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Chroniques (703)

19.02.22 18:21

SVARTSOT - "Kumbl"

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Svartsot a pris le pari risqué à travers “Kumbl” de revenir, après sept ans sans nouvelle sortie d’album, vers un folk traditionnel médiéval à leur sauce.  

Si la mélodie nous ramène directement dans une ambiance celtique, et le chant nous rappelle fort probablement d’autres groupes tels que Amon Amarth ou Finntroll, l’exercice d’innovation reste compliqué pour Svartsot. L’album peine à démarrer, mais il n’en est pas moins intéressant sur la longueur. En effet, il regorge de petites surprises parsemées par-ci et par-là afin de surprendre son auditeur. A commencer par “Carmen Vernale”, un très ancien chant latin totalement revisité par le groupe mais en conservant la langue originale. Le groupe parvient également à nous montrer une facette plus douce avec “Villemand” et son chant chuchoté. L’enchaînement de “Liden Kirsten”, “Rottefængeren” (qui se trouve selon moi être la pièce maîtresse de l’œuvre), et “Den Store Stygge Stimand” est particulièrement efficace et trouve un intérêt décisif dans l’écoute de l’album. Nul doute que l'effet produit sur scène lors des prochains live sera magistral. Dommage qu’il ne soit pas placé un peu plus tôt dans la tracklist, car les titres passés deviennent insuffisants à ce stade de l’album.

« Kumbl » est un album réussi. Les pistes sont plus ou moins égales en termes de puissance et de mélodies, et c'est exactement ce que l'on peut attendre d'un groupe tel que Svartsot. Les danois ne tombent pas dans la facilité, sans pour autant renouveler le style.

Si dans presque un mois pile nous retrouverons le trio italien à Gand (enfin un peu de concerts que diable !), ce nouvel EP pourrait aisément servir de carte de visite à ce groupe atypique… Ou un avant-goût de ce qui nous attend peut-être sur leur prochain album. Quoiqu’il en soit, cette nouvelle salve surprend par son caractère très pluriel. Moins linéaire que DoomooD, leur album précédent (qui avait reçu une belle critique de la part de votre serviteur), il mise au contraire sur la versatilité, sur le déploiement d’horizons nouveaux comme anciens, avec quatre titres à la musicalité fort différente. Seul le dernier morceau, baptisé « Rules of War » (ou « Scrolls of War » dans le press kit… allez savoir…) rappelle les meilleures heures de Doomood. Totalement atmosphérique, épique à souhait et avec des cuivres sonnant comme des appels au combat. Fabuleux !

Le reste de l’EP n’est pas du tout en reste. « Black Bells of Destruction » est un joyeux bazar sombre, accompagné d’une voix éraillée qui donne un côté sauvage, presque death metal à l’ensemble. Et la folle batterie n’est pas étrangère à ce sentiment. « Carne Marcia » garde un côté puissant et effréné, mais s’assagit par à-coups, pour mieux faire beugler les cuivres, de manière presque jazzy cette fois. Si l’on ôtait l’apparat obscur de ce morceau, il pourrait sans peine faire office d’apothéose d’un concert jazz tout ce qu’il y a de plus classique. « Die Ewige Wiederkunft Des Gleichen » (à vos souhaits) est le plus planant de la galette, et se garde bien de nous livrer ses plus puissantes cartouches pour son dernier quart. Avant cela, on se tape cinq minutes de préliminaires délicieuses, oniriques à en crever avant de basculer dans le plus noir cauchemar. À la manière d’un film à suspens, il aime prendre son temps et il a bien raison. Il nous berce pour mieux nous bousculer… Il est froid et lugubre, mais aussi diaboliquement envoûtant. Un véritable exemple.

Alors je l’admets : la constance de Doomood m’a goûté un rien de plus. Si ce n’est parce que l’album donnait davantage l’impression d’un tout, racontant pratiquement une histoire avec une économie de mots exemplaire. Mais que cela ne vous freine pas du tout : Ottone Pesante déballe tous ses talents sur la table et montre que l’idée n’a rien d’une blague ou d’un délire vite essoufflé. Les possibilités sont manifestement nombreuses, et il nous tarde de voir quelle(s) direction(s) ils emprunteront ensuite.

19.02.22 18:15

NEXT TIME MR. FOX - "Babylon"

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Depuis quelques années, la scène metalcore italienne est en ébullition, mélangeant hardcore, metal et deathcore en fonction des différentes formations. C’est cette fois Next Time Mr. Fox (et non pas No More Mr Nice Guy) qui nous propose son nouvel ep intitulé « Babylon ». On commence avec une intro jouée avec des guitares clean, amenant une ambiance byzantine, nous propulsant à Babylon dans l’ancien temps. « Bestias » nous transcrit la brutalité des événements survenus en ces lieux via un metalcore classique aux grosses rythmiques, son chant ultra brutal, et sa mosh port bien lourde. « SmackDown ! » arrive ensuite pour enfoncer le clou, les Italiens balançant un mid tempo efficace et des mélodies bien dark, avant de faire place à une pure moshpart deathcore et du pig squeal. Vient ensuite le choc… Une ballade rock acoustique au chant clair, oh combien sublime, mais qui décontenance totalement l’auditeur. Enfin, « Babylon » vient clôturer cet ep avec son début à la Whitechapel avant de se transformer en metalcore classique, le tout avec un chant rappelant Trivium ou Bullet For My Valentine… Il est clair que ce nouvel opus est interpellant car il met en avant le niveau et la versatilité des musiciens. Mais il fait perdre l’auditeur par un certain manque de cohérence. Attention, que ce soit au niveau de la production ou de la qualité des composition, Next Time Mr. Fox est excellent. Mais à force de vouloir briser les barrières et ne se fixer aucune limite… On finit par s’y perdre.

Deuxième EP d’une trilogie débutée en 2019 avec "13 Fullmoon Nights Of Loneliness", "13 Fullmoon Nights Of Doubt" se compose d’un seul long morceau de vingt-et-une minutes. Cette chanson, doublée d’un clip flippant comme une vidéo de vacances sous substances illicites filmée par un Wes Craven zombie, est d’une inquiétante étrangeté. Derrière la pochette lumineuse, quasi sereine (tout est dans le quasi !) en accord avec le début apaisé du disque, se cache un violent voyage horrifique entre Black, Doom et Sludge, entrecoupé de froides mélodies. La douce voix féminine des premiers instants cède la place à des hurlements possédés, à de discrètes incantations, à de sinistres narrations… et soudain revient le chant clair posé sur quelques notes de piano… et de nouveau un passage torturé, douloureux. Ce va-et-vient crée une tension glacée, une énergie noire, un malaise constant.

Le concept de « concept album » est généralement une lame à double-tranchant. Que l’on soit fan du principe ou pas, il y a toujours un risque de lasser son public en traitant des mêmes thèmes, surtout si on reste musicalement sur quelque chose de constant aussi. « Le Tunnel De l’Enfer » nous prouve qu’il n’y a pas grand-chose à craindre. Déjà parce que leur EP fait environ la durée de deux chansons alors qu’il en compte sept (ça m’apprendra à vouloir du punk à l’ancienne !), mais aussi et surtout parce qu’ils sont pratiquement un groupe-concept, basé sur les films d’actions à l’ancienne, bien burnés, aux one-liners de brutasses bien ringardes et aux explosions nombreuses.

L’idée est loin d’être neuve, et on pourrait même dire que les années 2010s se sont efforcées de jouer sur cette corde nostalgique spécifique. Expendables au cinéma (quand ce n’était pas la continuation de franchises héritées de cette époque, Terminator ou Rambo en tête). Broforce ou la présence de Robocop en jeux vidéo. Et c’est sans compter les croisements avec la synthwave, néons et autres mouvements plus esthétiques, où l’on se retrouve alors avec des Kung Fury, des Far Cry Blood Dragon et j’en passe…

Ici pourtant, on a quand même l’impression de quelque chose de réellement neuf. D’une part, le groupe s’intéresse ici au film « Daylight » (ou « Le Tunnel de l’Enfer » au Québec… malin !) qui n’est pas forcément le métrage le plus connu du bon vieux Stallone. Mais en plus, ils chantent le film dans une cacophonie fracassante, dégoulinante même, qui ne nous accorde que de courtes accalmies lorsqu’ils emploient des voix samplées… Pour mieux nous retabasser derrière, évidemment ! Cela en fait un produit finalement assez difficile à évaluer franchement : peut-on juger des chansons si courtes, voire un album si court ? La musique proposée est austère pour le non-initié, mais c’est presque là le but avoué. Le groupe nous crache presque au visage, sans que l’on comprenne bien ce qui nous arrive, et on en redemande volontiers ! Le faut-il vraiment cependant ? Pas sûr que l’on tiendrait un album entier face à une telle cavalcade auditive… C’est bon, c’est puissant, c’est éreintant. Mais fiou, que ça fracasse !

Pour couronner le tout vis-à-vis de ce projet atypique, ce dernier est né et a évolué sous le prisme du covid… Ce qui signifie, dans les grandes lignes, que chacun s’est enregistré chez soi. Pour ensuite façonner ce drôle de patchwork bouillonnant à distance. Alors oubliez ce « 4/5 » : cet EP est inclassable et in-chroniquable. Il est un concentré de rage pure. Par contre, pas de doute : si les ingrédients sont connus, on n’avait rarement entendu quoique ce soit de ressemblant. Et rien que pour cela, y tendre une oreille prudente peut valoir la peine. Sans doute moins pour les fans de Sly que les keupons à la crête grisonnante qui veulent slamer sans interruption pendant la durée de cuisson d’une pizza surgelée. Et il y a peut-être que chez nous qu’on percevra ça comme un compliment !

Ah qu’il est bon de découvrir des formations donnant le boost nécessaire pour passer une bonne journée. C’est en tout cas l’effet que m’a donné « Le Fil De L’Histoire », nouvelle offrande de Crazy Jesse. Un rock bombastique qui groove et qui envoie du lourd, sublimé par une Jessica Morel Chevillet au sommet de son art. La chanteuse nous envoûte totalement avec un chant parfois rock, parfois bluesy, parfois… psychédélique. Chaque musicien amène sa personnalité dans le son de Crazy Jesse. On ressent une certaine folie à l’écoute de cet opus. Et quand on lit les textes, en français s’il vous plaît, engagés traitant de la folie de l’humanité, on se dit que le groupe réussit parfaitement à nous transmettre son rock. « Le Fil De L’Histoire » devrait en tout cas ouvrir beaucoup de portes à cette affaire familiale (et oui deux frères faisant de la musique ensemble, c’est beau). Crazy Jesse est à mettre entre toutes les mains de fans de rock en tout genre et sur-vitaminé, un peu comme Muse dans ses périodes les plus énergiques (moment où la fureur et le charme font bon ménage).

19.02.22 17:58

CONVERGE - "Bloodmoon : I"

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Et si les collaborations entre artistes d’univers diamétralement opposés sur le papier représentaient une partie de l’avenir pour la musique ? Certains groupes semblent en tout cas avoir bien compris qu’il n’est parfois pas inutile d’aller chercher chez l’autre ce que leur propre style ne peut logiquement pas apporter et ainsi élever leur proposition musicale à un niveau supérieur, le mélange des genres représentant souvent plus que la simple somme de ses parties. La distinction est bien entendu à faire entre ce dont nous parlons ici et les nombreux groupes (ou simples featurings), composés de musiciens issus de formations différentes, mis sur pieds le temps d’un album ou plus mais qui s’apparentent plus à des réunions de potes désireux de simplement jammer et prendre du bon temps ensemble. Le but n’étant pas de dénigrer cette démarche tant l’histoire de la musique nous a prouvé que, parmi eux, plusieurs avaient ou ont encore réellement des choses à dire, mais bien de différencier les démarches artistiques. Après la sortie fin 2020 de « May Our Chambers Be Full », album de rencontre hybride entre le groupe de doom drone sludge américain Thou et Emma Ruth Rundle, ce fut au tour de Converge de se prêter à l’exercice en 2021 avec la chanteuse Chelsea Wolfe pour ce « Bloodmoon : I ». Petit retour en arrière. En 2016, un an avant la sortie de « The Dusk In Us », le groupe donnait une série de concerts intitulés « Bloodmoon » pour lesquels il avait fait appel à Chelsea Wolfe, Ben Chisholm, collaborateur/producteur historique de celle-ci, Stephen Brodsky (Cave In) et encore Steve Von Till (Neurosis…) dans le but de réinterpréter certains des titres plus calmes, plus lents ou moins connus de sa discographie. La mini-tournée passera par le Roadburn (festival qui aura aussi été témoin de la coopération entre Emma Ruth Rundle et Thou en 2019) et fera naître une sorte de fantasme auprès des fans : un témoignage live ou un album verra-t-il le jour ? C’est ce qui arrive plus de 5 ans après, le temps sans doute de coordonner les plannings. Sur cet album collaboratif, Converge lève un peu le pied pour mieux permettre aux différents styles de s’entremêler avec une maestria peu commune. Quand la puissance du post hardcore rencontre la mélancolie folk gothique, ça donne ce « Bloodmoon : I », un bijou de compositions, de mélodies et d’arrangements aussi beau que surprenant. « Blood Moon » qui ouvre l’album se charge des présentations et débouche sur un disque qui nous emmène dans des paysages sonores riches et variés. « Coil » voit une intro à la guitare sèche sur laquelle la voix de Wolfe vient délicatement se poser. « Flower Moon » ou « Failure Forever » aux accents de post grunge nous renvoient aux guitares et lignes de basse plus graveleuses alors que l’éthéré « Scorpion’s Sting » à la Melissa Auf Der Maur et sa douce patte de chanson de bar aurait pu avoir sa place comme morceau de fin d’un des épisodes de la saison 3 de Twin Peaks (les fans comprendront). « Crimson Stone » voit la beauté côtoyer le bestial et débouche sur le très beau « Blood Dawn » en guise de final. Ce 10e album de Converge marque un virage certain dans la carrière du groupe mais a le mérite de prouver que sortir de ses propres cadres peut encore surprendre à condition de savoir y faire.

19.02.22 17:56

BURNING DEAD - "Fear & Devastation"

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Quatre ans après la sortie de leur ep, Burning Dead nous balance sa nouvelle offrande « Fear & Devastation ». Pour être honnête après avoir écouté les deux premiers morceaux que sont « Their Coming » et « The Warrior », je n’avais pas envie d’aller plus loin, le groupe proposant un heavy thrash des plus basiques avec un chant décontenançant totalement. Heureusement pour moi, j’ai décidé de laisser une chance aux Parisiens. Et dès « Eternal War », mon avis a totalement changé. On a affaire à un excellent thrash et le chant mi clair mi guttural de Drina commence à produire son effet. S’en suivent « See Who I Am » et son headbanging thrash ainsi que le mélodique mais puissant « Convicted » qui font leur effet. Burning Dead se diversifie en proposant une ballade très bien pensée (« She »), deux bombes thrash mélodiques que sont « Army Of Darkness » et « Silent Scream », avant de clôturer cet album avec un duo instrumental piano et guitare durant lequel toute l’agonie de notre monde peut y être ressentie. On pense fortement à Metallica à l’écoute de « Fear & Salvation », tant le mid-tempo thrash ainsi que les éléments progressifs font penser au jeu de James Hetfield comme sur « Atlas Rise » par exemple. Au final, Burning Dead sort de l’ombre et réussit à captiver l’auditeur et à l’emporter dans son torrent de désolation. Un album thrashy plaisant !

19.02.22 17:51

AMBRE - "#Silence."

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Ambre est fait pour dénoncer les problèmes de la société de nos jours. Et rien de tel que le rap et le slam pour scander haut et fort ces dénonciations. Les Français manient la langue et proposent des textes engagés posés sur une trame rock. Avec « Restons Vivants » et « Fausses Roses », le groupe nous fait naviguer entre Kyo et Saez. Mais c’est surtout à partir de « Recommence » que le combo montre sa véritable personnalité. Il y injecte plus de hargne dans la manière de scander. Viens ensuite « Brutal », qui porte parfaitement son nom, tant les guitares sont plus dures et tranchantes. Enfin arrive « L’Autre » qui sera mon véritable coup de cœur de l’album, car il prend aux tripes par ses mélodies mélancoliques. L’ep terminera sur « Danser », un véritable uppercut lyrique aux mélodies bien faites. « #Silence. » est un bon skeud qui pose les bases d’Ambre. Alors oui, on a parfois l’impression que le chanteur propose le même flow, qu’il manque une accroche dans les morceaux comme un refrain fédérateur, ... Mais pour un premier essai, le quintet de Vichy réalise un beau coup et l’on ne peut que leur souhaiter le meilleur pour la suite.

La Suisse nous envoie son commando hardcore, These Days and Those Days sort son premier EP Comatose Overdose (Those Days en 2020 étant une démo). Mêlant le Deathcore avec le Beatdown Hardcore, cet Ep n’est pas fait de musique classique et de ballades comme en attestent leur titre d’album ou des tracks sur le thème des excès de drogues ou d’alcool. Somme toute bien fait, il n’en reste pas moins basique et sans prise de risques. Il est cependant à noter que quelques samples sont assez comiques à entendre comme le klaxon de hooligan sur « Alcoyolocaust » ou l’allumage d’un bang au début de « Blazed to the Grave » suivi encore une fois du klaxon. Conclusion finale comme à l’école : bon travail mais peut mieux faire. Une bonne continuation est à souhaiter à ce groupe étant encore au stade embryonnaire.