composer pour sortir du nouveau contenu cette année déjà. Nous souhaitons clairement continuer sur cette belle lancée et ne pas nous arrêter en si bon chemin ! 

Pour finir je vous laisse le mot de la fin… Un grand merci à toi et à Metal Art pour cette interview ! Nous vous souhaitons à vous et à toutes les personnes qui nous soutiennent une excellente année 2022 en espérant qu’elle vous apporte beaucoup de bonheur !

22.01.22 11:19

Order

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Formé en 2013, ORDER a débuté sa carrière par un drame, le décès à 45 ans de son membre fondateur René Jansen en 2014, trois mois après qu’une leucémie lui ait été diagnostiquée. Le groupe a sorti un solide premier album en 2017, « Lex Amentiae », avant de franchir une étape supplémentaire avec le récent « The Gospel ». Le batteur Manheim, passé par MAYHEM comme Messiah, le chanteur du groupe, se livre sans fard et révèle les sujets abordés dans sa dernière production.

Tout d’abord, peux-tu nous dire comment vit la Norvège par temps de pandémie ? Nous sommes au milieu de la vague Omicron et nous avons donc dû nous confiner de nouveau… enfin pas nous confiner, mais subir des restrictions sur tout, notamment les événements culturels, les restaurants et les bars. C’est frustrant mais la Norvège est un pays bien géré avec de nombreuses ressources pour faire face à ces problèmes. Il y a d’énormes compensations pour les entreprises et les travailleurs affectés par les restrictions. Tous ceux qui voulaient être vaccinés – ce qui chez nous représente plus de 90 % des adultes – a reçu deux doses… et nous sommes en route pour la troisième. Nous ne pouvons donc pas nous plaindre même si certains, surtout parmi les artistes, vivent une période rude.

Comment ORDER est-il né ? Nous nous sommes rencontrés en studio de répétitions durant l’été 2013 quand Anders a lancé l’idée de former un groupe avec lui et René, de CADAVER, ainsi que Billy et moi. J’étais concentré sur des collaborations et des spectacles de musique bruitiste, expérimentale et d’avant-garde - l'une de mes passions. Billy était dans son groupe Punk. C’était bien de jouer de nouveau du Metal. C’était comme revenir à la maison ! Nous avons alors décidé de voir où cette aventure pourrait nous mener.

Comment avez-vous surmonté le décès de Rene Jansen ? Il est toujours difficile de voir partir un ami. Quand René est mort, nous avons traversé une période durant laquelle nous nous sommes demandés si nous devions continuer ou pas. Ce décès aurait pu facilement marquer la fin du projet mais je suis content que nous ayons décidé de poursuivre. Je sais que c’est ce que René aurait voulu. L’un de ses derniers souhaits était que nous jouions à ses funérailles. Je suis fier que nous l’ayons exaucé. C’était une grande émotion de dire ainsi au-revoir à un ami proche.

« The Gospel » est un titre étrange pour un album de Metal extrême… Peut-être, oui. Il a été choisi comme une conséquence des paroles des chansons. Le mot « gospel » est utilisé comme un message, le gospel de ORDER, en fait. Quand nous composions nos morceaux, j’ai réalisé que toutes les paroles que j’avais écrites tournaient autour de la douleur et de la souffrance liées à notre condition humaine, qu’il est impossible de séparer de notre marche vers notre perte. Le message est que la peine est réelle et que nous devons vivre pour la supporter. Les paroles de la chanson éponyme ont été écrites par Billy. Elles ne concernent pas cette souffrance mais racontent une histoire – un gospel - qu'il a imaginée : comment certaines personnes se trouvent, se connectent et créent quelque chose dont on se souvient. The Gospel a un double sens, que j’apprécie. Bien sûr, c’est une évidence que l’usage chrétien de ce mot est si fort qu’il faut voir dans ce titre un jeu de mot.

Es-tu d’accord si je dis que « The gospel » est une version améliorée de « Lex Amentiae » ? J’aime « Lex Amentiae », c’est un bon album avec quelques bonnes chansons. Malgré tout, c’est une collection de chansons qui n’a pas la tension et la force de l’ensemble de « The Gospel ». Alors que « Lex Amentiae » est un pas vers l’aboutissement de notre potentiel, je pense que « The gospel » est un concept album puissant qui touche le but que nous nous étions fixé quand nous avons commencé cette aventure. Avec ce disque, je crois que nous sommes parvenus à plonger au plus profond de nous-mêmes, à la fois pour les paroles et la musique. Nous avons réalisé un intense album personnel. Dans ce sens, je suis d’accord avec toi : « The gospel » est une version améliorée de « Lex Amentiae ».

« The gospel » est un disque rempli de haine, d’angoisse, de colère. D’où vous viennent ces sentiments ? Je crois que les paroles de l’album parlent de sentiments que nous avons tous. Le désespoir, la souffrance, la solitude de traverser la vie. Ces paroles sont personnelles, je pense donc qu’elles reflètent surtout mes combats intérieurs et mes pensées mais je suis persuadé qu’elles représentent quelque chose d’universel, éprouvé par tous les humains . L’album commence avec le tout début de de la vie, dans le morceau « Pneuma », quand les choses sont incertaines mais merveilleuses. Ensuite, avec « Rise », nous commençons à nous réveiller, à nous confronter à des personnes qui tentent de supprimer ton chemin et ta volonté. Nous passons ensuite à travers les parties émotives de la vie, ce qui est difficile. « Bringer Of Salt » se rapporte à la tempête qui se rapproche de nous durant le voyage de la vie : la mort. « It Burns » , c’est  à propos du désespoir et de la douleur ressentis quand on brûle de l’intérieur. « Gal.lu » fait référence au vieux mythe, tiré des premières civilisations connues, de ce démon qui nous tourmente. « Descend » explique que nous sommes les architectes de nos souffrances. Nous chantons ensuite que, en tant qu’individus et qu’espèces, nous sommes menés par le désir de procréer et de propager la vie. Ma douleur est peut-être la partie la plus directe et la plus simple de mes paroles mais cet aspect direct exprime comment nous nous sentons quand la souffrance est si intense que nous ne pouvons que hurler. Dans « Tomb », nous exprimons que, quand nous sommes au cœur de tout cela, nous nous retrouvons seuls à lutter. L’album s’achève sur le morceau qui avait ouvert le disque, sauf qu’il reflète désormais une vie vécue. La vie, bien sûr, c’est aussi d’autres choses, les amis, la famille, l’amour, mais ce n’est pas de là que vient notre inspiration ! Je suppose qu’il nous est naturel d’exprimer des sensations liées aux parts les plus sombres de la vie.

Votre musique est un voyage à travers les différentes époques du Black Metal : de la plus ancienne, quand il était proche du Death, à la plus moderne, avec des touches industrielles. Je suis d’accord. Nous faisons avant tout de la musique pour nous-mêmes. Il est naturel de trouver de la continuité dans ce que nous composons. Nous sommes issus de la période où sont nés le Black et du Death norvégiens. Avec ORDER, nous essayons de rester fidèles à notre passé sans être nostalgiques. Nous créons de la musique contemporaine qui reflète là où nous en sommes aujourd’hui.

Il y a une grande variété de vocaux sur « The Gospel » ; C’est dû au fait que Messiah n’est pas le seul à chanter. J’ai fait les voix sur « It Burns », « Gal.lu », « Descend » et « Pneuma II » en plus d’appuyer le chant sur quelques autres morceaux. La réalisation  de « The Gospel » a été très intense. Nous avons laissé aller les choses comme elles venaient.

Il est difficile de ne pas parler de MAYHEM. Que représente  désormais ce groupe pour Messiah et toi ? J’aime MAYHEM et ce que fait ce groupe. Je suis ravi que Necro soit capable de mener à bien sa carrière depuis si longtemps.

Comment perçois-tu « Deathcrush » aujourd’hui ? Je suis toujours fier de ce que nous avons réalisé avec « Deathcrush ». J’aime ces chansons. Avec ORDER nous en jouons quelques unes en concert. Je vois toujours Nécro pour les répéter. Qu’il y ait autant de personnes dans le monde qui les écoute et les apprécie autant me fait me sentir humble et reconnaissant.

Sera-t-il possible de voir ORDER sur scène ? Eh bien, la pandémie est toujours un problème, notamment parce que la plupart des festivals et des salles ont déjà leur programmation avec les reports de 2020. Quoi qu’il en soit nous venons juste de finir notre tournée norvégienne et nous jouerons en avril à l’Inferno Festival. En octobre, nous avons bouclé une mini tournée de trois dates. En dehors de ça, nous n’avons rien d’arrêté. Nous travaillons sur une possible tournée dans les Balkans et en Amérique du Sud. Espérons que les deux se réaliseront. J’espère aussi que nous pourrons nous produire en Belgique et ailleurs en Europe mais ce sera difficile en 2022.

Pour conclure, quels sont tes albums de Black préférés ? Question difficile ! J’en aime tant mais, si je peux choisir un album de MAYHEM

Bien sûr ! Alors je suis sûr de ne pas me tromper en disant que « Mysteriis » en fait partie car il est une référence du genre. Si je devais en citer un autre, ce serait « Hellfire » de 1349.

15.01.22 15:14

Blockheads

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Sans vouloir exagérer en parlant directement de légende, il est un fait certain que Blockheads s’est positionné, en 3 décennies de carrière, comme l’un des pionniers incontestables d’une scène grindcore française qui, depuis une bonne dizaine d’années maintenant, se place comme une référence au vu de ses qualités et de sa diversité. Alors quand l’occasion est donnée de s’entretenir avec l’un de ses membres, on la saisit. À l’occasion de la sortie de « Trip To The Void », petit chef-d’œuvre qui aura indéniablement marqué la fin d’année 2021, c’est Raph (guitare ou basse selon les occasions) qui nous a accordé l’entretien qui suit et ce sans compter ses heures. Une interview fleuve mais aussi et surtout une rencontre humaine riche entre 2 passionnés. 

Qu'est-ce que vous avez foutu ces 8 dernières années ? This World is Dead est sorti en 2013. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour proposer un nouvel album ? Cette question revient régulièrement. Et c’est normal. On est pas mal répartis, avec Xavier à Annecy et nous autres en Lorraine. Ça nous donne un rythme de répétition quand même restreint. Parfois, on doit consacrer des répétitions entières au live. Ceci dit, on est aussi, on va bien l’avouer, assez lents. On jette pas mal de riffs. On peut être assez exigeants avec les apports des uns et des autres. Et puis l’album a été enregistré il y a plus d’un an, aussi. Le mix et Le master ont pris pas mal de temps.

Pour quelles raisons ? Ça vient de problèmes que vous avez rencontrés ou de ce côté exigeant dont tu parles ? Le mix, au départ, était confié à William de Gadget. Il a fait du bon boulot, honnêtement. Le problème est que ça sonnait très « moderne », très metal. Et on savait dès le départ qu’on ne voulait pas du tout sonner comme ça. Il a vraiment travaillé, nous a envoyé pas mal de versions différentes, toutes très bonnes, mais à côté de ce qu’on cherchait. Steph Tanker du Disvlar Studio, qui avait enregistré le disque, a finalement accepté de reprendre le mix et le master. Ça a été plus simple. Il y avait moins de distance et il nous connaît bien. Tout ça a pris des mois mais ça valait le coup.

Et avec lui, l'enregistrement en tant que tel a mis combien de temps? Quand on entend parfois le côté "urgent" de certains morceaux, j'imagine que ça n'a pas dû traîner. Au total, je dirais 7 jours, batterie comprise. Même si les prises de batteries ont été faites un peu avant le reste. Ça nous a permis de justement prendre un peu de temps, refaire, refaire et refaire. Steph est quelqu’un de super exigeant avec lui-même. Il a une oreille très sûre et c’est un bien meilleur guitariste qu’aucun d’entre nous ne le sera jamais. C’est ce qui nous a servi. Il est très exigeant en retour aussi. Mais dans le bon sens. Il nous a vraiment poussés techniquement plus loin que ce qu’on aurait pu faire sans lui. En plus, c’était un peu comme être à la maison. On a vraiment passé ces jours-là ensemble du lever au coucher. Ça reste une très belle expérience

Vous aviez déjà travaillé avec lui auparavant ? Jamais! Et c’est assez étonnant, une entente aussi immédiate. Mais Steph est vraiment adorable.

Parfois le feeling ne s'explique pas et c'est tant mieux. Ça contribue à la magie et là vraisemblablement ça vous a permis de sortir quelque chose de très abouti. Je vous ai découvert il y a 15 ans avec l'excellent "Shapes Of Misery" (2006) et j'ai toujours trouvé le groove dans votre grindcore hyper intéressant. Mais ici j'ai vraiment l'impression que vous êtes montés encore d'un cran en termes de balance entre ce groove et votre côté très brutal. Quand on entend "Cages", "Trip to the Void" ou "Flesh Furnace", les combinaisons fonctionnent à merveille. Ah et bien merci, déjà! J’aime bien quand on parle aussi de ce groove un peu latin que Nico arrive à caser par moment. Je te mentirais en te disant que ça sort tout seul, même si Nico est super surprenant dans certains choix de patterns de batterie. Mais on a essayé d’équilibrer les titres, individuellement, même ceux de 25 secondes. Ça explique aussi la lenteur du processus, étant donné qu’on compose essentiellement en répétition. Mais on a toujours aimé aussi les groupes et les titres très lourds, le sludge, le doom, la noise 90s, et Godflesh. Ça se retrouve par bribes, même dans un disque un peu « compact » comme celui-ci.

Je voulais justement te demander quels étaient les autres styles musicaux dont vous étiez friands dans le groupe et si certains de ces autres styles (ou groupes) avaient une influence sur votre manière d'écrire vos morceaux. Ce qui est assez intéressant pour les uns et les autres, c’est qu’on écoute tous pas mal de choses différentes, mais pas forcément les mêmes. Ça permet de brasser pas mal d’influences, de la powerviolence au sludge justement, mais aussi en ayant parfois certains réflexes de jeu piqués chez Helmet ou Unsane et ce côté un peu sec sur certains riffs. Évidemment ça ne saute pas aux oreilles, mais c’est bien là.

Toujours pour rester dans la composition et la production, pourrais-tu me dire si un groupe comme Blockheads, qui comptabilise déjà presque 30 ans de carrière, avait adopté d'autres méthodes en fonction des évolutions techniques qu'on a pu connaître ces dernières années en matière de home studio, de matériel... En gros, est-ce que Blockheads reste dans une optique "traditionnelle" de composition ou vous vous aidez d'autres outils pour travailler mais sans dénaturer ce côté brut de décoffrage que vous avez ? En partie. Maintenant on garde des traces de tout. Fred (guitare) se charge de monter ça chez lui, ce qui permet de ne pas perdre de riffs, ce qui pouvait arriver, et d’avoir une idée plus précise du morceau, à froid. Il y a évidemment le piège qui consiste à vouloir retravailler sans cesse un titre, mais globalement ça nous aide. Pour la composition en elle-même, Fred apporte la grande majorité du matériel, j’en apporte aussi, et on retravaille tout ça ensemble au local avec Nico (batterie) et Erik (basse), qui a un rôle énorme pour la structure des titres. En général, on retravaille les riffs ensemble, avec un jeu de Ping-pong entre nous trois ou quatre, et on garde la meilleure version. Encore une fois, c’est long mais dynamique. Et pour revenir à ta question, on ne compose que très rarement un titre à la maison. Ça reste démocratique comme démarche.

"Trip to the Void" est une véritable invitation à l'asphyxie et au ramassage de baffes. 25 titres, moins d'1/2 heure et la messe est dite. Quel est le secret de cette énergie pour un groupe de presque 30 ans? Vous ne laissez que les blancs entre les morceaux pour que l'auditeur reprenne son souffle. Je pense que c’est aussi notre album le moins « optimiste ». La période n’incite pas vraiment à l’être, il faut dire. Ça se reflète dans la musique. Ce serait un peu cliché, mais c’est en partie vrai, il y a une colère et un pessimisme latents derrière tout ça. C’est sans doute ce qui explique la densité du disque, même si ça n’est pas forcément conscient. Mais je comprends le côté asphyxie dont tu parles. Ça peut aussi rebuter mais c’est le résultat de ces années qui viennent de s’écouler.

L'album m'a parfois aussi fait penser au "Behold The Failure" (2009) des Suisses de Mumakil qui m'avait fait un peu le même effet à l'époque. En plus c'est un groupe avec lequel vous vous entendiez plutôt bien vu le fait que vous aviez sorti 2 splits avec eux. Des amis, on peut même dire ça.

Vous vous complétiez en quelques sortes même si chacun à son tour en remettait une couche par rapport à ce que l'autre proposait et inversement. C’était un peu la rencontre de l’horlogerie suisse et de la massue gauloise oui (rires).

L'intro de l'album est empruntée au 1984 de George Orwell. Il s'agit de la même phrase d'ailleurs que sur l'intro du morceau « Do Not Speak » de Anaal Nathrakh (sur « Domine Non Es Dignus » - 2004). Tu peux nous expliquer ce choix et en même temps les thématiques développées dans l'album? Ce choix est lié à notre amour commun pour ce livre. On savait qu’on allait s’en servir d’une manière ou d’une autre (je parle du livre). Fred a trouvé cet extrait et on a décidé d’ouvrir et de fermer le disque avec. J’avoue que je n’écoute jamais Anaal Nathrakh donc tu m’apprends qu’ils l’ont utilisé aussi. Mais la phrase est forte, et explicite, ça ne m’étonne pas forcément. Pour l’album en lui-même, nous traitons de thèmes d’actualité, comme la montée de l’extrême droite, du racisme, l’individu dans une société segmentée qui a perdu le sens du collectif, les inégalités sociales, l’aliénation par le travail... L’angle est peut-être parfois plus abstrait ou personnel, mais on écrit sur ces choses depuis très longtemps. Je ne sais pas ou plus si ça a une utilité, mais je ne me vois pas parler d’autre chose dans le groupe. C’est en nous et ça ne partira plus.

Y a-t-il des morceaux qui te tiennent plus à cœur que d'autres? Oui, on a tous nos « chouchous ». Pour ce qui me concerne, ce sont « The Devourer » qui évoque les morts en Méditerranée, un sujet qui me tient à cœur, et « Flesh Furnace », parce que c’est le morceau à part sur l’album. On a pu expérimenter un peu, et tenter une bribe de mélodie dedans. C’est aussi le titre avec le texte le plus abstrait, mais j’aime beaucoup les images qu’on a mises dedans. J’ai un amour particulier pour « Conscience Cleaner » aussi, pour le break, pour le côté jusqu’au-boutiste du morceau.

Le visuel de l'album est une véritable œuvre-d’art. Qui est derrière sa réalisation et quelle symbolique peut-on y voir ? La photo est une œuvre de Roberto Campos, un photographe mexicain qui l’a créée en lien avec son modèle. Visiblement, cette photo a une signification particulière pour le modèle, mais il n’a pas été plus loin dans ses explications quand j’en ai parlé avec lui, après la sortie de l’album d’ailleurs. C’est la seule proposition qui ait emporté l’adhésion de tout le monde dans le groupe. Et c’est vrai que c’est une photo très forte, très graphique, et très chargée émotionnellement. D’ailleurs l’intérieur du livret est tiré de la même session, mais sans modèle. C’est sans doute l’artwork dont nous sommes le plus fiers, je pense. La signification est justement assez ouverte. J’ai tendance à y lire les derniers moments de ce qui nous reste d’humanité avant le grand vide, mais c’est très personnel. On peut aussi y lire la crise de l’individu isolé des autres, peut-être, ou encore une prise de position en soutien au féminisme, ce qui serait cohérent avec ce en quoi nous croyons. Pas de réponse définitive donc, mais c’est l’intérêt des œuvres d’art aussi.

« Trip To The Void » est sorti via 2 labels différents en fonction des formats, Lixiviat Records et Bones Brigade. Un seul ne pouvait pas tout sortir ? En fait quand on a réfléchi à quel label pouvait sortir l’album, on a assez vite pensé à Lixiviat parce qu’on savait qu’ils faisaient du bon boulot. Mais eux travaillent essentiellement du vinyle. Et en discutant, la solution de le sortir avec eux et Bones Brigade, qui sort principalement du CD, a émergé puisque les 2 labels ont l’habitude de bosser ensemble. Ce sont des passionnés et ça a été super simple finalement. On est très contents. Et puis il faut dire qu’avec Bones Brigade, c’est une longue histoire.

C’est vrai que vous avez déjà sorti quelques trucs chez lui. Oui, on a déjà collaboré plusieurs fois avec lui. Ça fait toujours plaisir de croiser Nico. C’était la bonne solution par rapport à un label plus gros comme Relapse parce que déjà tu peux communiquer en français, tu n’es pas dans un roster de 150 groupes et tu ne te retrouves pas à être la 19e roue du carrosse (rires).

Relapse avait sorti votre précédent album « This World Is Dead » et comme vous n’en aviez sorti qu’un seul avec eux, je voulais justement te demander si c’était parce que vous aviez été déçus par la collaboration. Je pense que c’est plutôt l’inverse en fait (rires). Mais c’est plutôt normal. On n’a absolument aucune amertume là-dessus parce que déjà, ils ont travaillé l’album. Çà, il n’y a pas de problème…

… C’est vrai que généralement, il n’y a pas vraiment de sortie sur Relapse qui passe à la trappe. Ils bossent leurs sorties, ça c’est une évidence. Après je pense que Relapse est plus adapté à des groupes qui vendent et tournent plus que nous. Parce qu’arrivé à la cinquantaine, c’est compliqué de se débloquer 3 semaines pour aller tourner aux États-Unis. Alors que quand tu sors un album chez Relapse, c’est ce que tu devrais faire finalement. On leur a proposé cet album mais ils ont été très clairs avec nous et ne l’ont pas pris. Je pense qu’ils ont écoulé le pressage du précédent mais ils ne l’ont pas repressé. Ce qui est logique. Quand tu fais du grind old school tu ne vas pas en vendre des palettes. Personne ne se fait d’illusions là-dessus. On n’est pas comme Full Of Hell qui a un côté beaucoup plus moderne dans son grindcore. Il faut quand même apprécier le style pour ce qu’il est. Mais ça me parait logique encore une fois. Les mecs de Relapse, ils vivent de ça, ils paient leur loyer et bouffent avec le salaire que leur fournit le label. Tu as des contingences qui ne sont pas les mêmes. Donc ça ne m’a pas choqué.

Vous prenez ça avec une certaine sagesse dans un sens. Vous gardez les pieds sur terre. Oui il faut. En plus, on ne veut pas se prendre pour des gens qu’on n’est pas non plus. On n’a jamais été autre chose qu’un groupe de grind et s’il y a bien une musique de niche, c’est bien celle-là.

Mais tu ne peux quand même pas nier que Blockheads, d’un point de vue grindcore français et européen, est un groupe qui compte ? C’est super difficile d’avoir du recul par rapport à ton propre groupe et de voir comment tu es perçu. On est là depuis 30 ans, on a beaucoup tourné, je crois qu’on a un capital sympathie parce que les concerts sont ce qu’ils sont (rires) mais après il y a d’autres groupes comme ça. Si tu prends Agathocles, çà aussi c’est un groupe qui compte. Ils vendent des paquets d’albums…

… Oui mais ils ont 15 sorties par an… C’est vrai qu’ils sortent beaucoup de splits et nous on n’en sort pas tellement. J’ai énormément de respect pour Agathocles. Mais ça restera toujours comme les Québécois de Archagathus, qui est fortement inspiré d’Agathocles d’ailleurs, qui vont à fond dans leur truc. Ça restera toujours confidentiel. Pour moi ce n’est ni bien ni pas bien, c’est un état de fait. Je ne fais pas partie des gens qui pensent que tout doit rester underground pour l’underground puisque quand on fait de la musique c’est quand même pour que les gens écoutent ce qu’on fait. Après il y a le facteur réalisme qui fait que ça reste une musique qui n’est pas facile d’accès. Pour plein de gens, ça restera toujours du bruit. Et le corollaire de ça c’est que tu n’en vendras jamais beaucoup. En soi ce n’est pas grave, nous on le fait.

Et quand tu le fais, tu le sais finalement. Bien sûr, et encore une fois on n’a zéro problème avec ça. C’est juste comme ça. Nous on est contents de tourner et de sortir des disques et c’est le plus important je pense.

Est-ce que le fait d’avoir 2 labels qui sortent « Trip To The Void » sous différents formats vous fait bénéficier de canaux de distribution plus larges ? Je pense que les 2 travaillent avec les mêmes distributeurs pour tout ce qui est commerces, magasins de disques… mais ont peut-être effectivement des canaux différents pour envoyer aux distros (personnes ou structures qui vendent albums et merchandising de différents groupes via internet ou directement lors de concerts – ndr). Ce qui est sûr c’est que les 2 ont communiqué sur l’album. Maintenant la coopération de labels pour sortir un disque fait partie du côté culturel de la scène crust ou punk hardcore. C’est rigolo que tu me poses la question parce que je ne me l’étais jamais posée comme ça effectivement. Mais il fallait ça de toute manière. Comme je te disais, Lixiviat travaille essentiellement le vinyl et c’est intéressant parce qu’ils travaillent toujours avec le même presseur, Vinyl Record Makers dans l’ouest de la France, qui a un comportement intéressant parce qu’en ce moment le marché du pressage vinyl est assez tendu. Il y a un manque de matière première et les majors font presser des trucs en grosse quantité. Mais eux n’ont jamais laissé tomber les indépendants. Moi ça me fait plaisir de travailler avec quelqu’un qui ne laisse pas de côté les labels DIY pour faire du repress de Sheila.

C’est du circuit court. Il y a un peu de ça. Et puis c’est aussi à chacun son domaine d’expertise. Lixiviat pour le vinyl et Bones Brigade pour le CD. 

L’album est aussi disponible en streaming ? Oui, il est écoutable sur les plateformes. Quant à notre Bandcamp, il faut qu’on remette le tout un peu d’équerre mais a priori début 2022 tout devrait être rentré dans l’ordre à ce niveau-là. Pour ma part j’écoute assez peu de musique via ces canaux-là et donc on était assez contents que les labels s’en occupent parce que sinon je pense qu’on n’aurait pas su comment faire.

Qu’est-ce que ça représente d’ailleurs à l’heure actuelle un label de grind pour un groupe comme le vôtre en termes d’investissements, que ce soit financier ou autre ? Est-ce qu’ils ont participé, par exemple, à l’enregistrement ? Non, l’enregistrement on l’avait fait avant d’avoir un label. Donc eux se sont occupés du pressage, de la distribution, de la promo… Et c’est bien comme ça. Les labels qui paient les enregistrements maintenant, ça devient de plus en plus rare.

Pour en revenir au format vinyl, je serais assez curieux de voir le rendu de votre pochette dessus. Elle doit être superbe. Ouais elle claque. J’en suis super content. En plus le papier n’est pas tout à fait mat mais est un peu velouté je dirais. Il est très légèrement brillant mais à peine. Et comme les couleurs sont assez froides, ça rend super bien. Et c’est un gatefold, donc l’intérieur c’est juste une photo en plan large du marécage mais que le photographe a prise avant d’y installer le modèle. Donc c’est juste le marécage vide mais sans rien d’autre, pas une lettre, rien du tout. Comme je le disais, je pense que c’est le premier artwork pour lequel personne n’a rien eu à redire. On a eu beaucoup de questions là-dessus parce que c’est un artwork qui ne fait pas grind.

C’est justement ça qui est intéressant. Ben ouais. Tu vois quand Xav (chant) nous a montré la première fois la photo au local à l’arrache sur son téléphone, l’un d’entre nous a dit « waw, elle est chouette la pochette du nouveau Emma Ruth Rundle ». Et ce n’est pas faux. Ça pourrait être une pochette de post-rock. C’est pour ça qu’on a choisi de ne pas mettre de logo dessus.

La photo parle d’elle-même et c’est vrai que ça dénote avec les visuels précédents. Si on prend celui de « This World Is Dead »  avec ce paysage de désolation, la photo était très belle mais elle collait complètement au sujet. Ici, c’est un peu comme si vous preniez l’auditeur à contrepied. Est-ce que selon toi ce ne serait pas un peu une manière de vous réinventer dans un style qui a trop souvent été cloisonné ? Oui, c’était un peu l’idée qu’il y avait derrière tout ça. Tu sais là on approche de la cinquantaine. Tu as vu la vitesse à laquelle on sort des disques (rires). En fait on ne sait pas mais celui-ci pourrait bien être le dernier. Après on fera des splits, et on en fera plus qu’avant, c’est sûr. Mais donc on voulait vraiment sortir l’album qu’on voulait et ne pas tourner en rond notamment au niveau de la pochette. On avait envie de se faire plaisir. Celle-là a été un peu trouvée par hasard mais c’est un bon hasard. On a eu d’autres propositions avant mais à chaque fois, l’un d’entre nous avait quelque chose à redire, alors que là tout le monde a fermé sa gueule. C’était ça qu’il nous fallait. On a seulement envoyé un mail au photographe Roberto Campos, qui était content apparemment parce qu’il écoutait du métal mais il n’avait jamais travaillé avec un groupe je crois.

Ce que je trouve intéressant c’est cette espèce de dichotomie avec « Trip To The Void » qui est peut-être votre album le plus frontal et le plus violent dans tout ce qu’il représente et paradoxalement, c’est celui qui possède la pochette la plus belle. Je pense que c’est en tout cas l’album où Nico (batterie) s’est le plus lâché. Mais on n’a pas fait exprès. On ne s’est pas dit au début qu’on ne voulait que des morceaux courts. Ils sont juste sortis comme ça. C’est un album compact, on est en-dessous de la demi-heure.

Tu es à nouveau dans le groupe depuis 2017. Oui. J’étais arrivé en 2002 pour remplacer Payot à la basse et je suis parti en 2008. Mais j’étais toujours resté en contact avec le groupe et les mecs m’ont rappelé pour me dire qu’Erik (basse, chant) avait un boulot qui lui prenait pas mal de temps et ils m’ont proposé de revenir mais à la guitare cette fois. Et pour les concerts où Erik ne savait pas être là, l’idée était de faire ça à une guitare et moi je prenais la basse plutôt que d’annuler la date. Je trouve que c’est une bonne solution, ça permet d’être souple.

On parlait avant des labels et des tournées et on se rend compte que Blockheads ne tourne pas vraiment beaucoup. C’est plutôt un choix de votre part dû à l’âge et aux occupations de chacun comme tu le disais avant ou un manque d’opportunités ? Comme on a tous des tafs et des gosses, c’est assez difficile de mobiliser 2 semaines. Et aussi, par rapport aux enfants, on refuse catégoriquement de partir et de demander à nos femmes qu’elles s’occupent d’eux pendant 2 semaines. Personne ne voudrait le faire et il y aurait aussi une incohérence par rapport à ce qu’on défend concernant l’égalité homme – femme. Je ne critique absolument pas les groupes qui tournent en disant ça mais pour nous c’est important d’être là. Et puis il y a aussi un autre truc qui fait que le groupe dure, c’est qu’on s’est toujours dit que le jour où Blockheads deviendrait une contrainte, on perdrait ce côté familial. On essaie de faire au mieux, on va essayer de tourner un peu en octobre-novembre prochain. On a une date à Strasbourg en février, une autre à Dijon et si tout se passe bien, il devrait y avoir une date à Londres en septembre.

Pour tout ça, vous avez un booker ? On n’a pas vraiment de tourneur pour l’instant. Peut-être qu’on sera obligés d’y passer pour la tournée d’octobre par rapport à certaines salles mais on ne sait pas encore.

Je voulais faire le rapprochement entre Inhumate et vous. À quelques années près vous êtes de la même génération et à l’occasion d’un petit festival grindcore organisé en Belgique par « Stooph », le batteur d’Insane Order (le We’re Not Worthy Fest les 22 et 23.10.21 au Canal 10 à Hautrage – ndr), j’ai eu l’occasion de revoir Inhumate. Et on s’est dit avec quelques copains après ça que les mecs d’Inhumate, au même titre que Blockheads, avaient beau avoir l’âge qu’ils avaient, ils montaient sur scène et donnaient encore une leçon de grindcore à tout le monde. En tant que « chefs de file » d’une scène grindcore française qui regorge de qualités, j’aurais voulu avoir ton opinion sur l’évolution de cette scène et connaître un peu les groupes que tu mettrais en avant pour l’illustrer. La question est compliquée pour moi parce que pas mal de personnes sont des potes…

… Je sais, je suis désolé mais démerde-toi (rires). Je vais essayer d’être le plus objectif. La scène grind française est pour moi ultra vivante. Et qualitativement, elle est vraiment chouette. Il y a des groupes dont je suis ultra fan, comme Whoresnation. S’il y a bien un mec qui a compris comment balancer des riffs grind et les jouer c’est Lopin. C’est du grind comme moi je l’entends. Leur dernier « Mephitism » (2018) est une baffe. Il y a Chiens évidemment et leur dernier qui est monumental (« Trendy Junky » - 2019). Leur batteur Sacha est pour moi un des meilleurs du genre avec un jeu plus rock. Il y a Warfuck évidemment mais aussi Gummo, Tina Turner Fraiseur, Vomi Noir… Je ne sais plus s’ils existent encore mais j’avais pris une tarte monumentale au Moshfest de Montpellier il y a quelques années avec Riposte, un groupe de powerviolence de Paris. Il y en a vraiment plein. Et c’est super que la scène soit comme elle est maintenant parce qu’à un moment j’allais dans les concerts grind et je ne voyais pas tant de jeunes que ça. Alors que maintenant le public se rajeunit un peu. On n’est pas dans la transmission de savoir ou quoique ce soit mais ça ferait chier que la scène grindcore s’éteigne d’elle-même faute de nouveaux combattants (rires). Je ne veux pas passer pour le mec chauvin mais moi j’y trouve plus mon compte au niveau qualité et diversité avec les groupes français, ou francophones en général parce qu’il ne faut pas oublier le Canada. Il y a Grist aussi ou encore Bain De Sang, avec notre ancien guitariste Raph, Doomsisters, dans un style plus grind sludge. Il y a Gros Sel aussi qu’on oublie souvent.

Pour terminer je voulais te demander un peu ce qui se profilait à l’horizon pour Blockheads. Tu as parlé de quelques dates et de faire un peu plus de splits qu’avant… Oui on a recommencé à composer et je pense qu’on va essayer de faire des splits avec des copains, mais je ne sais pas encore avec qui ni qui va les sortir. Mais là ce qui est vraiment cool, c’est qu’on a trouvé un bon endroit pour enregistrer pas loin de chez nous, dans des conditions idéales et chez un mec qui nous connait. Enregistrer chez Steph Tanker, au Disvlar Studio, c’est un peu comme enregistrer chez soi.

24.11.21 14:44

Nanowar of Steel

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Nanowar, comme pas mal de groupes de rock/metal parodiques, a connu le succès un peu tardivement avec un album plus facile d’accès, parlant à un plus grand nombre. Ultra Vomit a eu son Panzer Surprise, Nanowar a eu son Stairway to Valhalla. Voir donc le quintet revenir à la charge avec un album respirant totalement l’italianité était quelque peu surprenant. Si cela a été le point d’ancrage de l’interview, une analyse approfondie des paroles rend compte d’idées parfois drôlement engagées, enracinées dans l’histoire et la culture historique et moderne d’un pays pas toujours bien connu au-delà des cartes postales. On en a discuté avec Edoardo, alias « Gattopanceri666 »

Salut ! Bravo pour ce nouvel album ! Pour directement lancer mon pavé dans la mare, je voulais comprendre pourquoi vous vous êtes mis en tête de sortir un album 100% italien, avec des chansons traditionnelles, des références et même un chant totalement lié à l’Italie ! Après avoir explosé avec « Stairway to Valhalla », c’est un choix audacieux ! Pourquoi avoir décidé de faire ça maintenant ? Hello ! Cela fait partie de notre projet à long-terme, celui de commencer une école de langue itinérante pour apprendre l’italien autour du monde. Après tout, nous n’avons aucun talent hormis celui de parler notre langue maternelle, c’est la seule chose que l’on peut offrir ! Donc on s’est dit que l’on pourrait en profiter en donnant envie aux gens de l’apprendre. Ainsi, les gens viendront nous voir en concert, mais la leçon ne durera qu’une heure et demie !

Je vois ! Et votre label s’est-il opposé à cette idée de sortir un album purement italien ? Avez-vous rencontré le moindre obstacle vis-à-vis de ça ? Ils nous ont juste dit « scusa ragazzo no parlo italiano pizza mafia arrivederci » [sic] !

L’album conserve malgré tout votre humour si particulier qui a su plaire aux gens. Même en ne parlant pas italien, j’ai trouvé « La Polenta Taragnarok » et « Gabonzo Robot » vraiment funs tout en étant sympas à écouter par exemple. Était-ce votre espoir pour vos fans ne parlant pas forcément votre langue ou non-familiers avec la culture italienne ? Oui, c’était notre façon de penser. Mais comme je le disais, on espère surtout que nos fans viendront assister à nos cours… c’est-à-dire nos concerts !

Puisqu’on en parle, vous avez sorti un clip pour « La Polenta Taragnarok » il y a quelques semaines. En fait, vous avez sorti pas mal de vidéos pour vos deux derniers albums ! Est-ce un exercice que vous appréciez particulièrement ? Comment se passe la réalisation d’un clip pour Nanowar ? Je trouve d’ailleurs que “Norwegian Reggaeton” est toujours l’un des meilleurs clips de votre vidéographie ! On aime bien sortir des clips parce qu’en plus de notre statut de professeurs d’italien, nous avons toujours rêvé d’être youtubeurs. Et si je peux te révéler un secret ancestral : pour être un bon youtubeur, il faut sortir des vidéos ! C’est uniquement pour cela qu’on le fait. Dans tous les cas, notre processus de création se passe à peu près comme ça : « On a une idée ! Est-ce qu’elle est stupide ? Oui ! Est-t-elle bizarre ? Oui ! Est-t-elle gênante ? Oui ! Est-t-elle coûteuse ? Oui ! Alors c’est parti, on fait ça ! »

Dans « L’assedio di Porto Cervo », une amie italienne (qui m’a beaucoup aidé à préparer cette interview !) m’a dit qu’elle parlait énormément d’antifascisme, avec de fameux boulets rouges tirés sur l’extrême droite. Et je n’évoque même pas « La Marcia Su Piazza Grande » qui en parle encore plus ! Je ne vais pas m’avancer outre-mesure puisque je connais très peu la vie politique italienne, mais je suis surpris de trouver des thématiques aussi fortes dans vos chansons. Je suppose que ce sont des sujets qui vous tiennent beaucoup à cœur malgré tout ? Mon amie se demandait aussi pourquoi parler de la Sardaigne en particulier ? Je suppose que t’évoque plutôt « La Marcia su Piazza Grande » en parlant de chanson anti extrême droite ? Il y a un peu de ça, je veux dire se moquer de la rhétorique fasciste, mais ce n’est pas le plus important pour nous. On voulait surtout se marrer. Je veux dire… La chanson parle de Giancarlo Magalli, un présentateur italien très connu (et quelqu’un d’assez simple et amusant de ce qu’on en sait). Et ouais, on en a fait un dictateur fasciste ! Simplement parce qu’on trouvait ça drôle d’en faire un dictateur sans pitié. Quant à la Sardaigne… Et bien l’album parle du pays dans son entièreté, donc on DEVAIT parler de la Sardaigne, il s’agit probablement de la plus belle région d’Italie.

Il y a aussi votre premier single « Der Fluch des Kapt’n Iglo »… Pourquoi avoir choisi de faire un clip pour la version allemande du titre et non l’italienne ? D’ailleurs, j’ai eu l’impression à la lecture des paroles d’une pique lancée à la pêche intensive et aux géants de l’agroalimentaire. En comparaison à Stairway to Valhalla, on dirait que vous vous lâchez davantage sur les idées politiques ! En fait, on a fait deux vidéos pour la chanson… En allemand comme en italien ! J’avoue ne pas trop comprendre ce que t’entend par chanson politique, sauf si t’estimes qu’il est politique de faire une chanson sur un vieux mec qui vend des bâtonnets de poissons surgelés !

Oh désolé ! Ceci dit, je suis aussi étonné de trouver un titre en allemand et même un autre en espagnol sur un album aussi « italien ». Bien qu’impressionné par les capacités de votre école de langue, je me demande les raisons de ces auto-reprises : un défi ? Pour la frime ? Avez-vous beaucoup de fans dans ces pays ? Tout simplement parce que ça sonnait bien et que ça paraissait avoir du sens ! J’ai vécu en Allemagne et en Espagne et j’étais familier avec le Kapt’n Iglo. Et aussi parce qu’en Espagne, il est courant de se moquer des petits vieux qui passent leur journée à épier les sites de construction… Une curiosité que l’on retrouve aussi chez les vieux italiens ! Cela nous semblait pertinent de traduire cet humour dans ces deux langues.

Pour revenir une fois encore sur « La Polenta Taragnarok », c’est un titre qui a fait mourir de rire mon amie italienne, alors que moi j’étais juste occupé à kiffer le morceau sans rien comprendre ! Elle paraît aussi être la chanson la moins directement critique de l’album. Oh c’est très clairement la chanson la plus importante de notre album parce que d’une part Giorgio Mastrota, le héros de notre enfance, nous accompagne au chant dessus. Et d’autre part parce que nous vendons de la polenta sur notre webshop ! Ce n’est d’ailleurs pas une chanson très politique selon ta définition car elle ne parle pas de fish sticks.

Pour aborder le dernier clip, celui sur Gabonzo Robot, j’ai cru comprendre qu’il mettait en scène un robot très connu en francophonie également. On l’appelle « Goldorak » ici ! Néanmoins, votre robot ne paraît pas très sympathique… Qui est-t-il précisément ? Il fait référence à quoi ? Gabonzo est un robot qui est apparu pour la première fois dans les bande-dessinées de Dr.Pira en 1999. C’est un robot avec une grande éthique, qui détruit tout et tout le monde, sans se soucier de leur âge, de leur genre, leur ethnie, leur santé physique, leur nombre de jambes ou leur groupe préféré. C’est le robot du futur, qui permettra d’atteindre la société la plus parfaite possible.

Vous avez réuni une liste impressionnante d’invités pour l’album aussi ! Fleshgod Apocalypse, Trick or Treat, Frozen Crown… L’album est très clairement italien à 300% ! Comment sont nées ces collaborations, qui a contacté qui ? Était-ce chouette à faire ? C’était super plaisant ! On était déjà en contact avec la plupart d’entre eux, donc ça s'apparente plus à une réunion de famille. C’était un honneur de pouvoir réunir autant de musiciens de talent pour chanter des bêtises.

J’espère que c’est une fausse impression, mais j’ai souvent la sensation que la musique « parodique » ou « comique » est souvent mise à l’écart et même diminuée par l’industrie et les mélomanes, comme s’il n’y avait rien au-delà de la blague. Est-ce quelque chose que vous avez déjà ressenti en tant qu’artistes ? Est-ce qu’on a pu diminuer votre talent en tant que musiciens à cause de ce que vous faites ? On a pu ressentir cela par le passé, mais les temps changent. Les gens pensaient que nous étions de piètres musiciens, mais maintenant ils apprécient le côté fun de notre musique. Et ils ne peuvent alors plus dire que nous sommes de mauvais musiciens parce que ce serait discriminatoire envers tous les musiciens officiant dans ce genre-là ! En mode « quoi, tu trouves notre musique fun mais on est de mauvais musiciens ? Cela n’a aucun de sens si toi tu kiffes ! » Et comme le plus important dans la vie c’est de voir nos opinions validées par les autres, surtout sur les réseaux sociaux, on se dit que le résultat en vaut la chandelle !

…d'accord ! Je n’ai pas tout suivi mais je pense que nous sommes d’accord ! En tout cas c’est une idée d’autant plus idiote quand on réalise à quel point l’album est diversifié et recherché, puisque vous avez mélangé plusieurs styles très différents de musique traditionnelle italienne. Puisque je suppose que vous n’êtes pas de tous les coins d’Italie, comment vous y êtes vous pris pour aligner autant de genres sur un seul album ? Est-ce que vous avez dû apprendre de nouveaux instruments ou de nouvelles techniques ? Oui… on a eu à écouter beaucoup de musique de merde que l’on déteste ! C’était la pire chose de tout le processus créatif !

Une autre couche de difficulté est peut-être venue du Covid aussi, non ? Comment vous y êtes vous pris pendant cette période ? Cela m’a changé en critique très bruyant vis-à-vis des politiques mises en place pendant cette période, notamment en ce qui concerne les confinements… Et sur bases scientifiques hein ? Enfin, mis à part cela, cela nous a surtout permis de donner naissance à plusieurs nouvelles idées débiles…Certaines se retrouvant sur ce nouvel album, et d’autres qui se retrouveront sur le prochain !

Je suis celui qui s’est occupé de chroniquer vos deux derniers albums pour Metal’Art, donc j’ai pu avoir un regard (et une oreille !) rapproché de vos dernières productions. J’ai remarqué que vos deux pochettes sont assez similaires, avec un air de bande dessinée symbolisant l’intégralité des éléments de l’album. Qui s’est occupé de ces artworks et avez-vous un mot d’ordre précis vis-à-vis de ceux-ci ? Les deux pochettes (et la plupart d’entre elles en fait) sont dessinées par notre chanteur, qui est illustrateur professionnel. Il a fait beaucoup de bandes dessinées ! Et c’est devenu notre propre style, notre marque de fabrique.

C’est une question un peu bizarre, surtout avec l’album qui vient de sortir, mais vous pensez qu’on pourrait voir un Volume 2 avec des chansons italiennes plus modernes ? Avec des reprises de groupes de metal italiens par exemple ? Cela pourrait être cool comme ça pourrait ne pas l’être tant que ça. Je crois que ça dépend beaucoup de notre inspiration, si l’on parvient à rassembler suffisamment d’idées pour produire un autre album en italien. Mais si ce n’est pas le cas, alors ça n’arrivera pas, tout simplement.

Enfin, nous avons une diaspora italienne assez importante en Belgique, notamment suite au passé que nous avons en commun. Est-ce qu’un nouveau concert chez nous est éventuellement prévu bientôt ? Avez-vous quelque chose à dire à vos fans belges ? On adore le Manneken Pis, nous pensons qu’il s’agit du monument ultime, le meilleur de tous les temps ! On adorerait revenir chez vous, je pense que notre dernier concert doit remonter à 2009 ! Et pour les fans, je ne dirai qu’une chose : « Bilbo Baggins Carabiniere ! » [sic]

 

Merci à Danai pour l’aide précieuse apportée à la réalisation de cette interview !

14.11.21 13:23

Park Rock Festival

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Tous les festivals rock sont en Flandres ! Tous !? Non ! Il existe dans nos contrées, un festival rock, géré par des passionnés, qui ne demande qu'à ravir vos yeux et vos oreilles. Sa potion magique :  c'est vous et votre motivation ! C'est pour cette raison que le Park Rock Festival a créé la "Winter Edition" les 11 et 12 décembre de cette année. Nicolas Sand, organisateur, va nous accompagner pour un petit tour du propriétaire.

Comment est né le Park Rock Festival ? Il a été créé par des jeunes de l’entité de Saint-Ghislain qui voulaient faire un festival dans le parc. Ça a commencé par un petit truc genre boy-scout et d’année en année ça a grandi. En ce qui me concerne, j’ai repris le festival pour la 15e édition en 2018, puis la 16e. Pour la 17e édition en 2020, ça a été annulé à cause du COVID, rebelote cette année et donc la 17e édition devrait avoir lieu en 2022 si tout va bien. L’idée de faire une édition d’hiver était déjà dans les cartons et on s’est dit que tant qu’à attendre un an pour la faire, autant la faire maintenant. On profite d’un subside qu’on a reçu pour l’annulation du festival pour la deuxième année consécutive. Subside qui était donné si on faisait un festival à jauge réduite, répondant aux conditions sanitaires et donc nous voilà !

Le concept de Winter Edition va perdurer ? Nous, on aimerait bien ! On va voir comment se passera cette première édition et comment réagira la commune même si avec Rock Nation, ils nous font confiance. L’idée est en effet d’avoir un Park Rock Winter et un Park Rock Summer.

La structure du festival est toujours la même: un premier jour de tribute bands et un deuxième jour de groupes originaux ? Avant c’était une journée et ce n’était que de la compo. L’organisateur mélangeait beaucoup de styles différents : du death au blues en passant par de la pop et du reggae. Il y avait vraiment de tout. Quand on a repris le festival avec Rock Nation, notre volonté, car on avait remarqué que la commune n’aimait pas trop les “extrêmes”, était de les gommer et de garder un festival rock, d’où le nom. On va essayer de développer la fréquentation qui a toujours plafonné entre 800 et 1200 personnes. L’idée est d’atteindre un premier palier à 1500 et puis 2000 et donc de le faire grandir. Pour que ce soit efficace, je sais que le tribute marche toujours bien et a franchement la cote. Je me suis donc dit pourquoi ne pas profiter de l’infrastructure, qui coûte quand même bonbon, une soirée de plus et faire la veille une soirée tribute. Attention, il s’agit de tributes, ce sont des groupes hommage et pas des groupes cover généralistes qui font du Claude François et du Deep Purple dans le même set....et un Johnny ! (rires) Cette structure a bien fonctionné les deux premières années et on attend avec impatience de faire l’édition suivante sous la bannière Rock Nation. On a d’ailleurs utilisé le même concept pour la Winter Edition parce qu’on sait que ça marche. On va continuer un petit peu avec cette formule, mais je ne te cache pas que, comme on a surnommé ça le “Park Rock Legends Tribute Night”, j’ai déjà dans l’idée de garder le “Park Rock Legends”, mais de supprimer “Tribute Night” et de ne faire venir que des “Legends“ du rock comme Thunder, Bad Company. Un peu comme a fait le Golden Age Festival à Liège. On aurait donc un jour de légendes du rock au sens large et le Park Rock Festival pour les découvertes et les groupes actuels. Voilà un peu l’idée que l’on voudrait développer, mais on va déjà reprendre là où l’on s’est arrêté, même un peu en arrière, puisque pour la Winter Edition on parle d’une jauge de 300 places par jour seulement.

Tu nous as parlé de l’agence Rock Nation, dois-je comprendre que beaucoup de groupes viennent de là ? On a placé évidemment quelques groupes comme tout agent organisateur, mais on a toujours essayé de garder une parité entre les groupes Rock Nation et les autres. Ce n’est pas le Park Rock Nation Festival. Pour l’édition hivernale, par exemple, pour les tributes c’est vrai qu’ils sont quasi tous dans l’agence sauf un, mais pour les compos il n’y en a que deux. C’est aléatoire et notre but n’est pas de faire repasser tous les ans les mêmes groupes.

Comment définirais-tu le Park Rock ? Quelle serait sa particularité ? L’environnement : c'est un très beau parc ! Quand tu es dedans, tu te sens bien et un festival pour moi c’est ça : c’est une atmosphère et il faut s’y sentir bien. La particularité c’est qu’en gommant certains trucs, on veut rester un festival rock à tout prix. On a l’impression que tous les festivals de rock comme Dour, Les Ardentes sont devenus des festivals électro-rap enfin tout ce qui est à la mode. Y’a plus beaucoup de festivals de rock généraliste. Il y a du hard, du metal, de l’extrême, mais ce n’est pas la même chose et j’ai envie de garder cette spécificité-là. Si je pouvais faire monter Little Richard, je le ferais ; pour montrer que le rock est parti de fous furieux comme ça. Je pourrais parler des développements que l’on essaye de faire : des animations pour enfants, faire travailler des artistes locaux, faire des expos. On n’a pas encore eu le temps de faire tout ce que l’on voulait, on a eu que 2 éditions jusqu’à présent. Mais on a déjà fait un atelier de lutherie sauvage pour les enfants : avec un bout de bois et de la corde, ils faisaient une harpe, avec des capsules un tambourin! C’est un festival familial un peu comme l’on fait avec la salle Zik Zak. Donc pour résumer : familial, rock et bel endroit !

La dernière question c’est une carte blanche qui t’es offerte pour un sujet non abordé, mais dont tu voudrais parler. Ça peut paraître bateau, mais je trouve important de le souligner. Je t’ai parlé de la ville de Saint-Ghislain depuis le début, le Bourgmestre Daniel Olivier, soutient ce festival. La commune nous subsidie de manière conséquente pour un festival de village. Je trouve ça assez rare pour le souligner et d’avoir tous ces gens du Bourgmestre, des Échevins jusqu’aux ouvriers qui s’occupent de l’électricité ou du transport qui se dévouent pour le festival, c’est impressionnant. Je ne suis pas pour ce genre de message, mais je suis à chaque fois ébahi par ce soutien et cette énergie. La première année de notre reprise, le Bourgmestre voulait que l’on garde un concours musical, j’étais pas trop pour parce que pour le concours t’as que les musiciens , leurs potes et leurs familles dans la salle. On faisait ça en intérieur et il faisait 35° dehors. Le bourgmestre qui avait déjà un certain âge, est resté du début à la fin assis dans la salle malgré la chaleur pour regarder tous les groupes. C’est pour bien montrer à quel point il soutient ce festival et une commune qui soutient le rock mérite qu'on le souligne !

05.09.21 09:46

Ça a l’air grave - Aaron

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Souvent incompris, parfois même moqués voire injustement critiqués, ils assurent pourtant un travail de l’ombre essentiel. Eux, ce sont les bassistes, les gardiens des fréquences graves. Ils sont la hantise des roadies et de leurs lombaires tant leurs amplis « frigos » pèsent leur poids et sont peu maniables, mais sont aussi et surtout des musiciens généreux au service de leur groupe ou de l’artiste qu’ils accompagnent. Rarement en recherche de gloire, ils ou elles se trouvent souvent en arrière-plan pour incarner, avec la batterie, la paire d’épaules sur laquelle le reste du groupe pourra aisément s’appuyer. Une race à part au service du groove.

C’est le très sympathique et disponible Aaron, bassiste et chanteur de Red Fang, qui nous a accordé quelques instants de plus dans la foulée de l’interview qu’il nous a accordée pour le MA9 (que vous pouvez retrouver en pdf sur ce site, faut-il encore vous le rappeler ?) à l’occasion de la sortie du dernier album des Américains, « Arrows ». Certes brefs, ces quelques mots ne sont toutefois pas dénués d’intérêt en ce qui concerne la vision du bonhomme.  

 

Comment as-tu commencé la basse ? C’était par nécessité. En secondaire, avec un ami, on avait monté un groupe dans lequel on jouait tous les deux de la guitare. J’ai déménagé avec cet ami à Portland et on a cherché d’autres musiciens. On a trouvé un batteur et j’ai switché moi-même vers la basse, ça me paraissait plus simple comme ça. Donc j’ai commencé la musique en tant que guitariste.

Selon toi, quel est le rôle de la basse et du bassiste dans un groupe ? Disons que la plupart du temps je vois le rôle de la basse comme étant une troisième guitare plus lourde et plus grave tout simplement. Je joue donc avec pas mal de distorsion et, en règle générale, je suis la structure mélodique de la guitare. Pour moi, la basse doit être capable de donner le ton du morceau. Mais avant toute chose, le bassiste doit être parfaitement calé rythmiquement avec le batteur, c’est le plus important. Par exemple, dans Red Fang, John (Sherman – batterie) et moi passons beaucoup de temps à définir ensemble une ossature rythmique qui définit le feeling du morceau en fonction des riffs de guitare.

Donc le batteur et le bassiste sont les meilleurs amis du monde ? (rires) Oui tout à fait….ou en tout cas ils doivent être connectés télépathiquement.

Pourrais-tu nous présenter en quelques mots le matériel que tu utilises ? Ma basse est une G&L SB-1, c’est une basse de type « Precision » (un des modèles Fender les plus populaires). Je la joue sur un ampli Sunn Beta Bass. Ce sont des amplis à transistor originaires d’ici en Oregon. Et c’est de lui que vient la distorsion. Et la tête est simplement reliée à un box 4x12. J’ai aussi des micros assez lourds et je suis assez dur avec mes cordes.

Tu joues toujours au médiator ? Presque toujours. Sur certains morceaux, il m’arrive de jouer aux doigts et de switcher sur le mediator pour les parties plus lourdes.

Quels sont tes influences en matière de basse ? Y a-t-il un ou plusieurs bassistes que tu apprécies particulièrement ? Pour ce qui est du bassiste qui a influencé ma manière de jouer, je dirais Rob Wright de NoMeansNo (groupe punk canadien fondé en 1979). Je lui dois beaucoup en termes de son mais il faut dire qu’à ce niveau-là il était lui-même influencé par Lemmy (Motörhead – ndr). Sinon il y a certains bassistes que j’adore comme, par exemple, David Wm. Sims de The Jesus Lizard.

Parmi les morceaux de Red Fang, y a-t-il un titre que tu apprécies particulièrement pour sa ligne de basse ? Un des morceaux les plus funs à jouer est « Throw Up » (sur « Murder The Mountains » sorti en 2011) mais si je dois me pencher sur une ligne de basse, je dirais celle de « Black Hole » qui est un titre qu’on a écrit il y a bien longtemps, en 2007 ou 2008 (bonus track du même « Murder The Mountains »). Il y a aussi une autre partie basse que j’apprécie bien, c’est sur « The Smell of the Sound » (sur le précédent album « Only Ghosts ») parce qu’il s’agit d’accord à la basse. Enfin je ne sais pas si mes parties de basse sont vraiment cools non plus (rires).

17.07.21 14:21

Crescent

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Rares sont les groupes égyptiens qui arrivent à sortir des albums, encore plus ceux qui réussissent à tourner en Europe. Animés par les feux d’une volonté de fer et d’une passion pure pour leur art musical, Ismaeel Attallah (voix/ guitare) et Youssef Saleh (voix/guitare) réussissent cet exploit dans un contexte national pas du tout propice à sa réalisation comme nous le découvrons dans cet entretien.

Votre album est un concept autour du thème des Feux d’Akhet. Pouvez-vous élaborer ? Quelle est cette grande volonté divine que ces Feux représentent ? C’est en fait un concept à plusieurs sens qui sont dérivés de la perception qu’en avaient les anciens. D’un point de vue semi-littéral, les Feux d’Akhet représentent les « feux » de l’horizon, c’est-à-dire le lever de soleil. Une autre interprétation voit dans ces Feux la volonté de Ra qui emplit l’horizon. Pour nous, ils signifient les deux et nous y voyons la représentation de la volonté absolue de sculpter sa propre gloire pour s’élever vers les cieux. Chaque chanson de l’album traite de l’une de ces significations, en y intégrant aussi l’Histoire et l’aspect politique qui se cachent derrière certains éléments mystiques ou religieux de la mythologie.

L’artwork sur la pochette, faite par Khaos Diktator, est impressionnant. Pouvez-vous nous la détailler ? Nous sommes contents qu’elle te plaise. Khaos Diktator a fait un super travail, c’est sûr. La pochette s’inspire, et est en fait une recréation, de la palette de Narmer (ndlr : découverte archéologique vieille d’approximativement 5000 ans). C’est l’une des plus importantes reliques de l’Egypte antique dont elle illustrerait la première unification de la Basse et Haute-Égypte sous un même roi. Qu’elle soit historiquement exacte n’est pas important pour nous. Elle représente le début de quelque chose de colossal qui a pavé la voie de tout ce qui suivit en Egypte. Cela fait partie de cette grande volonté divine et dont traite l’album.

Est-ce que les récents changements dans le line-up ont eu un impact sur la musique du nouvel album ? Les nouveaux musiciens ont-ils été impliqués dans l’écriture ? Ismaeel a écrit l’album il y a à peu près deux ans et nous répétons depuis pour l’apprendre et le peaufiner, d’abord avec l’ancien line-up puis avec le nouveau. Tout était donc déjà prêt quand Julian et Stefan nous ont rejoints. Julian a certes enregistré les lignes de batterie mais elles ont été composées par notre ancien batteur, Amr.

Crescent est depuis ses débuts à la recherche de son identité sonore, qui évolue de fait à chaque album. Êtes-vous à présent satisfaits et est-ce que cette recherche prend avec « Fires of Akhet » ? En ce qui concerne la recherche que tu mentionnes, nous avons trouvé notre son il y a déjà longtemps mais c’est quelque chose qui se développe sans fin. Nous sommes donc très satisfaits de tous les albums que nous avons sortis jusqu’à présent. Nous sommes mus par l’envie d’évoluer et de ne pas nous répéter bien que nous pensons avoir atteint un niveau élevé qu’il ne sera pas facile de dépasser. Nous ne ferons cependant pas de nouvel album si nous avons le sentiment que nous ne pouvons pas nous développer au-delà du précédent.

Comment est la scène metal en Egypte ? Et plus spécifiquement, comment est celle du metal extrême ? Il y a beaucoup de groupes qui essayent de sortir des albums et d’être bookés pour des concerts dont la grande majorité demeure sans succès. Il n’y a pas réellement de scène en Egypte pour supporter les groupes et la plupart des fans n’ont pas cette culture d’appuyer les groupes. Cela est principalement dû à leur jeune âge. Pour couronner le tout, cela fait un moment que plus aucune salle n’organise de concerts de metal, encore moins de metal extrême, par peur des retombées politiques ou d’être pris comme bouc émissaire par des journaux minables dans des histoires vides de sens. La situation est devenue très difficile pour les groupes de metal extrême en Egypte. En ce qui concerne les festivals, c’était possible bien que compliqué par la difficulté de trouver des techniciens et professionnels fiables.

Vous êtes le premier groupe égyptien de metal extrême à s’être produit à l’étranger (par exemple : Wacken Open Air en 2014). Est-ce que cela vous met sous pression ? Nous sommes en effet les premiers à nous être produits dans des festivals réputés et dans autant de pays européens mais nous ne sommes pas les premiers à avoir joué à l’étranger. Cela n’a jamais été un sujet de pression ou de label : nous nous concentrons juste sur la production de l’album et nous faisons notre concert avec toute la passion qui nous anime lorsque nous nous produisons dans des festivals européens. La seule pression que nous pouvons ressentir est celle liée à la logistique et à l’organisation des vols qui peuvent être stressantes.

Vous allez jouer au Dark Easter Metal Meeting en avril 2022 (Munich). Allez-vous en profiter pour faire une tournée en Europe ? Nous en discutons avec le groupe et les agents. Nous verrons bien ce qu’il adviendra car il est bien difficile de prédire ce qui va se passer. Nous ne pouvons qu’espérer au mieux.

Le mot de la fin est pour vous. Nous voulons juste ajouter à ceux qui apprécient écouter notre type de musique de traiter cet art avec le respect et le sacré qui lui est dû. Nous, et beaucoup d’autres musiciens de Black/Death metal, investissons esprit et âme dans la musique. Par conséquent, les auditeurs devraient prendre le temps de digérer l’œuvre avec tous ses ingrédients, et ne pas la traiter comme du fast food. Gardez la flamme haute et à bientôt !