Chroniques

Chroniques (703)

La production de Sodom de ces dix dernières années est aussi prolifique qu’inégale. Il s’agit en effet déjà de leur deuxième EP cette année. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils se montrent plutôt avares sur cette nouvelle galette, avec seulement cinq titres dont seulement trois inédits. S’il est toujours plaisant de réécouter Agent Orange et sa critique aussi fracassante que pertinente de la guerre du Viet Nam, cela reste un titre vieux de trente ans… De même, si la version live de « Bombenhagel » n’enlève rien à son refrain tonitruant, les fans du Big Four allemand connaissent le morceau par cœur. Les morceaux restants ne sont pas foncièrement mauvais, mais ils n’ont que très peu d’éclat en comparaison des deux autres. On ne peut pas souhaiter ravoir un « Ausgebombt » et en même temps cracher sur la nouveauté, mais force est de constater que le reste ne suit pas. Certes le titre éponyme propose une descente de riffs sympathique, mais trop vite expédiée. « On your Knees » propose un bridge maous, précédé par un passage en mid-tempo freinant totalement nos ardeurs. Pas évident d’enchaîner deux morceaux de plus de cinq minutes à un rythme effréné, mais on aurait apprécié qu’il soit mieux amené. Seul « Genesis 19 » sauve vraiment la mise, avec son intro qui commence merveilleusement, avec des sirènes, des riffs bien lourds s’enchaînant sur un combo percu/cordes sous adrénaline. Si lui aussi se voit pollué par un interlude mid-tempo dispensable, la première moitié du morceau résume tellement l’essence sauvage du quatuor (dont seuls Tom Angelripper et Frank Blackfire peuvent se targuer d’avoir connu leur âge d’or). Ni vraiment destiné aux fans, ni suffisamment riche que pour faire découvrir Sodom à la jeune génération, cet EP est malheureusement très dispensable.

28.11.19 10:51

ALCEST - "Spiritual Instinct"

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Trois ans après “Kodama”, Alcest nous offre une suite et continue de nous faire voyager dans des eaux troubles avec ‘Spiritual Instinct’’. Encore plus tourmenté, plus intense, plus sombre, cet album très personnel pour Neige se ressent par sa sensibilité et vulnérabilité. Cette dualité entre l’ombre et la lumière qui font l’essence d’Alcest se retrouve parfaitement dans cette atmosphère lourde et mélodieuse entre une voix éthérée, des riffs aériens comblés par la hargne des riffs intense, des Blast Beat et un chant crié déchirant. Ces fusions de styles entre du Post Metal, du Black Metal et du Blackgaze sont encore plus puissantes et subtiles. Le titre d’ouverture “Les Jardins de Minuit” nous plonge progressivement dans l’obscurité de l’album avec des riffs rythmés et la voix envoûtante de Neige nous transportant dans ses désarrois. “Protection” continue dans cette traversée et on ressent les riffs encore plus puissant et tumultueux accentue l’orientions d’Alcest vers une musique plus intense et sombre. “L’Île Des Morts” d’une durée de neuf minutes marque pleinement ces harmonies contrastées avec ces changements d’ambiances captivantes et déstabilisantes. “Le Miroir” (une retranscription du poème de Charles Van Lerberghe) incarné par la douceur amenant un côté progressif envoûtant et planant, accompagné d’une voix d’une grande sensibilité. Alcest réussi à harmoniser des dualités pour créer des compositions uniques et intenses, ''Spiritual Instinct” est un voyage spirituel sombre et lumineux.

En 2016, Eluveitie a connu un grand chamboulement avec des changements de line-up, aujourd’hui les Helvètes sont sur les devants de la scène plus forts que jamais. Après deux albums “Evocation II – Pantheon” (2017) et “Ategnatos” (2019), il manquait un élément pour immortaliser ce renouveau. L’occasion s’est présentée de capter leur premier live avec les nouveaux membres durant leur escapade des festivals cet été au Master Of Rock (République Tchèque). L’essence du groupe se retrouve dans ce mélange de Death Mélodique et de Folk Metal qui lui est propre, se combinant à merveille entre l’énergie et l’intensité des vocaux de Chrigel et Fabienne. Malgré que ce live n’apporte rien de particulier, il met en avant leur dernier album avec six titres sur quinze joués. Cependant, il est plaisant d’entendre leurs classiques “Inis Mona”, “Thousandfold” ou encore “A Rose For Epona” reprendre un nouveau souffle avec le line-up actuel. Mon attention se porte surtout sur la prestation vocale de Fabienne qui m’a bluffé par sa puissance et l’émotion qu’elle envoie, notamment sur les deux titres acoustiques “Artio” et “Epona” ainsi que sur les nouveaux titres “Breathe” et “Ambiramus”. Petit détail inutile, pour moi, le solo de batterie qui aurait pu être très bien remplacé par un autre morceau. En conclusion, Eluveitie propose des compositions dynamiques qui sont taillées pour la scène, même si cet opus n’est pas une grande surprise il permet de faire vivre l’essence du groupe de la meilleure façon c’est-à-dire en live.

27 ans – oui, oui, vingt-sept ans ! - après son dernier véritable album – "The law", sorti en 1992, a été suivi, en 1994, d’un split avec Suffocation, Cancer et Malevolent Creation – Exhorder est de retour ! Le groupe natif de Louisiane signe avec "Mourn to the Southern Skies" une résurrection réussie. L’éternel second couteau, toujours fidèle à son groove metal ancestral, offre en effet une œuvre de qualité. Bien sûr, et même si le chanteur Kyle Thomas ne supporte plus de voir le nom de Pantera accolé à celui de sa formation, il est impossible de ne pas penser au défunt combo d’Anselmo dès les premières notes d’un "My time" inaugural qui laisse pantois, sur un "Asunder" mid-tempo ou sur le plus lent "All she wrote".

Riffs impressionnants et solos bien troussés, vocaux agressifs mais modulés ("Arms of man", vicieux, "Mourn to the Southern Skies"), section rythmique irrésistible, méga production qui gonfle les guitares comme on les aime chez Nuclear Blast, voilà la recette d’un plat roboratif, certes, mais que l’on prend plaisir à avaler. "Beware the wolf" est une décharge électrique quand "Hallowed Sound" lorgne vers le heavy, un peu à la façon d’Exodus. Mention à "Yesterday’s bones", longue pièce tout en tension à la conclusion apaisée en guitares acoustiques. Le disque s’achève sur le titre éponyme, ambitieuse composition aux relents doom, agrémentée d’un orgue Hammond, qui démarre en ballade avant de rencontrer, dans les bayous de Louisiane, Down!

Nous retrouvons les grands fans des Misfits qui sévissaient jadis au sein de Devils Whorehouse. Puis, il y a 8 ans, ils ont pris leur propre envol pour laisser libre cours à leur propre expression créatrice. On peut dire que le quatuor de Norrköping est productif puisqu’il s’agit déjà de leur 4e opus. Les premiers albums du groupe avaient laissé un sentiment très mitigé dans la presse spécialisée francophone. Leur travail était vu comme irrégulier et le chant était pointé comme n’étant pas au top.  Sur le troisième album, une amélioration était perceptible, n’en déplaise aux détracteurs. J’avoue que je n’étais pas très emballé de plonger sur cette œuvre nouvelle, empli d’a priori. Bien mal m’en a pris, car quelques écoutes plus tard, je dois avouer qu’il y a sérieuse évolution. C’est le meilleur album que les Suédois nous ont pondu et qui présente manifestement des signes évidents d’une maturité créatrice. Cette fois, sur les 11 titres, j’ai perçu nettement plus de cohérence entre les morceaux, suivant un certain fil conducteur assez Heavy doomesque et présentant des traces de bon vieux thrash. En dehors du superbe « He Who Hates », le punk semble avoir été écarté et franchement, tant mieux, car nous voyons enfin le trésor qui était caché dans l’âme des artistes. La mélodie est présente, la puissance est dosée avec intelligence. Le chant de Valentin m’a ici davantage convaincu. « Edge of the Wood » suinte l’essence de Slayer tout en préservant la griffe, désormais bien présente de Death Wolf. « Empower The Flame » et « The Sword » campent dans le thrash old school tout en parvenant à caresser l’efficacité des brillants Channel Zero à la période « Black Fuel ». À l’écoute du fabuleux « Funeral Pyre », nous plongeons dans un superbe doom tout en ayant à l’esprit le spectre de Paradise Lost.  « The Executioners Song » va nous amener dans les fondements du bon vieux heavy Doom qui se téléporte dans la modernité par l’énergie du chant. Les Suédois savent aussi composer un hit typé rock survitaminé et le démontrent aisément avec le bien agréable « Speak Through Fire ». « Serpents Hall » me scotche tant il m’emmène dans un univers proche de  Type O Negative, tout comme le très langoureux « Conquerors Dance ». Ma foi, cet album est plus que correct et risque fort de changer le prisme de la considération francophone à l’égard de Death Wolf. À mon sens, cet opus est un sérieux tremplin vers une reconnaissance méritée. Comme quoi, le travail finit toujours par payer. Bravo Death Wolf.

Un 9e album d’une légende vivante Norvégienne des années 90’s, on ne peut que sauter dessus. Ce qui reste assez exceptionnel avec ce groupe qui a connu quelques changements de line-up, c’est que, selon mes goûts, il n’y a dans leur carrière, aucun album à jeter. À chaque fois, les membres concernés furent à même de réaliser un black originel hautement qualitatif. Bien souvent, il n’y a pas de fioritures dans les morceaux qui campent véritablement l’essence du véritable Black de cette chère école nordique. Pour l’album qui nous occupe ici, par rapport au line-up stabilisé de 2016, hé oui, tout est possible, c’était l’occasion de découvrir l’alchimie que prendrait la forme du quatuor enrichi de l’arrivée du bassiste, Rammr. Jontho, ayant officiellement opté pour le chant il y a 3 ans, tient toujours ce poste avec brio aux côtés de son vieux bien sympathique comparse « gratteux », Bolverk. Derrière les fûts, le très efficace Malignant, cheville ouvrière de Dauden. L’opus délectera les fans de ce bon Black n’roll super énergique aux mélodies parcimonieuses et totalement envoûtantes. Deux splendides morceaux sortent allègrement du lot pourtant déjà bien efficace ; le titre éponyme qui lâche l’enfer sans introduction préalable ainsi que le très surprenant « Sanctimoneous » teinté d’une bien jolie mélancolie totalement transcendée. « Nemesis » vous plonge dans un riffing qui suinte bon Dissection mais tout en gardant la marque de fabrique identitaire ragnarokienne. « Gerasene Demoniac » s’inscrit dans cette même atmosphère qui vous accroche aux tripes. Sur « The Gospel of Judas Iscariot », les artistes jouent sur la rythmique, surfant sur les ralentissements de tempo pour mieux remonter dans la puissance. Qu’est-ce que cette galette norvégienne va donc donner en live ? Eh bien, pour avoir eu l’honneur de les voir au Belvédère le dimanche 24 novembre dans le cadre de leur tournée européenne, je peux vous assurer que c’est très efficace et que le public en a eu pour son argent, d’autant plus que 2 autres perles choisies par le groupe, passent très bien sur scène, « Chapel of Shadows » et le très pétulant « The Great Destroyer ». Qui plus est, nous avons affaire ici à des personnes qui gardent toute leur humanité derrière leur art noir et qui restent très proches de leur public. Ne dit-on pas qu’on a la classe ou qu’on n’en a pas ? Voyez-vous, pour Ragnarok, la question ne se pose même pas.

27.11.19 09:25

MUNICIPAL WASTE - "The Last Rager"

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Premier EP des thrasheux de Municipal Waste depuis la prolifique année 2012 (qui aura vu naître deux EP ainsi qu’un album), autant ne pas tergiverser : on reste clairement sur sa faim face aux dix petites minutes de la galette. D’autant plus que chaque morceau est… très bon ! Le magnum opus de l’album se trouvant certainement dans le titre éponyme : des lignes de basse hyper lourdes et répétitives, accompagnées de percussions simples et efficaces et on se tape un morceau tabassant tout sur son passage dans un océan de violence brute et sans finesse. « Wave of Death » sert de très bon apéritif également, avec ses riffs très mélodieux s’extirpant de cette basse (encore elle !), clairement bien décidée à clamer haut et fort son existence. Tandis que si « Rum for Your Life » ne vous décroche pas un sourire à la simple lecture de son titre, nul doute que sa frénésie sortie tout droit de l’esprit d’un ado colérique saura vous donner l’envie de sauter partout. Si vous espériez un peu d’accalmies sur « Car Nivore », comment vous dire qu’il s’agit peut-être du morceau le plus foutraque ? Avec une batterie, jusqu’ici « sage » qui se déchaîne d’un coup complètement ? Alors ce n’est pas très long… Mais que c’est bon !

26.11.19 18:13

NORMA JEAN - "All Hail"

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Huitième opus du quatuor, sortant bien après la vague metalcore et screamo qui a traversé tout le début des années 2000, il permet de prouver aux quelques réfractaires qu’il y a toujours matière à travailler même à l’aube des années 2020. Mélodique et brutale, à l’image de la voix tortueuse et râpeuse de Cory Brandan, la musique de Norma Jean se veut aussi fluctuante que délicieusement agressive. Peut-être faut-il imputer ces changements multiples au line-up lui-même très mutagène du groupe… Qu’importe, si cela peut offrir à nos écoutilles une salve originale tous les trois ans en moyenne. Car c’est aussi un sacré atout du groupe : sa capacité à brasser les sous-genres avec une certaine maestria. Que ce soit le hardcore, le prog ou le noise, rien ne paraît greffé : tout s’imbrique très bien. Même les interludes valent le détour… Si ce n’est pour leur atmosphère lourde, pesante… pratiquement effrayante même ! Ou encore le morceau qui clôt l’album : « The Mirror and the Second Veil ». Une simple guitare acoustique, sans rien derrière, pour clore non sans amertume une galette très fournie. Clairement, il y aura à boire et à manger sur cet album. Les thèmes abordés sont tranchants, sombres et riches… à l’image de leur musique en vérité. Si on ne peut pas leur retenir un caractère unique les rendant un peu à part (on aimera ou pas), on regrettera presque cette surabondance… Qui ne manque que d’un soupçon de raffinement pour décrocher un score parfait. Mais on chipote…

Au début, j’avais peur d’entendre encore un de ces albums plats et qui ressemblent à tant d’autres. La crainte s’est accentuée avec en entamant le disque. Heureusement dès que le chant a débarqué, j’ai été intriguée par le chant suédois qui donne une teinte spéciale aux chansons. C’est la première fois que j’ai l’occasion d’entendre cette langue et elle ne me semble pas particulièrement chantante. Mais le groupe l’inclut d’une façon très prenante, ce qui donne à l’ensemble un rythme et une mélodie de cette langue assez étrange qui contribuent à l’identité du groupe. Et les titres s’enchaînent sans faiblir et c’est un réel bonheur pour les oreilles de bout en bout !

 La chose qu’on pourrait peut-être reprocher est la ressemblance entre les titres. À la première écoute, ce n’est pas un problème, mais sur le long terme, le CD peut devenir lassant et perdre son côté accrocheur.

Les chansons coup de cœur : « A Place to Call Home (+ärla Bogg) » et « Sluten Cirkel ».

Groupe de heavy metal traditionnel, dans la lignée des géants de la NWOBM, Iron Maiden et Judas Priest, avec une pincée d’influence teutonne à la Accept, Burning Witches a signé, en deux ans, deux albums solides et efficaces, à défaut d’être révolutionnaires.

Au printemps, le groupe a changé de chanteuse, Laura remplaçant Seraina. Pour présenter la nouvelle venue, les Sorcières proposent un quatre titres, composé d’un inédit, "Wings of Steel", et de trois morceaux captés cet été à Wacken, où les Suissesses étaient ravies de se produire pour la première fois.

Tirées de leur deuxième disque, "Hexenhammer", ces compositions sont directes, pour un "Executed" quasi thrash, qui démarre après une intro faisant penser à celle de "Hallowed be thy name " de qui vous savez, et "Open your mind". La foule répond présente avec quelques chœurs et l’on perçoit la bonne ambiance qui semble régner sur scène. Même si les vocaux manquent quelque peu de puissance, de quoi faire regretter la frontwoman originelle ?, le travail des guitaristes, tant en riffs qu’en soli, donnent de la consistance à ces compositions. La dernière chanson, l’éponyme, "Hexenhammer", montre la face épique de Burning Witches… que l’on retrouve sur la consistante nouveauté "Wings of Steel".