Chroniques

Chroniques (703)

Figure de proue du drakkar viking metal, Skàlmold célèbre ses dix ans avec un album live, enregistré à Reykjavik. Fin 2019, les Islandais avaient donné trois concerts à domicile, prélude à une pause rendue nécessaire par des années intenses, marquées par cinq albums et de nombreuses tournées.

Acclamés par un public chaud comme l’air d’un sauna, prompt à répéter les chœurs guerriers de leurs idoles ou à chanter, en forme de communion finale, le solo de « Kvadning », les îliens attaquent par l’enchaînement « Heima » — puissante composition a cappella —/« Hàràs » — ente profondeur et nostalgie — qui reprend l’entrée en matière de « Baldur », leur premier album.

La voix gutturale de Sigurosson est mixée très en avant, accentuant le côté rugueux des chansons, contrebalancé par les interventions majestueuses de Gunnar Ben. Le groupe plonge dans chacune de ses sorties, régale sur ses morceaux de bravoure, comme l’épique « Mara », huit minutes de navigation sur une mer changeante, tantôt exaltée, tantôt apaisée, traversée de vagues de guitares maidenesques.

Skàmöld décrit ainsi un monde de feu et de glace, de rage et de mélancolie, mêle joies païennes et légendes nordiques (le heavy « Nioavellir »). La horde devrait ouvrir, au printemps 2021, pour Finntroll : une tournée à ne pas manquer !

Si votre serviteur se demande ce que donnerait un album de gros metal relatant des aventures historico-légendaires liées à la piraterie, tout en étant plus sérieux et plus lourd… chose qui serait tout à fait envisageable pour un groupe français, pays fortement attaché aux histoires de trésors, de flibuste et de coups de sabre, il n’aura pas sa réponse cette fois ! Et en même temps, il y a un petit quelque chose, un petit goût de « revenez-y » qui place le line-up toulousain un peu à part des Alestorm ou Rumahoy, qui ont déjà bien poncé le « genre » au point de laisser l’impression d’une blague un brin trop longue. Non pas que Barbar’O’Rhum (qu’on nommera BOR à partir de tout de suite) mette le fun au placard, bien loin de là. Suffit d’écouter « Pénurie de Rhum » ou « Frères de Bitte » (sans commentaire !) pour s’en assurer, clairement, il y a une tradition du chant populaire, teinté de grivois et qui donne envie de rejoindre la fête. Mais véritablement… Il y a autre chose. Peut-être est-ce le caractère très cosmopolite de leurs titres, qui attribue vraiment de la couleur à un album riche de onze titres ? Peut-être est-ce le fait de chanter en français, donnant une proximité forcément subjective, mais néanmoins sincère qui confère aux titres et à leurs paroles une aura de sympathie bienveillante ? Peut-être en outre est-ce l’étonnante maturité de cet album, comportant de nombreux morceaux très longs, où les instruments ont bien le temps et l’opportunité de se montrer, de s’exprimer. Loin de nous l’idée de prétendre que les autres groupes n’ont pas à cœur certains choix artistiques pertinents et un travail certain en plus de leur volonté de proposer des titres funs et « à boire », mais chez BOR… C’est poussé à son paroxysme. C’est fun, mais nullement parodique (encore que, n’en déplaise aux mauvaises langues, pour bien parodier… il faut bien connaître le sujet de base). Et les notes de l’équipage sur la conception, l’inspiration des chansons en atteste amplement : il y a eu de la réflexion derrière tout ça, beaucoup de références… et un désir de diversité de plaisir d’écoute, par-dessus la simple autodérision et l’invitation à se murger. Mention spéciale d’ailleurs pour le morceau qui clôt l’album, « Les P’tits Rafiots », qui propose « La rencontre improbable entre une Comptine française sur le thème maritime, un morceau de Musique classique d’Antonio Vivaldi et deux Jigs irlandaises très connues du milieu pour un final explosif » … pour une fois, le groupe fait pratiquement sa propre critique, mais ce serait difficile de mieux le qualifier, et d’expliquer en quoi c’est si bien ! Je n’aurai pas forcément cru rédiger ma plus longue critique sur du pirate metal et encore moins sur un groupe qui m’était encore inconnu, mais rien que pour m’avoir remémoré les années Naheulband, Fatals Picards et Celkilt… La casquette du chroniqueur se voit balayée par une bourrasque. Bravo, les gars, vous êtes peut-être les meilleurs dans ce que le genre produit actuellement.

21.11.20 11:24

ALPHA BLANK - "Life in 2 pieces"

Écrit par

Ah qu’il est bon le metal alternatif de la Côte d’Azur ! Car c’est bien de cette partie de l’hexagone que Alpha Blank provient. Proposant des rythmiques puissantes et des mélodies bien catchy ainsi que des refrains prêts à être chantés par tout public, les Français balancent un metal alternatif dans la veine de Nickelback, Alter Bridge et Breaking Benjamin. Les compositions sont groovy, les ambiances bien atmosphériques et les morceaux fédérateurs. Mais la force de Alpha Blank, c’est la décision d’incorporer des éléments progressifs dans la plus pure tradition comme le font Dream Theater, Haken ou encore Periphery pour certains passages plus modernes. Pour preuve les superbes morceaux que sont « Not afraid », « What it means » et « Like no one ». Mais que les fans metal/rock alternatif puissant et direct ne se fassent pas de soucis, ils seront bien servis avec « To survive », « Hold your fire » ou même « Dysnomia », véritables singles en puissance. Avec « Life in 2 pieces », Alpha Blank propose un album des plus homogènes, alliant intensité et mélodies. La Côte d’Azur nous balance une terrible pépite qui n’aura rien à envier aux plus grands du genre.

18.11.20 20:30

TORCH - "Reignited"

Écrit par

Fondé en 1981, Torch fait partie des références incontournables pour tout fan de heavy metal et même en dehors (Robb Flynn déclarant que son tout premier morceau joué en live était un morceau de Torch). Toutefois, un split en 1986 et un blackout total jusqu’en 2013 ont fait des dégâts et malheureusement, le nom Torch disparut dans les profondeurs de la scène metal. C’est aujourd’hui le grand réveil des seigneurs du heavy metal qui nous proposent un retour aux sources avec « Reignited ». Les Suédois développent toujours un heavy tout en puissance, mélangeant les tempos et des mélodies à la King Diamond (lui-même se disant influencé par le combo d’Eskilstuna). Ajoutez à cela la dose de rock’n’roll de Motörhead ainsi qu’un hard rock façon AC/DC et l’on obtient « Reignited », un album bien foutu et qui se laisse écouter. Malheureusement, il se retrouve noyé dans la masse des sorties du genre, démontrant que les élèves ont depuis dépassé le maître. Torch nous fait toujours headbanguer, mais malgré un mix en béton armé signé Jacob Hansen, les compositions de ce nouvel album manquent au final d’éléments accrocheurs qui auraient permis le rendu indispensable de celles-ci. À conseiller toutefois à tout fan de heavy.    

La ville de Bayonne ne fait pas que dans le jambon. La preuve en est avec The Hellectric Devilz qui, après deux démos et quelques vidéos, passe le cap en sortant son premier album intitulé « The Hellectric Club ». Au regard du visuel proposé par le groupe, on sait que l’on va se diriger vers un Hard rock survitaminé. Mais dès le premier extrait « Live fast… », on est surpris de constater que les Français ne se limitent pas qu’au Hard rock basique, mais vont également vers un riffing Thrash provenant des eighties, ainsi qu’une certaine anarchie contrôlée. L’album tourne et les morceaux s’enchainent musicalement sans aucun souci. Mais oui, j’utilise le mot « musicalement », car le gros point faible de cet opus est le chant, beaucoup trop linéaire, voire irritant, et qui dénature au final les compositions plutôt réussies. On se retrouve avec du très bon (« Love madness », « Slinky Lingerie »), du basique (« Live Fast… », « Party With The Devil King… »), et du beaucoup moins bon (« Love is Dead », la faute à un chant ne correspondant pas du tout au morceau). The Hellectric Devilz a tout de même l’intelligence de clôturer sa plaque avec ce qui sera leur meilleur morceau « Fight as one », laissant au final à l’auditeur une impression positive. The Hellectric Devilz doit encore s’améliorer sur certains points comme le chant ainsi que les solos, mais possède déjà un solide niveau. « The Hellectric Club » n’aura aucune peine à se faire écouter autour d’un whisky entouré de coyote girls, et prendra une tout autre dimension sur scène, le style proposé étant avant tout taillé pour cette dernière. Album à recommander aux fans de Motörhead, AC/DC, Accept, Metallica et Turbonegro.

17.11.20 19:27

THE NATURAL DISASTERS - "Tormenta"

Écrit par

Avec un nom pareil, on aurait pu s’attendre à un  groupe d’indie rock bien sympatoche, ou alors, un du kepon bien vénère et caustique, mais il n’en est rien. Au contraire, c’est vraiment une petite perle sombre que nous livrent les danois pour ce premier album (un premier EP était sorti il y a pratiquement deux ans). C’est au demeurant un cas à part en termes d’obscurité, puisque les paroles ne font ni un étalage de dépression, ni d’une multitude d’horreurs. Et la musique elle-même ne parait pas lourde ou oppressante. Cela provient d’ailleurs, des voix peut-être. Il faut dire que ce duo masculin-féminin est particulièrement réussi, et on regrettera juste qu’ils n’apparaissent jamais ensemble. Pour l’aspect instrumental, on croirait entendre des relents post-rock (ou post-metal, pour les plus tatillons), tout en ayant un côté très pêchu, énervé… Clairement loin du profil contemplatif que l’on attribue souvent au genre. De quoi retrouver le côté goth ? Oui ! en atteste un titre tel « Mountain of Despair », très mégalo, presque cataclysmique. Alors qu’un titre comme « Lay Down » correspond plus à ce côté post-rock, plus tendre, lancinant… Nous accordant presque une pause, un instant d’accalmie en plein milieu de l’album. Presque… Car cela reste caverneux, lointain, quasi hors du temps et du monde. On traverse beaucoup d’émotions sur cet album, et ce dès le titre d’ouverture « Where’s The Thunder » qui pourrait presque passer pour un petit morceau de pop-rock des années 90 si ce n’était pour cette guitare éthérée, nous transportant ailleurs. Indubitablement, nous avons là un album réussissant l’exploit d’être créatif et original tout en étant accessible et agréable pour (pratiquement) toutes les oreilles. Si les « catastrophes naturelles » (Tormenta signifiant « tempête ») ne sont pas aussi abrasives que prévu, elles méritent amplement votre attention.

Pour la toute première fois de sa longue carrière, GWAR nous offre un retour en arrière avec une nouvelle édition de leur deuxième album. Trente ans déjà ont passé et s’il y a bien un album de la discographie du groupe qui mérite d’être mis en avant, c’est celui-ci ! Remixé par Chris Ronan Murphy et doté d’un nouveau mastering., l’ensemble reste très proche de l’original. Le trop d’aigu de base a pu être atténué et quelques rajouts datant des prises de son d’époque agrémente le tout. Ce disque est le classique par excellence pour tout fan du groupe. L’univers Gwar se dévoile totalement entre les titres percutants et ceux qui servent de fond pour le show scénique. La scène restera généralement la plus marquante de l’épopée GWAR et un titre moyen sur album prendra toute sa raison d’être en visuel. Mais dans les deux cas, cet album regorge de monuments qui seront toujours très prisés des inconditionnels lors des concerts. De « Maggots » à « Vlad The Impaler » en passant par « Horror Of Yig » il n’y a que des hits en puissance. Et puis, quel plaisir de se repasser le pourtant très basique « Sick Of You » et d’entonner ce refrain à tue-tête ! Que les Scumdogs profitent de cette réédition sans hésitation. Et que les autres rejoignent l’Antarctica comme esclaves sexuels !

15.11.20 12:27

TERRA ATLANTICA - "Age of Steam"

Écrit par

Si cela faisait longtemps que votre serviteur n’avait plus chroniqué de Power, il suffit d’en avoir entendu une fois dans sa vie pour remarquer que Terra Atlantica coche toutes les cases. Rien de neuf donc ? Pas vraiment… Mais rien de vraiment fade ou de mal-fait non plus, au contraire ! Oui, ça parle de mythologie en chant clair. Oui, ça offre des bridges aussi nombreux que techniques, où les riffs pleuvent. Et oui, il y a un côté délicieusement cheesy totalement jubilatoire. Et n’est-ce pas finalement en outre pour ça qu’on aime le Power ? On retrouve d’ailleurs moins le côté suédois et davantage l’école allemande, à la Blind Guardian ou Helloween. Logique. L’aspect théâtral, grandiloquent… presque classique qui s’en dégage. Même si Terra Atlantica semble varier les plaisirs en proposant parfois des titres plus hard, plus posés ou avec des atmosphères différentes (alors que le groupe continue d’imaginer l’Atlantide, cette fois-ci de manière anachronique, telle qu’elle serait au XIXe Siècle : certains titres ont plutôt une ambiance fantasy ou médiévale). Que dire de plus ? Pas grand-chose. L’album fait le café, le fait très bien et plaira assurément aux amoureux de bon Power bien fait. C’est varié, c’est technique, c’est épique, c’est lyrique… Le groupe aime ce qu’il fait et fait ce qu’il aime. Et on ne leur en tiendra pas rigueur, loin de là.

15.11.20 09:16

TARAH WHO ? - "64 Women"

Écrit par

Explosivement engagée, la musique de Tarah Who ? (du nom de la front-woman, pour la petite info) dispose de cet écrin de créativité permis non seulement par la sortie d’un premier EP (on se cherche toujours un peu plus qu’après vingt ans de carrière), mais aussi, et surtout par leur style de prédilection… qui choisit justement de faire fi des codes établis et de finalement proposer à peu près ce qu’on veut de musicalement intéressant et audacieux. Comme toujours, on ne prétendra ni que le groupe réinvente un genre entier, ni que ce qu’il soumet n’est que bouillie sonore. Au contraire, on sera flatté de constater qu’il est sans cesse possible de surprendre en empruntant des sentiers que l’on n’a plus foulés depuis longtemps, et que sur un seul et unique EP, on peut avoir des titres aux ambiances très marquées. « Copycat » est une petite bombe d’énergie, « Numb Killer » est un plaidoyer rageur tandis que « Hurt » se veut plus posé et émotionnel. L’ensemble révélant en tout cas l’intégralité des talents du duo. Car oui, il n’y a que deux têtes pensantes derrière le projet ! Mais elles sont très clairement d’une versatilité à toutes épreuves et d’une patate exemplaire. Ce premier EP a tout d’une carte de visite, sur presque tous les points : versatilité, puissance, habileté d’écriture et personnalité. Il n’est pas forcément facile d’accès, mais à défaut de se savourer comme une petite praline, on dira qu’il s’avale tel un shot qui retourne le bide. Faites-en ce que vous voulez !

14.11.20 20:07

STÄLKER - "Black Majik Terror"

Écrit par

Outch… Avoir l’impression d’écouter une parodie alors que ce n’est pas du tout le cas, c’est clairement une critique très rude. Et pourtant, on peine à trouver des éléments vraiment intéressants dans la musique de Stälker. Même ce qui n’est pas trop mal, comme les bridges ou les thématiques développées, me semble finalement assez convenu et sans éclat. Sur un album d’à peine neuf titres, on a souvent le sentiment que les morceaux sont relativement interchangeables, si ce n’est parfois pour une intro plus atmosphérique comme sur la plage tutélaire ou le côté pesant, presque lugubre sur « The Cross ». On aurait peut-être aimé un peu plus d’audace et de variété de la sorte, quitte à perdre un brin ce côté pétaradant et « speed » stricto sensu. Non pas qu’il ne soit pas agréable de se voir secouer dans tous les sens par la musique, mais un peu de diversité fait toujours plaisir. Pour moi, le gros point noir, qui passera forcément par plus ou moins de subjectivité, reste le chant de Daif… Une voix éraillée et tranchante est souvent de rigueur dans le Speed, et plus besoin de prouver que partir dans les aigus donne des résultats habituellement très convaincants, mais ici, cela devient rapidement lassant…  Et provenant d’un fan absolu de Judas Priest, ce n’est pas rien de le dire. Loin de nous l’idée de remettre en cause le talent brut du chanteur (tenir un album entier en hurlant de la sorte est déjà une prouesse des plus respectables !), mais moduler légèrement son style et faire preuve d’un peu plus de parcimonie dans l’utilisation des aigus serait un gros plus à l’avenir, peut-être justement, à réserver en tant que climax ? C’est finalement bien dans la retenue que brillent ces poussées de puissance après tout… On n’imaginerait pas tout l’album « Painkiller » hurlé avec la même intensité ! Un constat assez rude pour un résultat assez décevant, presque énervant… Notamment en rajoutant que chaque membre dispose d’une petite expérience au sein de groupes variés. Mais Stälker est encore très jeune, et un faux pas ne doit certainement pas signer le terme d’un projet au terreau convenable. Il y a de la place pour du Speed Old-School et les bases sont fixées. Plus qu’à trouver le bon équilibre entre hommage et recherche de sa propre identité.