En ces temps troublés où les concerts se font rares, de nombreux groupes proposent des captations de shows donnés sans public pour un résultat bien souvent fade et terne - nous ne donnerons pas de nom pour ne stigmatiser personne. "Live at WDR Rockpalast" n’appartient pas à cette catégorie de disque sans saveur, sans odeur. Les Allemands, forts de deux albums réussis – le Stoner / Doom "Scar and Crosses" (2016) et le plus Sludge "Champain" (2018) – offrent une prestation d’une intensité et d’une précision remarquables, admirablement mise en valeur par la WDR, la chaîne de télévision à l’origine de cette performance. Les musiciens évoluent dans une usine désaffectée, dont une photo orne la pochette. Ce décor sied à merveille à leurs morceaux glauques et pessimistes. Ce mariage sinistre de la brutalité la plus sordide et d’ambiances étranges où règnent chant clair et arpèges mélodiques projette parfois des images du Seattle des années nonantes, des hologrammes de Layne Staley (Alice In Chains) ou de Chris Cornell (Soundgarden). L’incroyable "When We Suffer" est sans doute la meilleure illustration de cette union aussi haineuse qu’envoûtante. Une atmosphère très sombre, voire Black Metal ("Shine Equal Dark"), se dégage de ces terrifiantes compositions souvent dotées d’un groove étonnant ("Before I Disappear"). Les guitares envoient des riffs lourds et sales, soutenues par une basse métallique. Enfin, surtout, Mona Miluski projette ces chansons dans une dimension supérieure tant sa voix est riche et variée, capable d’évoquer Brian Molko (Placebo) avant de se métamorphoser en un growl d’outre-tombe. Ce live n’est autre qu’un instant de grâce malsaine.
Century Media ressort le premier album de Borknagar, initialement paru en 1996, remixé et enrichi, pour fêter son vingt-cinquième anniversaire. Aux dix titres initiaux de ce brillant coup d’essai, quasi coup de maître, s’ajoutent des versions live aux légendaires studios Grieghallen de Bergen, des mixages alternatifs et, pièce historique, le premier enregistrement du groupe, en 1994, l’apaisé "Ved Steingard". Ce baptême du feu est une œuvre à part dans le parcours du all star band norvégien, le guitariste et compositeur Brun s’entoure d’Infernus (Gorgoroth), Ivar Bjornson (Enslaved) et Grim (Immortal). Bien plus Black que ses successeurs, avec peu de chant clair, "Borknagar", seule œuvre du groupe aux paroles en norvégien, lorgne vers Ulver, notamment grâce à la présence du monstrueux chanteur qu’est Garm. En témoigne le magnifique morceau d’ouverture "Vintervredets Sjelesagn", où se mêlent fureur blastée et puissance, colère et souffle épique. Les vocaux monstrueux, rêches (ah l’ouverture "Grimskalle Trell"!) se posent sur des guitares qui sentent le grand large et l’aventure. Horizons viking, nés notamment des instrumentaux, comme le cinématographique "Tanker mot Tind (Kvelding)", et pulsions de haine typiquement black norvégien s’unissent d’un morceau à l’autre ou même à l’intérieur d’une même chanson ("Fandens Allheim" aux mille visages). Placé sous le signe de Bathory, ce mariage est une fête païenne, une cérémonie intense qui célèbre la beauté des fjords et la force incontrôlable des océans.
On dit souvent que la patience est la reine des vertus, et cet adage se confirme dans ce cas-ci puisqu’il aura fallu attendre pas moins de 8 ans pour enfin découvrir le nouvel album de Blockheads. Mais à la question de savoir si le jeu en valait la chandelle, la réponse est sans nul doute la suivante : oui. « Trip To The Void » n’est ni plus ni moins qu’une véritable bombe dont les fans de grindcore se délecteront tant l’album représente tout ce qu’ils attendent d’un disque comme celui-là. Si ces chefs de file de la scène grind française ont pris leur temps, c’est pour accoucher d’un album certes furieux et compact (25 titres pour moins de 29 minutes) mais qui met surtout un point d’honneur à remplir parfaitement le cahier des charges voulu par le style, comme ils le font d’ailleurs depuis leurs débuts. Avec équilibre, Blockheads propose ici des alternances de blasts furieux et de passages plus ancrés dans leurs racines crust punk, le tout avec un sens du groove mis en forme par la production volontairement old school de Steph Tanker (Disvlar Studio). Après un passage par Relapse pour leur précédent opus « This World Is Dead », la bande bénéficie ici d’une double sortie puisque « Trip To The Void » se voit affublé des services des labels français Lixiviat Records, pour le format vinyl, et Bones Brigade pour le CD. Une sortie en parallèle sur 2 labels qui, on l’espère, lui permettra de toucher un public aussi large que possible. Le côté visuel n’est pas en reste puisque l’artwork de ce nouvel album s’apparente tout simplement à une véritable œuvre-d’art. Réalisée par le photographe mexicain Roberto Campos, la photo habillant la pochette prend véritablement l’auditeur à contre-pied en proposant, dans des tons froids, un style d’image a priori davantage réservé au post rock qu’au grindcore. Preuve en est que ce dernier parvient, après des années de cloisonnement, encore à se réinventer, du moins en partie via certaines formations. « Trip To The Void » est donc à découvrir d’urgence si ce n’est déjà fait et pour ceux qui voudraient en savoir plus sur l’univers du groupe et la réalisation de ce dernier album, on ne saurait trop leur conseiller de se rendre dans la rubrique « Interviews » de ce site. Voilà, c’est dit.
Groupe de Los Angeles basé à Tokyo au Japon, Blacksound nous pond un petit EP de cinq tracks de dix-huit minutes. Juste assez pour se faire une idée de l’émotion par laquelle le quatuor veut nous faire passer. Petite perle tout droit sortie de nulle part, cet EP est tout bonnement jouissif sans faire preuve de trop de puissance. Il est parfois tout aussi accommodant de profiter d’une plaque metalcore sans avoir à headbanger ou à ressentir une haine grandissante pour la race humaine. Profondeur, émotions et mélodie entrainante, tout y est pour un petit voyage « relaxant », si je puis dire, dans les méandres musicaux de Blacksound. Pas de moshpit ou de violence à l’horizon mais une bonne dose de musique metalcore à l’ancienne vous faisant prendre conscience qu’il n’est pas forcément nécessaire que cela aille fort ou que cela vous déboîte les cervicales pour que cela soit bon.
Voilà une belle façon de terminer l’année avec un album de metalcore digne de ce nom. Orchid Sword nous sort un full album plein de promesses et de violence (sortie un peu décalée car l’Europe est un peu en retard concernant les sorties asiatiques en tout genre). Agrémenté de sons orientaux typiques, « Nuwa » est un pur produit taiwanais. Agréable à l’écoute et plein d’originalité en nos terres, une track comme « Emptiness without form » n’est pas sans rappeler une intervention chantée typiquement asiatique (dans ce cas cité ci-après, japonaise) tel qu’on l’entend dans la bande audio originale de « Ghost in the shell » (Making the Cyborg de Kenji Kawai). L’album sort réellement des sentiers battus et fait preuve d’une telle verve de par son énergie mélangée à l’intégration de leurs origines musicales à leurs compositions. Il est sans nul doute la meilleure surprise musicale de cette fin d’année deux mille vingt et un dont l’actualité (pas besoin de préciser de quoi je parle) nous a privés. N’hésitez pas à jeter un œil sur la track précitée ou sur leur clip « Your Dream » pour vous faire une idée. Bref, un album à dévorer sans plus attendre et à déposer sous le sapin en guise de cadeau pour tout amateur de metalcore qui se respecte.
Formé en 2015 dans la région parisienne, Rest In Furia nous balance son troisième EP intitulé Silent Beholders ». Le premier constat après une seule écoute : le groupe a laissé de côté son thrash metal des premiers jours pour produire une musique plus ouverte et diversifiée. C’est en effet principalement à un Gojira que l’on pense en écoutant Rest In Furia, le chant éructé faisant fortement penser à Joe Duplantier. Toutefois, s’arrêter là serait vraiment discriminatoire pour les Parisiens. « No Respect », morceau groovy puissant aux belles mélodies mélancoliques rappellera également Machine Head, voir Paradise Lost via le chant clair. « Those Empty Eyes » dévoilera un côté plus apocalyptique du groupe, tandis que « Waving Crowds », véritable pavé de six minutes trente, se révèlera comme une compo sublime, oscillant entre metal progressif et metal planant, rythmiquement intéressant, nous renvoyant vers Paradise Lost, Mastodon et Gojira. Finalement, seul « Out Of The Kingdom » nous laissera sceptique, ce dernier passant moins bien que les autres morceaux de l’ep. « Silent Beholders » marque un changement et une étape certaine dans la carrière de Rest In Furia car il pose les bases du futur du groupe. Et on ne peut qu’encourager la démarche et attendre la suite.
Voilà un EP, uniquement disponible en digital pour l’instant, qui porte bien son nom. Les excellents Suédois, maîtres du Doom épique de haute volée, ont profité du confinement pour enregistrer quatre reprises d’artistes qu’ils vénèrent. Le mythique "Gates of Babylon" de Rainbow, le méconnu "When Death Calls" de Black Sabbath, l’incontournable "Crusader" de Saxon et le ténébreux "Waiting for Darkness" d’Ozzy Osbourne. Clairement, ces titres constituent un choix haut de gamme. Sorcerer livre des versions incroyablement heavy, fidèles aux originaux; en tant qu’adeptes, ils n’allaient pas trahir leurs idoles ! S’ils ralentissent parfois légèrement le tempo, les guitares sont brillantes (le solo de "Gates of Babylon" et la voix d’Anders Engberg est sublime). On frissonne sur le sublime début de "Crusader"! "Reverence", qui respire la passion et l’honnêteté, est un pur bonheur qui ravira les fans de Metal traditionnel.
De retour après quelque chose comme treize années d’absence dans les bois de Port Charlotte en Floride, Murder Afloat Savannah est de retour avec le surnom abrégé de Murder Afloat."From The Other Side" a été mixé et masterisé par Chris Whited (Bodysnatcher, Ex-King Conquer) et sort chez 1776 Recordings. Le groupe est composé de la chanteuse Britney Dipaola (eh oui une chanteuse dans du deathcore, un peu de fraîcheur dans ce monde de brutes), le bassiste Joey Cyr, le batteur Ryan Johnson et les guitaristes Randall McIe et Zach Anderson. Ambiance lourde et dévastatrice comme en atteste la track « A Fine Line », ce groupe n’a rien à envier aux autres monstres du genre. Leur chanteuse fait son boulot comme un homme le ferait, il n’y a pas à s’en faire. Vivement un album pour profiter à fond de leurs compositions. Plus puissant qu’un Walls of Jericho mais moins qu’un Bound in Fear, Murder Afloat ravira vos oreilles et malmènera vos cervicales C3 à C6.
Lorsqu’on évoque le genre, on aura tendance à parler de ses deux âges d’or : les fastueuses années 80, et le retour en force au milieu des années 2010 (qui se poursuit aujourd’hui). On parle parfois des années 90 comme de l’âge sombre, mais la décennie 2000 semble totalement occultée. Comme si rien de bien signifiant n’était sorti ces années-là. Il y a eu quelques sorties sympathiques pourtant, comme ce « Violent Revolution » qui vient de souffler ses vingt bougies. Il nous a gratifié de quelques titres mémorables, repris en tournée par la suite (la plage tutélaire, mais aussi « Servant In Heaven » ou « All Of The Same Blood »). Fait assez remarquable, tant les groupes « traditionnels » semblent se reposer sur leurs classiques pour caresser les fans dans le sens du poil. Je leur donnerai volontiers quelques autres titres tout aussi bons mais plus rarement mentionnés comme « Replicas Of Life » ou « Slave Machinery », avec leurs bridges mémorables et leurs passages un peu plus calme (pour du Thrash du moins… !) C’est d’ailleurs une force de Kreator : celle de pouvoir sonner bien tout en poussant moins dans les aigus et en gardant un tempo raisonnable, parfois même fort mélodieux, comme retrouvant ses racines Heavy (non pas sans exception, comme l’excellent « Bitter Sweet Revenge » qui semble jouer sur tous les fronts !). Je doute que « Violent Revolution » soit l’album le plus obscur du catalogue des allemands… Mais replonger dedans est toujours un plaisir, même deux décennies après.
Valeur sûre dans le milieu du metalcore/Visual Kei, les japonais ne pouvaient pas décevoir leur public après la sortie de leur méga album « [METEMPSYCHOSIS.] » (Deux Cds pour un total de trente-trois pistes, excusez du peu). Un travail rapide pour un résultat monstrueux car effectivement un peu plus d’un an plus tard (14 mois pour être précis), Dexcore nous sort un nouveau full album de dix track plus lourdes les unes que les autres. Ayant eu l’eau à la bouche lors de la sortie de leur clip « Earthworm » deux mois avant la sortie de leur dernière plaque, j’ai lutté le temps de l’attente pour pouvoir dévorer les quarante-quatre minutes de cette nouveauté.
Ma patience a été mise à mal mais est grandement récompensée car les compositions sont de plus en plus brutales dans l’avancée des tracks et ne sont en rien moins bonnes lors des passages plus Visual Kei que du contraire, cela permet de faire redescendre la pression avant de reprendre une claque (exemple parfait dans « Who’s fault ? ». Si vous avez aimé le précédent album, nul doute que celui-ci vous ravira et si vous n’avez pas eu l’occasion d’en profiter allez-y les yeux fermés et enchaînez les deux d’affilée sans oublier de jeter un œil à leur dernier clip qui bénéficie de la participation de Makito (frontman du très bon groupe Victim of Deception).
Ce nouvel album de There’s A Light me ramène directement aux fondements de ma passion pour la musique : découvrir des formations qui n’hésitent pas à briser les codes et les barrières et qui proposent au final une musique unique et rafraîchissante pour notre cerveau. « For What May I hope? For What Must We Hope? » se veut être un voyage dans notre subconscient, aux travers des méandres de nos pensées et idées et de notre vie en général. Parfois purement instrumental (“…The Storm Will Set The Sails”, “Magnolia”), parfois agrémenté d’un chant timide mais au combien important (“Like The Earth Orbits The Sun”), There’s A Light joue avec les atmosphères et nos émotions afin de capter nos désirs d’évasion les plus profonds. Les Allemands s’ouvrent à une musique plus heavy comme sur “Even In The Darkest Place” et n’hésitent pas à parsemer les compositions avec du violoncelle comme par exemple sur “Dark Clouds Behind, Bright Skies Ahead” et “Appearance Of Earth”. Finalement, « For What May I hope? For What Must We Hope? » est tout simplement un pur bijou musical, audacieux et hypnotique, à placer entre toutes les mains d’amateurs de découvertes hors du commun.
Toutes les bonnes choses ont une fin. On ne parle bien sûr pas ici du death metal de haute qualité qu’a toujours délivré Suffocation mais bien de l’ère Frank Mullen, vocaliste historique du groupe, qui a tiré sa révérence il y a 3 ans après 30 ans de très bons et loyaux services. Enregistré en octobre 2018 à Cambridge dans le Massachusetts lors du Death Chopping American Tour, « Live In North America » est donc la dernière performance scénique de l’un des chanteurs les plus influents de la scène death metal. Un véritable best of reprenant les titres phares du groupe, de « Thrones of Blood » qui ouvre les hostilités (après une déclaration d’amour du chanteur à son public indiquant qu’il s’agira là de sa dernière apparition) à « Infecting the Crypts » qui les referme, en passant par les cultissimes « Effigy of the Forgotten », « Pierced from Within », « Funeral Inception », « Souls to Deny » et on en passe. 13 titres intenses où les musiciens s’en donnent à cœur joie et servent sur un plateau un Mullen qui ne manque pas de donner une dernière leçon à qui veut l’entendre. « Live In North America » surpasse encore d’un cran le pourtant très bon live de 2005 à Québec, « The Close of a Chapter » (sorti initialement dans un relatif anonymat mais réédité par Relapse en 2009) qui faisait déjà office de pièce de choix dans la discographie du groupe. Connu comme une véritable machine en live grâce notamment à un frontman qui n’a jamais ménagé ses efforts, Suffocation fait à nouveau honneur à sa réputation. Et même si la question de savoir pourquoi Nuclear Blast aura attendu autant de temps avant de sortir ce « Live In North America » peut se poser, on se contentera d’apprécier l’objet pour ce qu’il est, à savoir un au revoir admirable de la part d’un Frank Mullen qui a toujours maîtrisé son sujet et a tant apporté à la musique qu’on affectionne. Salut m’sieur !
Deuxième full album pour ce groupe de fans de death old school. L’album a été enregistré au Sound Control Studio par Lukas Flarer, le mix et mastering ont été assurés par Obey Mastering. L'artwork est le produit de Vladimir Chebakov. L’album propose 9 titres aux ambiances diverses, aux rythmiques évolutives passant du dark, à la saccade via l’énergie pure. Bien que old school, l’album est complètement dans son temps et nous prouve que le death a toujours de beaux jours devant lui. On y retrouve forcément l'influence des grands groupes du genre mais tout en restant propre à l’univers du groupe et agrémenté de riffs de toute beauté. Bref c’est un excellent album de death et ceux qui pensaient que la page de cette mouvance était tournée n’ont qu’à bien se tenir.
Un deuxième album pour cette formation issue du regroupement d’anciens membres de groupes black-death-doom. L’album a été enregistré, mixé et masterisé aux Studios Moontower par Javi Félez et l'artwork est de César Valladarez. C’est un hommage aux films d’horreur des années 70-80 au travers d’un thrash influencé par des groupes tels que Sodom, Obituary, Possessed, Bathory, … Des textes sombres portés par une voix growl et des instrus puissantes : voici un résumé de l’album ! Les 9 titres nous en envoient plein les oreilles et déversent leur énergie sans discontinuer. Un très bon album thrash old school dont la note finale n’est due qu’au fait, pour ceux qui me lisent et me connaissent, qu’au manque d’originalité ou de nouveauté. Cela n’enlève rien aux qualités de cet album qui reste une méga claque d’énergie et de technique.