Chroniques

Chroniques (703)

20.06.21 10:52

LA NAUSÉE - "Battering Ram"

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One man project mené par le Gantois Jelle de Bock, La Nausée nous arrive avec un premier EP quatre titres en guise d’échantillon de ce que propose le bonhomme. Si l’ensemble des descriptifs qu’on peut trouver par rapport au style musical proposé annonce un projet sludge, nous nous permettrons ici d’être un peu plus nuancés. En effet, si de gros relents de riffs un peu boueux se font entendre, les rythmiques cliniques et l’utilisation d’une certaine dose d’électronique font que La Nausée tâte d’autres terrains comme ceux de l’indus, du rock metal voire du metalcore, le tout avec un chant assez étrangement en arrière-plan du reste dans le mixage. Si le mélange n’est pas inintéressant sur le papier, il gagnerait peut-être dans les faits à être plus cadré si l’on peut dire puisqu’on sent que les idées y sont, mais celles-ci peinent malheureusement à convaincre. Par contre, pour ceux qui seraient désireux de découvrir ce projet en format physique, sachez que cet EP sort en formats CD et cassette des plus présentables.   

Je l’avoue : je suis passé par un grand enthousiasme et son contraire en zieutant les infos liées à ce jeune groupe parisien. En repérant « punk » et « français », je me suis mis bien sûr à imaginer un hommage nostalgique aux groupes mythiques du genre comme Les Shérifs ou Parabellum. Puis à la vue de « pop punk à l’américaine », c’est plutôt un frisson qui m’a courbé l’échine : si le genre paraît sans doute moins ringard à la génération à laquelle j’appartiens, il s’est aussi plus rapidement essoufflé, semblant avoir tout dit aux portes des années 2000. Mais le résultat est, finalement et heureusement, plutôt dans l’entre-deux : oui on est sur du pop-punk assez classique et référencé, mais le résultat est fait avec plein d’énergie et de bonnes intentions. Il y a bien sûr certains éléments avec lesquels j’ai désormais un peu plus de mal, notamment les thématiques toujours très adulescentes et tournant souvent autour de l’amour blessé et du mal-être. Pas de chance : l’EP en est truffé. Mais il s’agit d’un défaut, somme tout, subjectif. Qui plaira sans doute à un public moins lassé par ce type de textes larmoyants. Musicalement parlant, par contre, aucune réelle raison de se plaindre tant le groupe mise sur de l’adrénaline et du speed qui ne rechignerait pas à apparaître dans un jeu vidéo sorti en début-2000 (il s’agit souvent d’un mètre étalon pour qualifier le pop-punk à la saveur nostalgique et vivifiante !). Et nul doute qu’il s’agit là d’une des inspirations du groupe également, tant leurs codes semblent tributaires des pionniers (jusqu’au nom de leur album et du groupe d’ailleurs… L’illusion est parfaite !). Et c’est sans doute comme cela que l’on pourra les résumer au mieux : en guise d’offre pop-punk, le cahier des charges est plus que rempli ! Les jeunes Parisiens peuvent se targuer d’émuler mieux le panthéon américain que certains groupes US eux-mêmes. Je n’en suis pas client à outrance, j’ai passé cette période pour aller dans le recueil plus ouvertement politique ayant précédé le raz-de-marée pop-punk. Mais il serait injuste de les pénaliser pour des raisons aussi puériles et personnelles. Ce qu’ils font, ils le font bien et avec un peps d’enfer. Pour les amoureux du genre : régalez-vous ! Et pour ceux qui veulent retrouver leur jeunesse pendant une vingtaine de minutes, écoutez-les aussi !

20.06.21 10:47

LORD OF THE LOST - "Judas"

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Les Allemands de Lord of the Lost reviennent avec leur septième album « Judas » qui succède à « Swan Songs III » sorti en 2021. Divisé en deux parties nommées respectivement « Damnation » (CD1) et « Salvation » (CD2), ce nouvel opus compte alors vingt-quatre chansons qui nous replongent et qui relancent le débat millénaire entre le bien et le mal ; avec notamment un thème central axé sur Judas Iscariot (connu pour être le soi-disant Évangile de Judas), mais avec un regard différent sur l'histoire que celle racontée dans la Bible et le Nouveau Testament. Les paroles évoquent donc, un Judas meurtrier, mais aussi un Judas rédempteur ou encore un Judas martyr actuel, en montrant des facettes à la fois sombres et lumineuses, mais également les zones grises du récit. « Priest » ouvre le bal et met directement en place une sorte de leitmotiv (un motif musical répétitif qui revient plusieurs fois dans une œuvre) qu'on retrouve régulièrement et qui permet de construire un fil conducteur, mais surtout de le suivre malgré le changement de disque.Tout au long de l'écoute, on distingue le son fuzz des guitares (« Your Star Has Led You Astray » et « Born With a Broken Heart »), des notes de piano ou d'orgue (sur « Death Is Just a Kiss Away », « My Constellation » et sur « Work of Salvation ») mis en valeur par la voix si douce et particulière du chanteur Chris Harms et des chœurs, qui permettent alors de maintenir un équilibre dans les voix. Tandis que Lord of the Lost, fait partie de ces groupes qui ne se contentent pas de resservir la même soupe, on sait aussi qu'ils savent mettre à profit leur force créative au service de leur musique en surprenant continuellement son auditoire, et « Judas » confirme une fois de plus ce constat. Bien que les deux disques soient issus du même opus, une légère préférence se dégage pour le côté un peu plus atmosphérique apporté par ce premier chapitre : je choisis donc le côté obscur avec « Damnation ».

20.06.21 10:44

GWAR - "The Disc With No Name"

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Pendant cette période pandémique, un grand nombre de groupes sortent de leurs carcans pour nous offrir de quoi patienter. Gwar, lui, sort simplement d'Antartica pour nous enregistrer quatre versions acoustiques de titres déjà bien connus de leur répertoire. Le récent « Fuck This Place » devient une country song assez fun alors qu'un « I'll Be Your Monster » sonne très AC/DC époque Bon Scott. Malheureusement, vu le peu de titres présents, seuls ces deux-ci apportent une belle différence avec les originaux. « The Road Behind » et « Gonna Kill You » chantés à l'époque par notre regretté Oderus étant des titres déjà calmes à l'origine sont ici respectés quasiment à la lettre. Cet EP est à prendre pour ce qu'il est, une petite récréation qui fait du bien, qui permet de patienter. Mais depuis quatre ans, nous aurions été en droit d'espérer un peu de nouveauté. Sachant que les albums du groupe ne servant que de prétexte à pouvoir partir en tournée et à nous présenter des shows plus fous les uns que les autres, vivement un retour aux tournées pour avoir un nouvel album à se mettre dans les écoutilles.

22.05.21 19:54

EXORCIST - "Nightmare Theatre"

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Si je dois être tout à fait franc, j’ai cru que j’allais tomber sur le groupe polonais du même nom en choisissant cette ressortie de l’unique album d'Exorcist. En effet, les deux groupes sont nés dans les années 1980, les deux font du thrash, et les deux n’ont sorti qu’un unique album. La différence étant que les Polonais ont sorti le leur assez récemment (en 2014… Tout de même vingt-huit ans après leur formation !) tandis que l’Exorcist qui nous intéresse ici a sorti un CD en 1986, l’année de leur formation, avant de directement se séparer… Et pour cause : il s’agit en fait d’un projet annexe des gars de chez Virgin Steele, un audacieux one-shot qui sort totalement des sentiers battus. Pour l’anecdote, cette même fine équipe a sorti la même année le seul album d’un groupe dénommé « Original Sin » qui, sous couvert d’un quatuor de femmes, a en fait été écrit et enregistré par les mecs de Virgin Steel… Une sacrée histoire qui mériterait d’être approfondie ! Et c’est totalement pour ce genre d’idées saugrenues que j’adore le monde de la musique. Mais pour l’heure, tâchons de savoir si "Nightmare Theatre" vaut le coup.

Et bien tout d’abord, il est important de noter deux choses : la première est qu’il s’agit assurément d’un concept-album. La thématique est sombre et macabre, et se place comme un évident hommage au film de William Friedkin (et aux nombreux clones qui l’ont suivi, sous fond de possession démoniaque et de châtiments divins). Le concept est un peu éculé aujourd’hui, mais à l’époque et surtout dans le thrash, ce n’était guère commun. La deuxième est qu’il y a de gros éléments de black dans la galette, en bon contemporain de Venom qui sévissait depuis une paire d’années. Cela va bien entendu des thèmes abordés à la voix choisie. Sachant qu’encore aujourd’hui, les groupes de black thrash ne sont pas la norme, et les bons groupes encore moins, c’est tout de même plutôt plaisant. D’autant plus provenant d’un groupe si éphémère aux membres n’ayant pas forcément la réputation d’opérer dans ce registre.

Là où le bât blesse cependant, c’est dans la construction, la structure des morceaux. Celles-ci sont généralement plutôt efficaces et bien fichues, rien à redire sur leur qualité intrinsèque. Ce qui est plus gênant, c’est qu’elles se ressemblent beaucoup, au point de lasser au point de 3-4 titres répétant la même formule. Et même si je suis généralement assez client des refrains simples, mais entraînants… Difficile de ne pas froncer les sourcils quand la quasi-totalité de ceux-ci se résume à gueuler le titre du morceau en boucle. C’est dommage parce que sur les interludes, il y a quelques bonnes idées d’ambiance, de « mise en scène ». Que ce soit le feu qui crépite sur « Consuming Flames of Redemption » ou les voix qui s’élèvent lors du procès de « The Trial ». Et que dire alors de la chanson « Spin Your Head Around Backwards » qui n’est pas seulement une évidente référence à la scène la plus mythique du film susmentionné, mais aussi une idée stupidement géniale d’inverser les paroles et l’instru ! Cela en fait un titre pas forcément agréable à l’oreille, mais dont l’idée épate, assurément.

En bref, cet album n’a rien d’incontournable musicalement parlant. Il a quelques bonnes idées et des titres qui valent leur pesant de cacahuètes, mais rien qui ne transcendera le fan aguerri de thrash. Ce qui le rend vraiment intéressant, c’est finalement davantage son background et sa thématique poussée à fond. Parfois, c’est nettement plus que ce à quoi on s’attend de la part d’un album. Il mérite son écoute, quitte à ce qu’il retourne dans les limbes du temps une fois cette expérience particulière ressentie !

22.05.21 19:48

LAST ADDICTION - "Inner abyss"

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L’an dernier, le premier EP de Last Addiction fut une belle surprise. Tout droit sorti des « Terres froides », le combo revient cette fois avec un album intitulé « Inner abyss ». Lyriquement toujours inspirés, les Français nous parlent cette fois des quelques théories, dont la collapsologie, qui prédit la fin de notre modèle de civilisation, et la nature du genre humain en totale perdition. Musicalement, on a toujours affaire à un hybride. La base est un heavy-metalcore où le maître mot serait « mélodique ». L’alternance de chants clairs et gutturaux vient renforcer le style proposé. Les deux morceaux que sont « The skin on my bones » et « Between two worlds » en sont les meilleures preuves. Viens ensuite le moment où Last Addiction joue avec les éléments du genre « metal » et « rock » afin de varier au maximum ses compositions. « The temple » et son bridge acoustique rappelant Staind, les structures et rythmiques très Gojira sur « Welcome in my badland » ou encore le post dark mélancolique « Demons on your shoulders – Part. II » durant lequel s’entremêlent un beau piano ainsi que des blasts… Autant d’éléments qui tiennent en haleine l’auditeur durant l’intégralité de l’écoute de « Inner abyss ». Mes deux coups de cœur seront « The red tape », dont le rock sombre et épique se révèlera efficace et parfait pour une bande-son de film apocalyptique, ainsi que « Falling in hell with you », morceau ultra direct et brut de décoffrage, qui pourrait être tout droit sorti du meilleur album d’un Killswitch Engage ». « Inner Abyss » est donc un album qui peut sembler simple, mais qui est au final parsemé d’une multitude de subtilités, le rendant addictif, et qui fait de Last Addiction un groupe à suivre de très très près.

09.05.21 20:53

ENSANGUINATE - "Entranced by decay"

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Formé en 2020, Ensanguinate nous balance son premier EP « Entranced by decay » contenant quatre titres initialement sortis de manière indépendante l’an dernier et distribué uniquement dans leur propre pays. Récemment signés sur le label Emanzipation Productions, les Slovènes ont maintenant l’opportunité de faire connaitre ce premier opus au plus grand nombre. Ensanguinate pratique un death metal bien old school, celui de l’époque où le death et le thrash étaient très proches et où seuls les styles de chants ainsi que les thèmes abordés permettaient de différencier les formations. Le chant guttural caverneux, limite black metal, vient définitivement placer le groupe dans la catégorie la plus extrême, proposant une musique les plaçant entre Possessed et Nihilist. Les morceaux « Ghoul presence », « Hunted » et « Untented graves, scattered remains » prouvent la dévotion au style death black old school sombre, sanglant, putride et baveux. On pourra toutefois se réjouir de retenir également comme influence Morbid Angel, dont la lourdeur typique se fait ressentir sur « Pit of Ash », troisième plage de cet EP. Avec « Entranced by decay », Ensanguinate ne révolutionne rien, mais réussit une entrée par la petite porte dans la scène death metal européenne. On attend maintenant la suite… 

Cette ressortie d’album ne pouvait que difficilement mieux tomber, avec le décès en mars dernier du très productif, créatif et éclectique Neil Merryweather. Actif pendant plus de cinq décennies, plutôt avant-gardiste, flirtant avec le gratin des 70s tout en continuant son bout de chemin au point de sortir encore quatre albums entre 2018 et 2020, l’album « Space Rangers », l’un de ses plus connus, et issu de sa période la plus riche et fastueuse. De quoi en faire un hommage parfait, pour un artiste souvent éclipsé par ses contemporains.

Première pensée en finissant l’album : le space rock, ça avait tout de même du bon. C’est dommage que la fantasy soit toujours aussi populaire dans le rock et assimilé (surtout dans le heavy, le folk et le power, soyons francs) alors que la science-fiction semble être restée au siècle dernier, même si ça englobe tout de même au moins quatre décennies entre les années 1950 et 1990. On a bien la synthwave et ses sous-genres pour nous faire un peu rêver de machines et d’extraterrestres, mais cela s’arrête ici. Heureusement, Merryweather et sa bande sont là pour nous rappeler qu’il y a une époque pas si lointaine où les étoiles et le cosmos étaient encore en vogue pour nous faire rêver. Avec un goût aujourd’hui kitsch qui à l’époque devait être le summum de la technique et du bruitage. On parlerait aujourd’hui de « neo-retro » pour qualifier ce qui s’apparente à la bande-son d’un film familial un peu cheapos prenant pour cadre l’espace.

Seconde pensée : les albums composites sont tout de même vachement bien. Tant pour découvrir un artiste que pour explorer de nombreuses facettes et ne jamais succomber à l’ennui. Un peu cliché ? Peut-être, mais c’est tellement agréable d’écouter la première moitié de l’album et d’avoir l’impression de ressentir des émotions contrastées et des atmosphères, voire des scénarii sans vrais liens entre eux, si ce n’est l’esprit fantasque de leur créateur. On comprendra que certains préfèrent les albums avec un début et une fin, dont les morceaux forment un tout cohérent et qui s’enchaînent avec aisance. A titre personnel, la préférence va au contraire aux albums surprenants, qui peuvent partir dans un sens puis dans l’autre. J’en prends pour exemple le titre ouvrant le disque : « Hollywood Blvd » et son parfum de mélancolie. Il est suivi directement par le nettement plus positif « Step In The Right Direction » dont les paroles semblent donner une leçon de vie accompagnée d’instruments résolument funky …  S’en suit « Eight Miles High », aux relents plus psyché avec une basse survitaminée. « King of Mars » rajoute un côté mélancolique, mais davantage typé ballade, et semble tout droit sortir de l’album « Sad Wings of Destiny » de Judas Priest… alors qu’il est de deux ans son ainé ! Sa montée en puissance et son bridge sont particulièrement savoureux. Autre comparaison ? Le titre suivant « Neon Man » fait penser à The Who, et plus particulièrement l’intro mythique de « Baba O’Riley ». On ne va pas tous les faire, mais l’essentiel c’est que chaque titre apporte sa pierre à l’édifice et permet d’avoir un album où chaque titre peut avoir le pouvoir de vous captiver, même si les deux précédents n’ont pas fait mouche.

Cette critique demeure très éparse et je m’en excuse. Mais il fallait bien ça pour rendre justice à un album qui lui aussi est très polymorphe. À la fois profondément ancré dans son époque et manquant terriblement aujourd’hui. Et qui rajoute le parfum un peu triste de l’hommage imprévu, de l’ultime cadeau d’un artiste que l’on découvre bien trop tard. Mais comme le dirait si bien mon paternel : « peu importe l’âge d’une œuvre, elle paraitra toujours neuve lorsqu’elle nous était jusque-là inconnue ».

Serez-vous étonné d’apprendre qu’il s’agit d’un opus post-rock, à la vue d’un tel nom de groupe et d’album ? Sans doute pas trop, pas plus qu’en voyant la durée des cinq titres proposés sur la galette. On pinaille, on taquine, mais ce quatuor distille les influences non seulement post-rock, mais aussi doom et stoner depuis une grosse décennie maintenant, et leur relative discrétion rend d’autant plus savoureuse la découverte de leur travail. Chaque opus est un peu différent et mise davantage sur l’un des trois ingrédients du cocktail (même si les deux autres ne sont jamais bien loin !) et on peut s’attendre systématiquement à du nouveau son (presque) tous les deux ans, avec un petit bonus sous forme de remaster de leur premier bébé en octobre de l’année dernière. Dernier élément très accessoire, mais notable, ces braves gens viennent de Roumanie et tout porte à croire qu’ils sont non seulement les premiers artistes de ce pays que je chronique, mais aussi les premiers dont j’écoute la musique, tout court. De quoi donner l’envie de se pencher davantage sur une énième scène bien trop peu reconnue et qui recèle, peut-être, de pépites telles que Methadone Skies.

De cette intro élogieuse, vous retirez certainement un portait plutôt positif, et finalement assez commun à mes chroniques du genre (que voulez-vous, j’aime les titres oniriques…). Il serait bien difficile de le nier : j’ai été charmé par ces cinq morceaux exemplaires, très contemplatifs et jouant davantage avec l’ingrédient « post-rock » pour le coup (désolé pour les plus metalleux : les titres sont ici lumineux et aériens !). La plage tutélaire, débutant l’album, est une fameuse aventure de près de dix-huit minutes de long ! Alors qu’aux alentours des neuf minutes, on attend une longue et lente outro cosmique qui n’en finit plus, les derniers instants du morceau s’alourdissent et prennent une allure pesante et oppressante… De quoi injecter un peu de doom dans cet album ! « Infected by Friendship » retourne vers une mélodie nettement plus douce et captivante, prenant une tournure épique dans sa deuxième moitié. « The Enabler » suit avec une rythmique nettement plus marquée et monotone, où batterie et guitare tronçonnent cette fois pendant pratiquement toute la durée du morceau. On doit dire que les quelques secondes de percussions tribales du début auraient gagnées à rester plus longtemps pour rajouter un peu de couleur au titre. Le prochain titre prend le total contrepied en alternant les ambiances et les rythmes de nombreuses fois : on débute en retournant vers la douceur et le contemplatif pour « Western Luv’ 97 », mais pas pour bien longtemps, puisque la machine s’emballe et donne des allures de doom-stoner plus marquées, les deux salles ne se mélangeant jamais vraiment pour au contraire toujours se tirer la bourre, comme pour jongler entre ce côté rêveur et au contraire nettement plus mélancolique et lourd. Enfin, « When The Sleeper Awakens » propose une guitare plus cradingue, presque punk ! La batterie aussi est plus franche, allant bien avec le tranchant de la guitare. Le tout s’achevant de façon lente et lourde, comme pour boucler ce chapitre sans toutefois concéder la moindre force à ce récit dantesque.  Bref, ce nouveau bébé est un vrai petit bijou qui place Methadone Skies au centre de la carte du post-rock (comme quoi il n’y a pas que les Italiens !) et il nous tarde de replonger dans leurs quatre premiers opus… et d’attendre fébrilement le prochain, que l’on présume voir sortir d’ici une paire d’années !

01.05.21 20:06

ZOUO - "Agony Remains"

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« Un joyeux bordel ! », voilà comment on pourrait qualifier cet album-hommage à Zouo. Et c’est plus un compliment qu’une tare dans ce cas précis. En effet, après ma précédente critique du nouvel album de S.H.I., dernier bébé de Cherry Nishida, il paraissait de rigueur de revenir aux sources en tendant une oreille attentive à cet opus « bonus » sortant en même temps chez Relapse. Et on vous avertit tout de suite : oui c’est plus crasseux, oui c’est plus brut, oui c’est plus bricolé. Cet album, taillé comme un patchwork, n’a pas la maturité, la maitrise ou même la simple qualité technique de son tout jeune confrère. Mais il serait également injuste de les comparer outre mesure : Zouo est non seulement un projet plein d’enthousiasme juvénile et d’expérimentation fébrile, mais aussi un groupe datant de plus de trente-cinq ans ! Prenons donc davantage cette créature chimérique pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une relique, une capsule temporelle vers une époque et un lieu auquel nous, Européens, n’étions pas forcément familiers.

Autre mise en garde d’importance : « seuls » les six premiers morceaux de la galette sont d’un enregistrement convenable et même « classique », et proposeront alors un confort d’écoute plus que correct. Le chant paraitra totalement différent à ceux qui connaissent le travail de Nishida sur S.H.I. : on se trouve ici vers quelque chose à la croisée des chemins entre les Ramones et les balbutiements du Black (pas réellement une coïncidence : c’était l’époque, d’autant plus au Japon !). On s’amusera d’ailleurs de la prononciation des refrains, ressemblant parfois à de drôles d’onomatopées, mais beuglés avec une telle énergie qu’on se prend directement au jeu ! On appréciera aussi la pluralité des idées vis-à-vis des sonorités, même si par moment on aurait apprécié certainement davantage l’un ou l’autre titre avec un rien d’effets en moins, justement pour que les instruments paraissent moins « étouffés » et que les morceaux respirent davantage. Mais ce côté plus foutraque et pétaradant a aussi du bon, et cette fusion ressemblant justement à du « black thrash » des débuts fait vraiment plaisir.  Après, le côté thrash ressemble plus à du punk rock tout de même (surtout sur « Frustration » ou « Bloody Master »), tandis que la dimension black s’arrête au chant caverneux et aux thèmes des morceaux (« Fuck the God » ou « Making Love With Devil »). Mais cela fait malgré tout une intéressante amalgamation, qui ne plaira pas à tous, très clairement, mais qui a le mérite d’être faite avec les meilleures intentions et avec un fun des plus plaisants.

Le reste de l’album amplifie les côtés « patchwork » et « joyeux bordel » que j’évoquais plus haut. Il s’agit en effet de neuf titres, divisés en trois lives différents. Cela donne donc des atmosphères différentes, des qualités de prises de son différentes, et bien sûr des titres différents également. Certains font partie des six chansons en tête d’album, d’autres sont uniques et représentent peut-être la seule occasion de réentendre ces morceaux balayés par les sables du temps. Tant pis si la qualité est plus que sommaire : tel un spéléologue retrouvant un bout d’os non identifié, on aurait du mal à trouver quoi en faire pris séparément. Mais en y associant le bon contexte et les bons éléments annexes, cela prend tout son sens.

Comment clôturer cette critique ? Sans doute en énonçant clairement à qui cet album est destiné : aux curieux. À ceux qui ont découvert Cherry Nishida avec S.H.I. et en veulent encore plus. Aux profanateurs de sépultures, prêts à déterrer des pépites d’un monde qui nous est presque entièrement inconnu. Sans doute que pour le commun des mortels, cet album très brut à la qualité sonore bancale ne sera pas une expérience inoubliable. Mais nul doute que pour le passionné, il représentera un vrai trésor.