Faire vivre une expérience immersive et transformatrice aux auditeurs ? C’est l’objectif visé par Turtle Skull, groupe qui avant même de se faire connaître, avait déjà publié son premier album éponyme. Le processus d’enregistrement de ce dernier a provoqué un passage spirituel pour les membres du groupe, et a donné naissance à leur actuel et très respecté live show. Je vous propose de s’intéresser au titre de cet album qui désigne un monolithe ; bloc de pierre massif monumental de grande dimension, constitué d'un seul élément, naturel ou taillé, éventuellement déplacé. Il symbolise le principe de verticalité qui mène à l’homme, à la conscience. Je vous propose de nous diriger vers l’essentiel : leur musique. Les membres du groupe ont l’art de rendre leurs riffs presque tendres, tout en étant secs et pointus. La voix du chanteur quant à elle, a cette beauté cristalline capable de nous faire oublier que nous ne sommes pas dans un paradis imaginaire. « Monoliths » est le faisceau d’éclaircies dans un ciel couvert ou autrement dit : une caresse auditive.
C’est à 50 ans que Tommi Salmela alias TUPLE prend la grande décision de produire son premier album solo. Ce dernier est conceptuel et résulte de l’initiative du protagoniste à y faire participer ses amis musiciens. Il y parle de sa vie, les chansons sont semblables à une séance de projection de flashbacks. Après avoir fait partie intégrante de groupes comme Tarot, Lazy Bonez et Raskasta Joulua, c’est du haut de ses cinquante ans que ce finnois décide de sortir « Wooden Box ». C’est une sorte de quête spirituelle envers lui-même qu’il effectue en nous présentant les 11 titres qui s’y trouvent. Le point qui m’apparaît le plus décevant est la « sobriété » des morceaux, si je puis dire. Ils sont tous construits de la même façon, et racontent à peu près tous la même histoire. C’est nostalgique en étant vivant, mais on peut malheureusement très vite se lasser, car il n’y a pas réellement de surprises. Heureusement, la voix du chanteur est malgré tout indéniablement mélodieuse, en plus de sa maîtrise instrumentale.
Trepalium, qui signifie littéralement “travail” en latin, n’a en effet pas ménager ses efforts depuis le départ de KK, leur précédent chanteur; et offre un très bon nouvel opus, huit ans après leur dernier album “H.N.P.” sorti en 2012. C’est donc “From the Ground” qui signe le grand retour du groupe... Ce cinquième album propose alors des mélodies qui sont la subtile rencontre entre le groove et le death metal, le tout avec la voix très rock bluesy de Renato (arrivé dans le line-up en 2017) qui plaira aux fans de Pantera et Clutch réunis. Mais c’est “Feelin Cold” qui a le plus retenu mon attention, en effet puisque la chanson apparaît certainement comme celle qui se détache le plus des origines du groupe; ou encore le magnifique solo au bottleneck d’Harun sur “...To the Sun”. L’album entier nous plonge dans une ambiance jazz/swing de la Nouvelle-Orléans, cigare à la bouche et whiskey à la main; où les bretelles et les vestons sont de rigueur. En tout cas, une chose est sûre: Trepalium continue de faire groover les morts!
The Vice, trio suédois formé en 2012, nous livre avec son deuxième EP enregistré aux studios B.A.M. par Andy Bauman (Candelmass, Dissection, Hellacopters) un rock n’roll sombre et sinistre porté par du chant black. Bon point : le groupe maitrise à l’évidence leur style musical et possède un son et une ambiance qui leur est propre. Une fois passée l’intro peu intéressante, l’album commence en beauté avec « A Barren Land » et son riff lancinant et captivant puis enchaîne avec la chanson éponyme (et sortie en single) tout aussi réussie. Par la suite, l’intensité retombe à cause de la redondance du son et de l’atmosphère, cela malgré la sixième chanson « Cradle And To Ease » bien inspirée. Une certaine monotonie s’installe et il devient alors plus difficile de rester attentif au fil de l’écoute. La qualité est pourtant toujours au rendez-vous et d’aucuns parmi nous y trouveront leur compte. Il sera dans tous les cas intéressant de suivre les prochains opus de ce groupe au potentiel évolutif certain.
Une nouvelle sortie du trio est toujours une petite révolution dans le genre aujourd’hui teinté de nostalgie juvénile qu’est la pop-punk. En effet, ils aiment prendre leur temps entre chaque album et chacun ira de sa petite théorie pour l’expliquer : faire languir les fans, prendre le temps de peaufiner leur travail… Ou simplement l’envie de se reposer et de prendre le temps de faire les choses bien. Peu importe au final. L’idée reste que même en arrivant un peu sur le tard, The Lawrence Arms demeure un groupe représentant dignement le deuxième âge d’or du punk, plus commercial certes, mais toujours aussi pêchu et énergique. Et plutôt que de réinventer le genre, c’est presque sous des allures de best-of que « Skeleton Coast » débarque dans nos tympans. On croirait parfois entendre plusieurs chanteurs selon les morceaux ! Et c’est cette versatilité qui fait tout le sel de cette nouvelle mouture. Difficile de dresser des comparaisons entre « Ghostwriter », « Last Last Words » ou encore « Lose Control ». Le groupe nous transporte au sein de plusieurs atmosphères, plusieurs émotions. Et si on peut regretter un manque de grosse colère, ce qui se répercute aussi sur les thèmes de l’opus (plus poétiques que réellement revendicatifs), ça donne aussi un formidable contrepied à un genre qui gueulait tantôt sur l’oppression, tantôt sur les problèmes de l’adolescence… C’est que les punks aussi, peuvent faire preuve de lyrisme !
Formé en 2018, année durant laquelle il a sorti son EP « Universal Hate Speech » déjà chez Shadow Records, le duo polonais Terrestrial Hospice revient cette fois avec son premier véritable album sous le bras. Bien sûr, l’épreuve n’est qu’une formalité au vu du CV des 2 bougres puisque le batteur n’est autre qu’Inferno, cogneur chez Behemoth, et celui qui se charge du reste est Skyggen, apparu dans bon nombre de formations et notamment pour assurer des lives pour Gorgoroth, Aeternus ou encore Dead To This World. Autant dire que les camarades savent de quoi est fait un album de black metal et qu’ils appliquent la recette avec maîtrise. Seulement voilà, ils ne font que cela et n’apportent pas grand-chose de plus à un style déjà surchargé en albums de ce type. Musicalement, les 7 titres s’écoutent sans déplaisir et représentent un hommage de fort bonne facture à la seconde vague du black metal du milieu des années 90 mais il semble clair que cet opus serait peut-être passé bien en dessous des radars s’il n’avait pas pu capitaliser autant sur les noms des musiciens qui lui ont donné vie.
Délicieuse mise en bouche avec ce premier titre : « Gonna Let You Go », qui commence par un solo guitare idyllique à la Pearl Jam. À la première écoute, on se rend vite compte des racines 70’S-80’S telles qu’ACDC, Foreigner, ou encore Metallica. Vous remarquerez comme moi que ce boys band norvégien aime ajouter des touches électroniques à leurs morceaux. L’expertise des musiciens dans leurs instruments nous met la puce à l’oreille : le Rock n’est pas mort. Ces artistes nous font divaguer, au cours de 11 chansons, vers un petit bout de paradis qu’ils ont créé grâce à des sonorités ayant le don d’être délicates… Sans être fades ni ennuyeuses. Je vous propose qu’on s’attarde sur ce 4e titre plutôt (positivement) intrigant : assez rythmé, notamment par des riffs de guitare rapides, mais articulé subtilement pour concorder avec des sons artificiels par moments. Stoneflower, c’est typiquement le genre de groupe qu’on pourrait mettre dans une playlist pour les fins de soirées d’été, histoire de se détendre en faisant du bien à nos tympans.
Rituals, avec son deuxième EP, confirme son attrait pour la scène suédoise des années 90 ; c’est d’ailleurs le mythique Dan Swano qui a masterisé le disque. Dès lors, nulle surprise, mais une efficacité totale avec des mélodies bien trouvées, parfois mélancoliques, menacées par une voix d’outre-tombe, posées sur des riffs qui lorgnent vers le black, dans l’esprit d‘un Dissection.
Reste maintenant à confirmer sur la durée d’un album et à s’éloigner des références évidentes - Edge Of Sanity, At The Gates - pour afficher une personnalité plus marquée.
S’il fallait décerner un prix qui récompensait la vélocité, la technicité ou le nombre de riffs joués à la minute, les Canadiens de Protosequence tiendraient très probablement le haut du panier pour cette année tant le quatuor exécute son death ultra technique avec une facilité déconcertante, voire écoeurante, pour plus d’un musicien. Formé en 2014, le groupe propose ici son 3e EP via Lacerated Enemy Records. Il y a évidemment bien des choses à dire sur cette nouvelle pièce tant le savoir-faire transpire de chaque note exécutée avec une précision presque plus que chirurgicale et servie par une production presque trop propre pour être vraie. Tout d’abord, les 4 compères, s’ils se complaisent dans un style virtuose, ne semblent pas avoir oublié d’intégrer de la musicalité dans ce « A Blunt Description of Something Obscene » grâce à quelques parties plus aérées. Ensuite, bien que cela soit étrange, on a l’impression de palper l’amusement d’une bande de musiciens hors pair qui prennent un véritable pied à jouer leurs parties hyper chiadées. Enfin, le côté « plus carré que ça, tu meurs » absolument nécessaire dans le style est forcément bien présent et joue un rôle prépondérant dans la claque que se prend l’auditeur. Mais si l’œuvre en elle-même impressionne par la maîtrise dont font preuve les musiciens, il faut bien avouer qu’un tel déluge technique incessant donne très rapidement l’impression que l’album est interminable… Et qu’il se répète. Car non, malgré ses 8 titres et sa durée qui avoisine les 45 minutes, « A Blunt…. » n’est pas un album, mais bien un EP 4 titres (comme leurs 2 précédents sortis en 2016 et 2017) à la différence qu’ici, figurent les morceaux ainsi que leurs versions instrumentales. Avouons que la démarche est peu banale et que la question de son utilité se pose inévitablement, car ce n’est pas non plus comme si Protosequence offrait un style musical propice au karaoké. Le genre d’opus à ranger probablement dans la case des sorties réservées uniquement aux musiciens les plus aguerris.
Avec certains groupes, je ne sais pas quoi dire. Beaucoup gèrent le côté technique et il n’y a rien à redire là-dessus. Ici, c’est pareil. Pour la mélodie, c’est aussi souvent cohérent et bien mené. Pour celui-ci, c’est plus ou moins le cas : ça sonnait un peu brouillon par moment et parfois, le groupe donnait l’impression de ne pas savoir où aller. Reste un troisième point qui peut poser problème plus régulièrement : une personnalité ou identité qui fait ressortir la formation. Pour Paralydium, cet élément m’a complètement empêché d’accrocher. Je ne sens pas de patte propre et l’ensemble est assez cliché comme la voix du chanteur qui pourrait être échangée avec celle d’un autre du même type sans que ça se ressente vraiment. Précisons que c’est leur premier album et que le groupe va peut-être changer de cap ou cherche encore ce qu’il veut faire ressortir. Mais en l’état, « Worlds Beyond » est loin d’être indispensable, car on trouvera un genre similaire sur d’autres disques. Bref, la sauce ne prend pas, je trouve le tout trop plat.
C’est un album mitigé : une moitié est purement géniale et l’autre semble mal équilibrée.
Commençons par le positif : des instruments apparaissant ci et là, au chant qui prend une grande place, tout accroche. On avance sans temps mort avec, bien qu’ils se ressemblent, des morceaux loin d’être répétitifs. Cela semble venir de leur technique de jeu : un rythme rapide pour tout et à chaque seconde. Pour le chant, le chanteur pose sa voix et prend une place importante tout en s’insérant parfaitement dans l’ensemble.
Ce qui amène au point négatif : l’entièreté du disque aurait pu être de cette qualité, mais à plusieurs moments, le chant semble couvert par les instruments. C’est très frustrant car la sensation de passer à côté de quelque chose est palpable dès le départ.
Un titre coup de cœur : « The Mirror ».
Revoilà les arrogants satanistes d’Ofermod. Cette entité comprenant le très sulfureux Michayah Belfagor, au passé carcéral bien empli, porte une véritable congruence dans sa dévotion au malin. Plus surprenant, dans la grande famille des chroniqueurs de la musique extrême, il n’y a jamais eu véritablement de consensus lorsqu’il s’est agi d’évaluer la qualité musicale du groupe. On aime ou on n’aime pas. Pour ma part, j’assume pleinement le fait d’apprécier le travail du groupe depuis le magistral EP « Mystérion Tés Anomias ». Et à l’écoute de ce 4e opus de leur carrière longue de 24 ans, je ne suis pas prêt de bouger ma position. D’emblée, « Persisting to Die in Thee » se laisse apprécier par un riffing assez mélodique qui peut vous faire penser au titanesque Morbid Angel de la meilleure époque sans être dans ce style. C’est propre, le son est bon, ça suinte la possession. « Tiamtü » nous plonge dans un espace nettement plus langoureux teinté de vieux thrash. Chivah maltraite ses fûts pour notre plus grand plaisir tandis que Moloch brille de tout son chant dans les ténèbres musicales. Sur « Unfolding Paradow in Final Redemption », on peut apprécier le jeu énergique de basse de Tehom qui pose une chape de plomb sur le joli riffing guitaristique de Belfagor. Je me rappelle alors de la griffe orthodoxe qui était nettement présente sur l’excellent album « Sol Nox ». Je retrouve moins cette ambiance, ayant l’impression de camper dans une aire plus old school mais rondement menée. Sur le très bon «The Becoming of Pentagrammaton », le jeu de guitare offre une mélodie accrocheuse qui suit un encadrement rythmique judicieusement placé. Sans doute y en aura-t-il pour ne pas trouver de transcendance dans un morceau ayant de faux airs d’une base du style… Mais force est de constater que la sensation est là. Le groupe envoûte et vous entraine dans son atmosphère obscure. Ofermod sait aussi ralentir la cadence tout en gardant une certaine puissance à l’instar d’« A Man-like God » qui nous immerge dans les années 80’s. « The Seventh Temple » revient dans un registre nettement plus black et teinté de peps maitrisés. Oserions-nous croire qu’une forme de maturité envahit notre quatuor ? C’est le sentiment qui se dégage tout au long de l’écoute. Il y a comme une sorte de consolidation de l’expérience artistique qui se retranscrit dans une harmonie générale. L’album se termine sur le très bon morceau qu’est « A Likeness to Yah », dynamique, mélodique, incisif. Il est certain que ce petit bijou présente un haut potentiel de chauffage de Pit. Au final, Ofermod a réalisé un bon travail et est parvenu à créer 2 superbes hits qui rendent à cette œuvre un caractère assez attractif au vu des autres compositions qui restent très correctes. J’ai donc hâte de lire l’avis de mes confrères autant que de découvrir sur les réseaux sociaux si vous avez eu cette même sensation de force tranquille… je n’oserais dire de « sagesse ».
En règle générale, une sortie estampillée Klonosphere annonce qu’on se promènera hors des sentiers battus. Ce postulat se vérifie encore ici avec le second album des Parisiens de Nord. « The Only Way To Reach The Surface » se joue des codes pour amener l’auditeur dans un univers musical d’une bluffante richesse. Voyageant avec une aisance incroyable parmi une vraie collection de styles, le groupe semble mettre ses influences en avant, mais en n’oubliant pas de montrer qu’il les a très bien digérées tant l’ensemble paraît superbement cohérent. C’est ainsi que tout au long des 9 titres, on passe comme si de rien n’était d’une électro vintage au mathcore via des parties black, pop ou encore jazz expérimental. Mais toujours avec cette ambiance lourdement propre (ou proprement lourde, c’est selon) servie par l’excellent travail de production de Clément Decrock du Boss Hog Studio (Morpain, General Lee…). Bien sûr, tout cela ne serait rien sans un travail musical titanesque en amont. Et le quatuor en est conscient. Sa maîtrise instrumentale en témoigne notamment avec une section rythmique délivrant un groove impeccable rendant parfaitement justice aux compos. Une solide découverte donc.
Que ce drôle de melting pot de genres ne vous effraie pas : il est finalement assez peu explicite sur ce que représente vraiment le nouveau projet de Jaani Peuhu, déjà bien rodé grâce à ses groupes Iconcrash et Swallow The Sun. Fort de ces expériences, et de son propre aveu, il envisage de proposer sa propre version d’un « nouveau Doom » avec Mercury Circle. Pari réussi ? Carrément ! Même si on retrouve davantage d’éléments de post-rock que de synth proprement dit (ne vous attendez pas à du Perturbator, ni à du doom hyper lourd et macabre !). Seul le chant nous rappelle que nous ne sommes pas dans du post-rock stricto sensu. L’album commence, quant à lui, de façon mystique, presque hors du monde, avec « Oil of Vitriol »… avant de s’emballer sur le dernier tiers du morceau. Le titre suivant, « The Beauty of Agony », est plus bavard, mais tout aussi grandiloquent, tandis que « Black Flags » propose une accalmie des plus mélancoliques, presque trip-hop en vérité ! Sans doute le titre le plus surprenant de l’EP. « The Last Fall » aurait pu, bien justement, être le morceau de clôture avec son rythme lancinant, mais il précède en réalité « New Dawn » au titre presque antonyme, pour une atmosphère et une construction somme toute similaire. Une belle petite collection qui vous tiendra en haleine près d’une demi-heure (et oui, on parle de morceaux assez longs et structurés !) Mentionnons pour finir l’artwork de l’EP, aux airs un peu vaporwave et qui doit être du plus bel effet en format physique. Une très agréable surprise !