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Chroniques (703)

Sachant qu’il est toujours compliqué d’occulter la moindre comparaison, la sortie d’un album de covers est un exercice d’autant plus ardu. Il s’agit ici d’un projet assez singulier développé par Joe Gagliardi, seul capitaine du navire Martyr Art depuis 2004. Il envisage en effet de sortir 4 EPs de la même trempe que ce deuxième opus. Pari réussi ? On saluera en tout cas l’audace de transposer en solo des titres tantôt oubliés ( « Love Like Blood »), tantôt que l’on aurait difficile imaginé « industrialisé » ( « Blinding Lights » de The Weeknd). Mais le constat est en demi-teinte… Les instruments manquent de patate et le chant d’émotion. On pourrait même, cyniquement, dire que sans la présence de quelques éléments electro, les morceaux s’éloignent assez de l’indus des grands maîtres que sont Ministry, Skinny Puppy, NIN… Un comble alors qu’il reprend un mashup de « The Perfect Drug» et « Gave Up » ! On dira au moins, non sans malice, que la saveur est en tout cas très différente, et c’est finalement ce qu’on recherche dans une bonne cover ? Elle ne sera pratiquement jamais meilleure que l’originale, et n’en a pas non plus la prétention. Elle cherche modestement à rendre hommage, et parfois… Sublime d’une tout autre manière un titre. On ne reprochera pas à Martyr Art d’avoir tenté le coup. Et si sa reprise du thème de Buffy Contre les Vampires (oui oui !) est un gage de son talent, alors ne doutons pas une seconde qu’il soit capable de grandes choses. Espérons surtout que ce quadruple EP ne se révèle pas être un projet trop gourmand.

Cinq ans après, Lord of the Lost présente le dernier volet de sa trilogie « Swan Songs III », sorti le 7 août dernier via Napalm Records (le premier et deuxième volet, sont sortis respectivement en 2015 et en 2017). Dans cet épisode, divisé en deux parties, le groupe s’est entouré de musiciens classiques et de leurs instruments : violons, orgue, harpe, viole ou encore contrebasse qui donnent une ambiance old-school et romantique, notamment sur le morceau « Unfeel ». On remarquera également le titre « A Splintered Mind », qui est une excellente entrée en matière avec sa longue introduction où la ligne de claviers se mêle à la voix grave du frontman, Chris Harms ; ou encore la chanson « Dying on the Moon », qui s’inscrit dans une sorte de style crooner. Ce premier disque offre également la reprise de « 4’33 », l’un des titres les plus emblématiques du compositeur John Cage. La deuxième partie est en réalité la plus variée, et propose de nouvelles versions des chansons des anciens albums. Cependant, l’entièreté de l’opus reste uniquement dans le registre mélancolique, et manque cruellement d’audace…

On a un peu près 45 minutes de musique calme et posée. L’album propose tout du long une ambiance particulière grâce à ses instruments qui semblent principalement souligner le chant et lui donner encore plus de relief. Il y a bien des moments pendant lesquels on entend que l’instru mais ça ne dure pas longtemps. Le chant est vraiment l’élément central. Tout ça crée une réelle harmonie de qualité et finalement, il n’y a rien à redire sur ce disque !

Pour qualifier le style, les termes envoûtant et calme sont les plus appropriés. Peu importe le passage, qu’il soit lent ou plus rapide, qu’il n’y ait que quelques notes ou que ce soit plus rythmé, le groupe installe une atmosphère du même type sans être redondant ou lassant. Certains thèmes se répètent, mais discrètement et en faisant toujours partie d’une harmonie impressionnante.

Bref : une vraie perle !

Gramma Vedetta, c’est avant tout une association de plusieurs genres de rock et de science-fiction. À propos de cet album dont l’enregistrement a commencé fin 2019, les trois membres du groupe ont déclaré : « Et nous avons écrit notre propre chanson de blues spatial à propos de cet étrange et continuel rêve lucide. ». Ils parlent ici bien sûr de la 4e chanson, « A Lucid Dream (Lockdown Blues) » faisant référence à la pandémie mondiale. Malgré leur univers visuel faisant référence à l’espace (je parle ici de leur pochette d’album, en plus de leurs déclarations à propos de cet album), je n’entends pas vraiment le côté « musique intergalactique » en toute honnêteté. Cependant, ce n’est pas un problème étant donné que cet EP est une réussite, malgré moi. Pourquoi, me direz-vous ? Par le côté rock psychédélique plutôt flagrant dans le morceau « Porthole », et le côté hard rock dans « Hangup My Boots »... Mais aussi et surtout par le mélange de styles (heavy, stoner, et psyché rock), additionné au fait que malgré leurs sources musicales d’inspiration reconnaissables à l’écoute des quatre titres de cet EP, c’est loin d’être une copie de celles-ci.

20.08.20 16:18

GEEZER - "Groovy"

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« Lourde, trippante et groovy ». C’est ainsi que Pat Harington, chanteur, guitariste de Geezer, et producteur de  "Groovy", qualifie la musique, d’obédience stoner, tendance bluesy, de ce disque. Difficile de lui donner tort ! Cette combinaison, bien souvent gagnante, produit des titres à l’efficacité immédiate. Tels sont par exemple l’inaugural "Dig" – cow bell, voix scandée et fuzz à gogo, solo aérien – et l’éponyme "Groovy"– mid-tempo tendance hard rock rehaussé d’un piano bienvenu –  deux morceaux gorgés de feeling et de groove.

Le power trio, à la basse jouissive, aux vocaux souvent en arrière plan, comme désabusés, alterne entre aspirations spatiales –  "Dead Screen Scroll" et ses bruitages SF, le début  d’"Awake" ou le planant, quasi instrumental, "Slide Mountain"– et attirance pour la lourdeur – "Drowning On Empty", les guitares du très rock d’"Atlas Electra", du Guns N’Roses  ralenti par une fumette bien trop excessive ? Ces deux faces coexistent la plupart du temps à l’intérieur d’une même composition.

Amplis Orange et volcans perdus dans un décor qui sent bon le champignon, la pochette donne une idée assez juste des chansons de cet album qui se termine par le long "Black Owl", sorte de stoner qui s’étire en une longue jam barrée.

20.08.20 16:17

ELDER - "Omens"

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Faisant un retour aux sons psyché des seventies, Elder nous ramène à l’essence même du flower power avec ses vibes colorées et apaisantes. Le quatuor américain nous fait voyager avec des sonorités d’une ère différente de celle dans laquelle nous vivons. Leur musicalité est un subtil et succulent mélange de doom, psyché et stoner. On pourrait naturellement faire une analogie avec les riffs de guitare tout à fait singuliers de leur prédécesseur Jimi Hendrix. Je tiens à mettre en lumière le troisième titre : « Halcyon » qui commence tout en douceur, pour ensuite glisser vers des sonorités plus rapides et cadencées, cependant toujours jouées en finesse. L’ingéniosité d’« Omens » se trouve aussi dans la diversité des instruments, tout comme les différentes ambiances sonores exploitées au fil des cinq chansons. Celles-ci nous transportent dans les expérimentations artistiques des cinq membres du groupe et l’écoute de celles-ci peut vous faire revivre de beaux souvenirs, ainsi que peindre un tableau dans votre esprit en fermant les yeux, sans omettre de laisser ces 54 minutes vous emporter.

20.08.20 12:39

DREADFUL HIPPIES - "Rover"

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Je remarque d’emblée des touches de rock psyché, de stoner rock et de heavy metal dans cet album. C’est un mélange réussi teinté de chaleur, à l’instar des discrètes notes mélancoliques qui l’agrémentent. Feu sur ce 4e titre, « Untitled », particulièrement intrigant puisqu’il alterne entre plusieurs sous-genres rock, une fois de plus. Il débute par une magnifique montée en puissance et fait planer le suspense quant à la suite de la composition du morceau. Ce 6e morceau, « Enter the blue » représente à mes yeux énormément de potentiel… Malheureusement ici pas assez exploité : faute de la durée du morceau qui s’avère trop courte et de façon injustifiée. Je ne pourrais pas parler de « Rover » sans parler de la 11e et dernière chanson: « Not Enough For You » qui fait en toute sincérité office de cerise sur le gâteau. Le but de nos quatre artistes parisiens à la musicalité travaillée (sans être barbante pour autant) est de nous emmener au large d’un voyage introspectif d’une personne qui prend conscience de ses émotions à travers ses expériences de vie et son environnement… Et c’est plutôt réussi!

20.08.20 12:38

DELTA TEA - "The Chessboard"

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On pourrait sans crainte qualifier ce premier de Delta Tea de véritable « OVNI » que ça leur ferait certainement plaisir ! Amoureux de science-fiction, ils présentent leur musique comme une bande-son de Space Opera Rock. Et on ne pourrait leur donner tort à l’écoute des sonorités cosmiques sur « Outro » et un côté presque synthwave sur la fin de « Share ». Pour autant, ce serait encore trop simple, eux qui entendent nous décrire toute une épopée par le simple biais de leurs instruments. Ces derniers vont dans tous les sens, presque littéralement, et chaque titre s’étire en longueur pour passer par presque tous les rythmes, toutes les émotions, toutes les techniques. Il s’agit d’une musique très riche, très complexe, mais aussi très étonnante. Les titres commencent souvent en douceur, pour finir avec fracas… Sonnant presque comme des thèmes grandiloquents de boss final d’un jeu vidéo proposant moult aventures épiques. Même la dégaine suave de notre quatuor surprend, tant elle laisse plutôt à deviner un univers victorien (certains diront Steampunk) plutôt que réellement SF. Leur artwork, le nom du groupe ou encore les titres de chacun des morceaux viennent parfaire l’ensemble, attestant de ce côté cryptique, étonnant, intriguant. Tout en proposant des titres qui filent malgré leur relative longueur. Une musique très facile d’approche tout en n’ayant rien de commun. On ne dira peut-être pas que Delta Tea s’invente un genre (ha ha), mais ils proposent en tout cas quelque chose de sacrément original, avec une identité marquée. Et ça, ça fait du bien.

Sorti initialement en novembre 2019 (selon les sources Bandcamp), Constellatia voit son premier album réédité via Season Of Mist. Et en voilà une idée qu’elle est bonne, car non seulement ce que proposent les Sud-Africains colle admirablement avec la politique du label, mais il faut avouer qu’il serait bête de se priver de ce « Language Of Limbs » qui recèle une certaine richesse. Fruit de la collaboration entre Gideon Lamprecht de Crow Black Sky et Keenan Oakes de Wildernessking, Constellatia officie dans la même catégorie que les projets initiaux de ses géniteurs, à savoir un post black atmosphérique et progressif d’une beauté certaine. Au fil des 4 plages de cet album, toutes liées entre elles, le groupe nous plonge dans un univers fait de mélancolie, d’obscurité et de mélodies, mais sans oublier la puissance. Cet album est, semble-t-il, l’illustration sonore de lourdes années endurées par les principaux membres du groupe et représente donc une solide catharsis qu’ils ont bien fait de partager. Dans un registre comparable à Wolves In The Throne Room ou encore Shining, Constellatia est une découverte particulièrement intéressante.

Le label Heavy Psych Sounds, qui abrite en son sein des groupes comme Belzebong, Ecstatic Vision, Mondo Generator et des artistes comme Brant Bjork, entre de nombreux autres tout aussi talentueux, lance une collection de splits consacrée au Doom. La paire Conan / Deadsmoke inaugure parfaitement cette série.

Les Anglais dégainent leur monstrueux "Beheaded" titre de 17 minutes, déjà paru en 2013 sur un disque partagé avec Bongripper. Une voix lointaine posée sur des guitares aussi lourdes que monolithiques et une section rythmique chtonienne forment une longue et lente procession vers un cimetière oublié. Les Italiens, quant à eux, proposent deux compositions inédites. Heavy et hypnotiques, teintées de touches sludge, elles sont traversées de brèves, et relatives, accélérations, de parcimonieuses mélodies. Les vocaux, là aussi, semblent masqués, comme une prière inquiétante que la musique s’efforcerait de taire. Délicieusement angoissant… Le deuxième volet des "Doom Sessions " réunira 1782 et Acid Mammoth ; chouette !