Après quatre années de hiatus, les rockers de Reckless Love sortent enfin de leur tanière pour nous proposer « Turborider » qui s’avère d’ores et déjà être un tournant musical dans la carrière du groupe. En effet, tentez d’imaginer le hard rock plein d’énergie que les Finlandais délivrent habituellement mélangé à une méga dose de synthwave période « eighties ». Le résultat donne une musique rétro moderne boostée par une production explosive. De « Turborider » à « Prodigal Sons », on a droit à onze singles potentiels durant lesquels on a l’impression de voyager dans le temps et de parcourir nombre de jeux vidéo sur lesquels nous avons passé des heures lors de nos venues dans les luna-park. Car c’est bien de l’univers « gaming » des années quatre-vingts dont Reckless Love s’inspire. On s’imagine parcourir les routes de « Outrun », d’échapper au « Terminator », ou encore de se croire dans « Tron ». Mention spéciale à l’ultra fédérateur « Eyes Of A Maniac » ainsi qu’au morceau « Future Love Boy », limite pop, et qui aurait facilement pu figurer sur un album de Maroon V. Avec « Turborider », Reckless Love s’ouvre de nouveaux horizons, combinant deux genres à la perfection et délivrant du coup un superbe album totalement addictif.
Mean To You est en fait le projet d’un seul homme, en la personne du Luxembourgeois Mulles. Décidant de sortir sous ce nom n’importe quel type de musique qui lui passe par la tête, c’est après un album orienté électro que le musicien revient avec « Strong » à ses premiers amours que sont le rock et le metal. Proposant des riffs solides, alternant douceur et rage, la musique se veut résolument efficace, ponctuée de gros solos. On pourrait situer Mean To You quelque part entre Pop Evil, Nickelback, Black Stone Cherry, Staind et même 3 Doors Down à certains moments. Le chant hurlé est correct mais l’ensemble vocal peut paraître limité par instants. La force principale de cet ep réside dans la qualité de jeu du batteur qui dynamise bien plus que les guitares et basses les compositions (ce qui est quasi tout le temps l’inverse). Au final, sans être transcendant, « Strong » passera sans problème dans une playlist rock ou metal, sans pour autant titiller les grands du genre.
Vivisect Merch est le label belge le plus prolifique en matière de Slam Death, Roy Feyen gère le label et est dans quasi tous les groupes produits. Intracranial Bludgeoning est justement l’un des groupes en question qui contient des membres de Human Vivisection, Dicksqueezer et autres. Au même titre que ses autres projets, la finesse est mise de côté pour un Metal proche de la punition divine lors du passage au purgatoire. L’album est lourd et a le mérite de vous faire headbanger tout du long de ses trente et une minutes contenant Breakdown, Grouik Grouik porcin et matraquage de batterie au rythme d’un déchargement de chargeur camembert sur une Thompson M 1982 à la période Al Capone. Cet album nous gratifie même d’une cover bien brutale et bien faite de « I Will Be Heard » de Hatebreed.
Plus connu comme étant le guitariste du groupe Born of Osiris, Lee Mc Kinney sort en ce début d’année son dernier album solo « In The Light of Knowledge ». Cet album est un condensé de ce que cet artiste est capable de faire car il ne se contente pas seulement de jouer de la guitare mais c'est aussi lui qui a écrit chaque instrument, produit, édité, conçu, mixé et masterisé l’intégralité de celui-ci (à l’exception d’une contribution d’Adrián Terrazas-González pour le saxophone et Misstiq pour le piano à Crystal Song). Si vous aimez les performances « guitaristiques » en solitaire, cette composition vous est destinée car elle vous emmène dans un voyage différent à chaque track allant du plus rythmé et Djent avec « Stormrage » en passant par la plus ambiante « Vitruvian Park » ou des tracks plus passe partout comme « Crystal Song » qui m’a d’ailleurs interpellé car je me disais qu’elle aurait bien collé avec le chant de Leigh Nash (chanteuse de Sixpence None the Richer). Une belle découverte pleine de talent et qui donne tellement bien sur un Curriculum Vitae, les actes étant de fait meilleurs que les mots. Le but de Lee Mc Kinney était selon ses dires de faire ressentir des émotions aux gens qui écouteraient son album solo et le but est dans mon cas atteint.
Originaire de Mulhouse, Breath From The Void nous balance son premier essai avec un ep éponyme composé de sept morceaux. Une fois l’intro « Immersion » passée, « Discomfort » envoie la sauce à coup de rythmiques très Gojira. Cette influence se retrouve également dans le chant ainsi que dans les atmosphères proposées par les Français. Cette étiquette leur collera à la peau durant toute l’écoute de cet ep. Le groupe tente d’élargir son spectre musical en incorporant un certain groove à la Lamb Of God (« Denial », « Godless ») ainsi qu’une lourdeur penchant vers Hangman’s Chair (« Anything Anybody »). On notera également une envie de proposer des morceaux variés, passant de riffs soft clean à de grosses rythmiques, voulant créer une ambiance comme Hypno5e pourrait le proposer. Malheureusement, l’ensemble ne prend pas. Les structures sont incohérentes, le chant peut nous sembler éreintant (le groupe devrait peut-être penser à chanter en français plutôt qu’en anglais), et la production n’est pas à la hauteur des prétentions du groupe. Certes, c’est une première sortie et l’on ne peut que s’améliorer. Mais Breath From The Void a du travail sur la planche, car n'est pas Gojira qui veut.
Les poids lourds du deathcore américain sont de retour pour leur sixième album et c’est de la bombe. Soyez prêts car vous n’allez pas en sortir indemne. L’album commence en force avec « Invictus Unto Fire » et un roulement de batterie à réveiller un mort enchaîné par son beatdown à la guitare et le chant aussi percutant que la matraque d’un CRS. À cheval sur les genres Nu Metal, Rock, Death Metal et Downtempo à parts égales, en donne à tous les goûts à tout le monde. Ne vous étonnez donc pas d’aimer une track et pas une autre car tous les goûts sont dans la nature ou plutôt dans « The Last Ten Seconds of Life ». J’avoue moi-même ne pas avoir adhéré à toutes les chansons présentes notamment à « Vampire (a Blood Ballad) » qui est un peu trop what the fuck avec son chant clair autotuné ou « Glory Be 2 Misery » pour le chant clair qui fait descendre directement mon excitation telle une fusée abattue en pleine ascension. Cependant, cela est vite rattrapé par des monstres musicaux tels que « Guillotine Queen » et son côté Slam ainsi que « Birth of the Butcher » et sa montée en puissance atteignant son apogée après cinquante secondes de track avant d’exploser par son agressivité (alors que dans ce cas-ci le chant clair ne choque pas).
A l’image de sa pochette, "Praesentialis In Aeternum" nous invite à pénétrer dans une forêt dense et profonde où les ombres et la brume se mêlent pour nous envelopper d’un suaire doux et léger.
Funeral a, depuis quelques années déjà, abandonné son Doom funéraire pour une version plus heavy, gorgée de touches symphoniques et épiques (le titre inaugural "And" débute comme la BO d’un film à grand spectacle) dans la lignée de Candlemass. Cette inspiration est revendiquée par le groupe depuis ses débuts et une reprise réussie de "Samarithan" figure sur la version deluxe du LP.
Il se dégage de cette œuvre exigeante, parfois excessive dans sa richesse, aux paroles entièrement chantées en norvégien et inspirées des textes d’Emmanuel Kant (du Kant en norvégien, bon courage pour qui veut comprendre le message !) une intense mélancolie, née de superbes mélodies ou de somptueux leads, comme une présence lointaine et hantée. Un bref silence surgit tantôt ("Erindring"), un fragile a cappella jaillit parfois, petites perles limpides, comme le piano et le violon de "Shapes From These Wounds". Dans les clairières apaisées brillent d’intenses soli, derniers rayons d’un soleil noir. Funeral bien sûr, n’est pas que douceur et mystère ; souvent, montre la colère, quand les guitares se font lourdes. Les décès de Einar André Fredriksen (suicide) et Christian Loos (overdose) donnent à la formation son aura tragique : « nous avons dû traverser des périodes de morts et de pertes. Cette douleur nous a inspirés, comme êtres humains et musiciens », reconnaît le batteur et membre fondateur Anders Eek.
Quand elle délaisse les growls, la voix lyrique, théâtrale et monocorde de Sindre Nedland donne aux chansons des airs de prière pure et désespérée, comme une supplique pour s’échapper de cette forêt dense et profonde, pour soulever ce suaire doux et léger.
A l’occasion de leur quinzième anniversaire, A Crowd of Rebellion sort un EP neuf titres contenant cinq nouvelles tracks avec chant (dont un interlude) et quatre tracks instrumentales (les quatre précédentes si l’envie vous prenait de faire un karaoké). Le groupe a d’ailleurs publié "Re:Create of the Re:d" avec un total de trois chanteurs ! Le groupe a normalement une configuration vocale double, mais cette fois, ils ont invité la chanteuse Hoshikuma Minami du groupe de rock idole entièrement féminin Wagamamarakia, à se joindre à eux. Les nouvelles tracks sont plaisantes car la balance entre le chant clair et le scream est parfaitement équilibrée de manière à rendre les compositions attractives du début à la fin. Certains chants plus traditionnels comme au début de « Tatsumaki » rendent le tout également plus attractifs donnant à nous autres européens la sensation de générique d’animé avec une pointe de growl (ce qui n’est pas pour me déplaire personnellement). Amis du J-Metal/ Visual Key, cet EP vous divertira sans nul doute, vous permettra de passer quelque temps dans la bonne humeur et vous mettra un petit coup de boost énergétique pour la suite.
Il y a quelque chose de résolument beau et courageux dans l’idée de l'homemade. Oser le pari de tout faire soi-même, quand bien même on aurait l’une ou l’autre faiblesse, pour ensuite le diffuser aux yeux de tous… C’est tout bonnement admirable, et si tant est que la démarche soit sincère, on ne pourra qu’attribuer à ces artistes téméraires (et un peu fous) des critiques constructives, des conseils avisés et la petite lueur d’espoir qu’ils arriveront à faire de grandes choses, si tant est que cela soit là leur ambition. Fort heureusement, il ne faut pas voir dans cette courte introduction une quelconque mise en garde ou une quelconque marque de pitié. Le travail du couple derrière Turkey Vulture paraît étonnamment propre, délicieusement énergique et accompagné d’une bonne dose d’auto-dérision.
« Trop punk pour être metal et trop metal pour être punk », disent-ils de ce troisième EP. Et je dois bien l’admettre : si le monde du metal recèle encore de nombreux mystères et genres inexplorés, celui du punk, par contre, m’est plutôt connu, en tant que premier amour (et responsable de mon incursion dans le rock de manière plus générale). De fait, cela aura perverti mon jugement de manière particulièrement sévère, poussant à fustiger de nombreux « travers », convenances et autres caractéristiques somme toute subjectives de ce que le punk est ou n’est pas. Dans le cas de « Twist The Knife », cela me pousse donc à grossir le trait sur la dimension metal des morceaux, éloignée d’une conception rigoriste flirtant avec le gatekeeping… Ce qui paradoxalement est tout sauf punk.
Mais ce côté plus lourd n’a rien d’un parasite, loin de là. Totalement assumé, ce croisement des genres fonctionne plutôt bien au sein de la musique de Turkey Vulture. « Livestock On Our Way To The Slaughter », seul titre à dépasser les trois minutes, est une petite bombe qui groove, avec ses gros riffs qui font rouler des épaules dans un style à la fois old-school et totalement énervé ! Le chant clair s’acoquine d’un peu de growl, pour un effet saisissant. Les paroles donnent également l’impression d’un texte engagé, dénonciateur… Du moins jusqu’à ce que l’on apprenne qu’il s’agit d’une référence à « They Live » ! J’aime à croire que ce sentiment n’a rien d’anodin, et que ce double-niveau de lecture renforce le titre. Ce n’est pas la seule référence à la pop-culture qui se soit glissée sur l’EP : Fiji évoque quant à lui « The Truman Show », et se veut un rien moins écrasant que « Livestock… », mais plus péchu. Lui aussi n’est pas excessivement explicite dans l’hommage, et c’est un très bon point : hormis dans la parodie, les références à outrance ont tendance à m’ennuyer car souvent trop faciles, cannibalisent leur source jusqu’à en faire disparaître leur touche personnelle. Ajoutons que le pont du titre, avec ses passages distordus, est un vrai bonbon dont on regrette seulement qu’il soit si court ! C’est peut-être le plus gros point noir de l’EP : chacune des chansons, « Livestock… » mise à part, aurait gagné à avoir une demi-minute supplémentaire pour consolider leurs bases solides, et finir avec davantage d’aplomb. Cela aurait permis de pousser leurs idées plus loin encore.
« Where The Truth Dwells » surprend encore, avec une basse plus marquée et une thématique loup-garou cette fois ! Mais le vrai clou du spectacle (et le plus punky de tous !) reste le titre de clôture : « She’s Married (But Not To Me) ». C’est le titre foutraque, celui de la bonne humeur, celui qui rigole dans l’adversité. Un titre pareil annonce déjà la couleur, et le duo ne déçoit aucunement. Il donne envie de sauter, de coller des patates qui renversent la moitié de la bière de ses potes, le tout en s’amusant de cette situation pas vraiment drôle, mais dont il vaut certainement mieux en rire.
Soulignons encore une fois la production très clean de l’ensemble avant de clore cette chronique. Non, décidément, ce plaidoyer en faveur de l' homemade ne quémande pas l’indulgence auprès de ces artistes. Il invite au contraire à se pencher sur le méconnu, sur l’honnêteté, sur la simplicité. Turkey Vulture possède assurément un charme, et « Twist The Knife » est une friandise aussi brève que survoltée, que l’on ne peut qu’écouter avec le sourire. Après trois EPs, on ne peut que leur souhaiter l’impossible : un album complet !
La promesse d’At The Movies est relativement simple : proposer des covers de musiques de films célèbres de notre enfance/adolescence (ou celle de nos parents… On parle des années 80 et 90 après tout !). Il ne s’agit pas forcément de bandes originales, mais parfois simplement des titres iconiques rendus populaires grâce à leur présence dans des films aussi divers que Rocky IV ou Collège Attitude. Personnellement, j’associe plutôt les années 1990 à de la grosse techno un peu kitsch, je dois bien avouer que je ne vois pas comment ils auraient pu transposer Matrix, Blade ou Mortal Kombat sans avoir un résultat à la KMFDM. Et ce n’est pas trop le style de la maison.
En effet, si le résultat s’apparente un peu à la myriade de reprises metal que l’on peut trouver sur Youtube depuis une bonne dizaine d’années, « At The Movies » n’a rien du zickos amateur qui amuse la galerie avec des covers de morceaux pop dans un style volontairement excessif, bien que leur qualité puisse varier du plaisir coupable à la surprise pleine de talents… En passant par le « ironiquement mauvais, et donc drôle ». Non non : At The Movies est un super groupe, comportant des pointures allant de Soilwork/Night Flight Orchestra à King Diamond et Hammerfall. Avec un tel line-up, il semblait difficile de faire autre chose que du hard rock bien mélodieux, touchant du bout des doigts le heavy aux relents sympho et le power. Mais il en résulte une petite déception venant ternir le résultat : les deux disques sont assez monotones.
Loin de moi l’idée de prêter au projet des ambitions qu’il ne tient pas. Il est très probable qu’il s’agisse d’un délire de potes musiciens, d’une envie de jouer sur la corde nostalgique pour le simple plaisir de le faire et plus généralement : de proposer deux opus légers, faciles d’écoute et rappelant de beaux souvenirs aux cinéphiles (ou non) de la communauté metalleuse. Et en ce sens, le pari est bigrement réussi. La sélection de titres est plus que pertinente, avec un bon mélange de films et rien de trop obscur pour quiconque allait au cinéma dans ces années-là. Mais il faut avouer qu’une fois qu’on a écouté deux ou trois morceaux, on les a tous écoutés. Il aurait sans doute été bénéfique, mais bien sûr plus compliqué, de varier les styles et donc proposer un véritable patchwork de ce que la scène metal peut proposer. Mais tout dépend aussi de ce que l’auditeur cherche : la créativité au prix de reprises parfois ratées ? Ou la cohésion d’un produit total, au risque d’une petite lassitude ? Mon avis se range plutôt du côté de la première option, d’autant plus que les bons exemples ne manquent pas (le mythique « For The Masses » rendant hommage à Depeche Mode avec des groupes aussi divers que Hooverphonic et Rammstein. Plus récemment « Dirt Redux » ou « Black Waves of Adrenochrome », albums-hommages à Alice In Chains et Sisters Of Mercy respectivement, dont le line-up gargantuesque proposait des variations de style exemplaires).
Ce n’est d’ailleurs pas faute de retrouver cela sur Youtube non plus : si un Erock, un Frog Leap Studios ou un Pellek affichent un style comparable à ce que propose « At The Movies », quelqu’un comme Anthony Vincent et sa célèbre série des « Telle chanson en X nombre de styles » évoque la seconde de fort belle manière. DJ Cumberbund, s’il ne se limite pas au metal, propose aussi des mashups hallucinants : Rammstein croisé avec Wild Cherry ? Il l’a fait ! Ozzy mélangé à Earth, Wind And Fire? Pareil ! Ils valent clairement la découverte, et correspondent davantage à ce que je cherche.
Mais le fait est qu’en tant que chroniqueur, on n’écrit pas pour soi, et donc la constance d’At The Movies vous parlera peut-être davantage. De plus, il serait malhonnête de blâmer ces artistes pour avoir fait ce qu’ils font de mieux : du mélodique, du chant clair et de la musique plus accessible que ce que les trve et autres metalleux plus extrêmes souhaiteraient. Accessible ne voulant par ailleurs pas dire mauvais ou commercial… Ce projet reste tout à fait convenable et appréciable.
La conclusion serait donc, d’une certaine façon, qu’il ne faut pas chercher trop loin vis-à-vis de « The Sound Of Your Life », ce n’est pas le but. Il n’a probablement jamais été pensé comme l’album du siècle, mais vraiment comme de la musique plaisir. Et il remplit totalement son office.
Yur Mum est le genre de musique vers lequel je n’irais pas spontanément, n’étant simplement pas dans mes goûts. Mais après l’écoute d’un seul morceau de « Tropical Fuzz », j’ai mis mes aprioris de côté et j’ai foncé tête baissée dans cet album. Et quelle claque je me suis pris. D’origine Brésilienne mais vivant au Royaume-Uni, le duo nous balance un condensé de desert rock, stoner, sludge, mélangé à la folie du punk et les riffs psychés. Imaginez-vous passer de Rage Against The Machine à Skunk Anansie (« Banana Republic », « Tropical Fuzz »), à un groovy rock psyché tout droit sorti des années septantes (le très sabbathien « Kiss And Tell », « Black Rainbow »), en passant par par un punk tout en fureur (« Sweatshop »), pour ensuite terminer sur une note plus sereine (« Rio’69 »). Les guitares sont placées à l’arrière, laissant le duo basse-batterie donner une couleur unique et saturée au style du groupe. Et que dire de la chanteuse Anelise Kunz, dont l’énergie débordante nous est transmise, alternant chant clair et gueulé avec une rage et folie sans fin, se révélant au final comme le Ozzy Osbourne féminin. « Tropical Fuzz » est une pure bombe qui mérite d’être connue par tous et qui vous donnera l’énergie nécessaire pour combattre votre quotidien.
Il n’y a que peu de temps que j’ai perdu tout espoir de retrouver un jour le son primal de la Neue Deutsche Härte (celles et ceux ayant lu ma chronique sur le dernier Schattenmann savent que ça date plus ou moins de ce moment-là). En poussant la critique à son paroxysme, on se demanderait presque si le genre à un jour tenu sur ses deux jambes, tant on a l’impression que seuls les débuts de carrière d’Oomph ! et Rammstein portent l’estampe de ce « tanzmetall » aussi expérimental que froid, aussi lié à ses racines industrielles qu’harnaché à de gros instruments qui tabassent, ce côté martial renforçant l’aspect biomécanique lugubre de la musique. Même les deux gros noms ont mal supporté le passage à l’an 2000, et il en va de même pour les groupes qui les ont suivis.
Pourquoi diable persister dans cette voie qui de toute évidence ne me plaît pas ? Difficile à dire… Dans l’espoir de retrouver au moins un fragment de ce terreau sous-exploité sans doute. L’envie d’y retrouver un simple style indus aux textes germaniques, d’y retrouver du metal qui fait mumuse sur des synthés et autres outils informatiques pour donner l’illusion de sons produits par on ne sait quelle machinerie lourde. D’y retrouver un metal qui donne envie de tortiller du cul en cosplay de Matrix. Pour qu’au final… Le résultat ne comporte, au mieux, que l’influence noire des textes les plus glauques que le genre a pu offrir. Bien souvent, on se retrouve surtout avec du larmoyant en allemand. Et malheureusement, vous l’aurez compris, Schwarzer Engel en fait totalement partie.
J’ai eu l’occasion de chroniquer « Kreuziget Mich » (« Crucifiez-moi ») il y a un peu plus d’un an de cela. Un simple EP, doté d’un remix du single et de deux autres titres, dont un orchestral. J’en avais été assez peu impressionné, avec un aspect industriel trop peu mis en avant, et les deux titres accompagnant la chanson phare relevant de l’anecdotique. Je suis assez surpris de revoir l’EP (débarrassé toutefois du remix) en tête de gondole de « Sieben », même si ce dernier était en fait censé sortir fin 2020 (d’où le choix curieux de sortir un premier jet à l’époque et la suite en 2022). Plus exactement, il est étonnant de le revoir en l’état, sans modifications majeures et dans l’ordre ! Mais cet EP était aussi annonciateur des défauts à venir. Mes méconnaissances sur la discographie plus large du groupe appauvrissent mon opinion, mais le manque de folie sur la partie électronique me dérange fortement. Cela manque de peps, d’inventivité. À la place, on se tape beaucoup de morceaux plutôt émotionnels, lents et que l’on imagine poétiques. Sans juger de la qualité des textes (mon allemand étant ce qu’il est), je jugerai plutôt de la relative redondance dans les « atmosphères » proposées. Avoir des instants plus relaxés, plus sensibles n’est pas un mal en soi. On a parfois même des albums entiers dédiés à l’intimité d’un auteur, à une approche plus minimaliste ou tout du moins plus calme. Ici néanmoins, on ne peut s’empêcher d’avoir un peu l’impression de tourner en rond et dans le « romantisme noir » pourtant promis. Nul doute qu’une bonne compréhension du texte devrait rattraper les quelques lacunes instrumentales. Parce qu’en l’état, la ritournelle entêtante de « Vollmond » est un peu faible pour sauver le tout.
Reste alors les quelques titres usant d’un peu plus d’électronique donc. Ce qui fait paradoxalement de « Kreuziget Mich » l’un des meilleurs de la galette. Copie conforme de son pendant 2020, il ne rivalise pas avec les classiques mais s’en sort pas trop mal. « Ewig Leben » fait cracher les guitares, et ça fait DU BIEN ! Son côté indus reste faiblard mais il est moins timide. Mais paradoxalement, mon morceau préféré, c’est celui de la fin (proprement nommé « Endzeit »). Il donne tout ! Il est plus musclé, plus efficace (il a même des « HEY ! » digne d’un hymne de stade !) et avec un petit côté épique en plus qui le rend… franchement sympathique. Sans renoncer à l’émotionnel teinté de poésie noire, semblants si cher au style de l’Ange Noir, gagner un ou deux titres de plus de cette trempe aurait fait plaisir. Ne serait-ce qu’en guise de pause jouissive, de titre plus dansant.
Alors voilà, j’ai pu mentionner à plusieurs reprises mon profond respect pour les artistes réalisant tout en solo. Dave Jason n’échappe pas à cette règle et je salue son audace. Mais il n’est pas un cas isolé, pas même dans le monde de l’indus ou du gothique (loin de là, ça semble presque être une norme, en attestent Assemblage 23, Hante ou Author & The Punisher). Une telle répétitivité et un tel manque d’audace est donc difficilement justifiable. Les membres de Rammstein parlaient d’eux comme d’une « thérapie » ou d’une « démocratie » pour expliquer la force de leur barque, au line-up inchangé depuis presque trente ans. Implicitement, ils évoquaient aussi l’apport créatif que peuvent avoir six têtes plutôt qu’une. Peut-être Schwarzer Engel serait plus incisif et mémorable dans la tête de plusieurs artistes. Mais dans celle de Dave Jason… On s’y ennuie fortement. L’album est-il interchangeable dans la discographie de SE ? Je ne saurai vous le dire. Il l’est en tout cas dans la grande masse d’artistes évoluant dans le genre depuis une bonne quinzaine d’années.
Après un premier essai en 2018, Orkhys revient avec un nouvel album intitulé « A Way ». Les Français pratiquent un metal symphonique des plus sympathiques. Variant les rythmiques avec ingéniosité (« A Brand New World »), se la jouant progressif (« Home »), pouvant être agressif (« Orkhys ») et incorporant des instruments d’époque (« A Brand New World »), Orkhys réussit à composer des morceaux variés qui se révèleront être autant agressifs que mélodiques, autant épiques que mélancoliques. J’ai eu deux réels coups de cœur à l’écoute de cet album. Tout d’abord « Bloods Ties », véritable monument de près de dix minutes durant lequel le chant laisse les musiciens s’exprimer pleinement, pratiquant un savant mélange de tout ce que le groupe peut proposer, incorporant des passages acoustiques et finissant par des blasts puissants et apocalyptiques. Mon deuxième coup de cœur ira pour l’étonnante reprise du « The Clansman » d’Iron Maiden, époque Blaze Bailey (tiré de l’album Virtual XI, celui que les fans détestent mais dont je suis fan), que les Français reprennent à la perfection, incorporant leur identité au morceau des Anglais. Enfin, il ne faut pas oublier de parler du chant de Laurène Telenarria qui est tout simplement parfait, ne dépassant pas les limites et ne partant pas dans un style opéra comme la plupart des groupes du genre. « A Way » est une véritable bouffée d’air frais dans l’univers du metal symphonique.